Roi en jaune (Le)

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The King in Yellow, « suite de nouvelles vaguement liées, avec en arrière-plan un monstrueux livre interdit, dont la lecture entraîne terreur, folie et tragédie spectrale, atteint vraiment des sommets remarquables de peur cosmique » : c'est en ces termes que H. P. Lovecraft admire l'ouvrage dans son fameux essai Épouvante et surnaturel en littérature. Chambers écrivit son recueil en 1895, avant d'abandonner peu à peu la veine fantastique pour se lancer avec grand succès dans des romans et nouvelles psychologiques et sentimentaux.

 

Le roi en jaune n'est en fait le sujet que des quatre premières nouvelles du volume total. Il est soit un personnage, soit une pièce de théâtre et rend fou tous ceux qui l'approchent/le lisent. En tant que livre maudit, il a certainement inspiré le Necronomicon de Lovecraft. S’il est cité dans le premier récit, Le restaurateur de réputation, il joue un rôle prépondérant et catalyseur dans les trois suivants. Dans Le masque, Boris Yvrain sculpte en jetant plantes et animaux dans une solution chimique dont ils ressortent en marbre. Et les humains ? Plane ici aussi l'ombre de Carcosa, cité mythique, victime d'une malédiction, où rôde le Roi en jaune, près d'Hastur et du lac Hali. Carcosa. C’est l'auteur fantastique américain Ambrose Bierce (1843-1913) qui inventa cette contrée, dans sa nouvelle Un habitant de Carcosa, que l'éditeur a eu l'habileté de présenter in fine. On pense à Kadath, évidemment, et autres lieux imaginaires de l'auteur du Cycle de Cthulhu. Le signe jaune est la nouvelle la plus macabre, mettant en scène un gardien de nuit bouffi et répugnant : vit-il ? Dans La cour du dragon enfin, c'est un organiste fantôme qui poursuit le narrateur : est-il le Roi en jaune lui-même ?

Ces quatre récits possèdent un sens de l'horreur très particulier et l'on comprend Lovecraft lorsqu'il parle de « peur cosmique ». Tout amateur du solitaire de Providence doit en prendre connaissance. La Demoiselle d'Ys sert de transition, relate un rêve dans les marais bretons, où une jeune fille pratiquant la chasse au faucon accueille un Américain égaré. Belle histoire d'amour temporel.

 

Après quelques petits poèmes en prose, rassemblés sous le titre Le paradis du prophète, suivent quatre nouvelles ne relevant pas de l'imaginaire. Toutes ont le mot « rue » dans leur titre et se déroulent à Paris. Chambers se souvient, bien entendu, de son séjour dans cette ville comme apprenti-peintre de 1886 à 1892. Dans La rue des Quatre-Vents, un vieux peintre dialogue avec un chat (le félin est bien observé, Chambers devait aimer les chats). Un Américain se perd en ville en plein siège de 1870 dans La rue du premier obus. Des étudiants américains seront à nouveau les héros des deux dernières nouvelles. Dans La rue Notre-Dame-des Champs, le peintre tombe amoureux d'une charmante jeune fille rencontrée au Jardin du Luxembourg. Mais est-elle aussi pure et noble que le jeune puritain le pense ? Rue barrée enfin conte environ la même intrigue. Ces deux textes sont fort bien écrits et décrivent avec affection le Paris des années de bohème, scène de pêche à la campagne comprise. Outre la nouvelle de Bierce, le dossier, à la fin du volume, contient une notice biographique et un appendice par le traducteur Christophe Thill, consacré à la série télé True Detective, influencée par Chambers. Précisons enfin que cette édition de Le roi en jaune était parue initialement aux Éditions Malpertuis en 2009.

 

Robert W. Chambers, Le roi en jaune, Librairie Générale Française, 2014, Le Livre de poche, ISBN 978-2-253-18400-3, traduit par Christophe Thill, 381 p., 8, 90 euros.

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