Qui part à la chasse

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On connaissait Jérémy Bouquin pour ses romans policiers. Après une nouvelle délicieusement irrévérencieuse dans l’anthologie Maisons hantées, l’auteur signe un nouveau partenariat avec les éditions Luciférines pour un ouvrage intitulé Qui part à la chasse.

En premier lieu, la couverture intrigue. Entre art abstrait et réalisme glauque, elle offre un aperçu sanglant. Visage dépecé, charnier ou simples cercles carmins, ce sera au lecteur d’en décider. Après quelques pages, ce dernier sera rapidement fixé. En effet, Qui part à la chasse conte l’épopée meurtrière d’un négociant en viande humaine.

 

Maximilien Fortis, antihéros abject, n’aime rien sinon l’argent et le cannibalisme. Dépourvu de morale, il se fournit généralement dans des fermes où l’homme est parqué comme du bétail. On y retrouve les caractéristiques de l’élevage en batterie : reproduction assistée, mauvais traitements, mutilation.

Cependant, quand un client cossu réclame de la viande bio, Maximilien tente de trouver un gibier plus rare. Le récit prend alors la forme d’une chasse à l’homme où le sordide domine. Kidnapping, éviscération, le négociant ne recule devant rien tant qu’on le paie grassement. Entre deux rendez-vous en club échangiste, il mutile et tue sans pitié. Si le personnage principal est détestable, les autres protagonistes ne sont pas moins odieux. A notre grand étonnement, tous ont leur part d’ombre, même ceux que l’on pensait innocents. Écœurés, on ne saura pour qui prendre parti et on adorera haïr cette abominable engeance.

 

Certains diront que le roman manque de vraisemblance. Pour ma part, je n’en suis pas certaine. Si on peut entrevoir dans ce texte une allégorie de la condition animale, on y lit aussi une étude sociologique déguisée. Jérémy Bouquin dissèque ses personnages à la tronçonneuse et le résultat dérange. Ici les riches s’octroient tous les pouvoirs, allant jusqu’à dévorer leurs semblables pour peu qu’ils n’aient pas les moyens de se protéger. Le pauvre n’est rien moins qu’une bête qu’on se plaît à pourchasser, acculer, broyer. On braconne en dépit des lois, l’argent seul est maître. Quelle différence avec le monde réel ? Je vous le demande.

 

Si la métaphore poussée à son paroxysme révèle avec brio toute la noirceur de notre société, on apprécie également le cynisme de l’auteur. La langue est belle, percutante. Le verbe oscille entre Audiard et Vian pour notre plus grand plaisir. On hésite sans cesse entre sourire et nausée, dégoût et frisson. On ne sait dans quelle catégorie ranger cet OVNI à la lisière du roman noir et de la réflexion philosophique parsemée de gore mais peu importe : Qui part à la chasse est assurément un petit bijou littéraire.

 

Qui part à la chasse, Jeremy Bouquin, éditions Luciférines.

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