Promesses du sang (Les)

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Au nord de la Catalogne, une centaine de migrants en provenance d'Afrique débarquent, au premier jour de leur nouvelle vie Parmi eux, Daniel Sangaré et son petit garçon Moussa, Maliens de Koloko Le pied à peine posé sur le sol espagnol, leur périple aussi long qu'interminable, entamé des semaines plus tôt, se poursuit Direction la France. Après un court séjour dans l'Hérault, ils se dirigent vers Clermont Ferrand, vers « la liberté ». Entre centres d'accueil et nuits dans la rue, de sans papiers à clandestins, le parcours du combattant de Daniel et Moussa les replonge dans l'enfer, loin de la guerre qu'ils ont fuie mais dans une même démarche de survie ne leur laissant aucun répit. En père courageux, prêt à tout pour protéger son fils et lui offrir une vie meilleure, Daniel n'abandonne jamais. Sur leur route semée d'embûches et de désillusions, une multitude d'obstacles, mais aussi tellement de mains tendues. À chacune de leurs étapes, la solidarité trouvera toute sa place.

 

Ce roman retrace avec beaucoup de justesse et d'humanité tous les écueils qui peuvent se mettre sur la route des migrants. À travers le périple de Daniel et Moussa, c'est toute l'inhumanité du système qui est mise au jour. Qu'il s'agisse des passeurs profiteurs, des gouvernements complices qui en profitent pour exploiter une main-d'oeuvre gratuite, des marchands de sommeil ou des délateurs, rien n'est épargné à ceux qui quittent leur pays en quête d'une vie meilleure et de sécurité. Bien sûr, dans la réalité, peu sont confrontés à tout ce que Julien Moreau évoque. En revanche, certains vivent bien pire, puisqu'ils tombent entre les mains d'esclavagistes modernes, avant même d'avoir quitté le continent africain.

Dans un style épuré, proche du documentaire, l'auteur nous entraîne à la suite de ce père désespéré qui ne cesse de se heurter au mur érigé par l'Occident contre les migrants. Un mur formé de lois, de policiers, de règles, de délais administratifs, de refus de "l'autre", de méfiance, de haine... À tout instant, tout peut basculer et Daniel peut être renvoyé à la case départ, où l'attend une mort certaine.

L'atout majeur du roman est de ré-humaniser ces gens, de leur rendre une individualité trop souvent gommée par le flou du terme générique "les migrants". Il est tellement commode d'oublier que derrière ce mot se cachent des personnes, des êtres connaissant les mêmes rêves, les mêmes désirs, le même besoin de sécurité que tout un chacun. Avec une grande sensibilité et un militantisme à peine voilé, Julien Moreau nous force à ouvrir grand les yeux sur ce que des dizaines de milliers de réfugiés subissent au quotidien, sur l'iniquité de la fracture Nord/Sud, sur le scandale des punitions et sanctions tombant sur ceux qui les aident.

Malgré tout, une certaine lumière règne entre les pages du roman, faite d'amour paternel, de tendresse, de volonté acharnée d'y arriver. Mais aussi portée par tous ceux qui n'hésitent pas à se mettre en danger pour remplir le devoir d'assistance qui incombe à tout être humain (comment ne pas penser à Cédric Herrou en lisant ce livre ?).

Je regrette juste que certains passages soient un peu trop rapides, pas assez développés. Une concision sans doute due au métier de journalisme de l'auteur.

 

Les promesses du sang de Julien Moreau, De Borée, ISBN 978-2812927645, 18€

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