Primer

Réalisateur: 

A la recherche du temps perdu



Passé immédiat

Dans un garage de banlieue, quatre ingénieurs passent tout leur temps libre à développer une machine capable de réduire la masse des objets. En cas de réussite, ils espèrent déposer le brevet et commercialiser leur invention pour leur propre compte. Lors du 1er essai, deux d’entre eux, Abe et Aaron, découvrent une capacité complètement inattendue au fonctionnement de ce qu’ils surnomment la “boîte” : l’échelle temporelle ne semble plus être la même, à l’intérieur et à l’extérieur. Sans l’avoir voulu, ils ont trouvé le moyen de remonter le temps.

Plutôt que de partager cette incroyable découverte avec leurs deux autres collègues, Abe et Aaron décident de garder le secret et d’améliorer leur invention afin de l’utiliser à des fins personnelles. Ils s’empressent alors d’en construire un modèle suffisamment grand pour être en mesure d’expérimenter eux-mêmes la machine. Ayant fait cette découverte, par hasard, ils n’arrivent pas encore à comprendre exactement comment le processus fonctionne et ignorent pourquoi la machine ne leur permet que de remonter peu de temps auparavant. Lorsqu’ils commencent à expérimenter personnellement la machine, ils ne se posent pas vraiment de questions sur ce qu’ils font. Ils ont juste l’intention d’en profiter pour se faire rapidement de l’argent. En effet, ils ont calculé qu’il leur suffirait de “reculer” dans le temps, chaque jour de quelques heures, pour manipuler à leur avantage leurs placements boursiers selon les données déjà publiées avant leur intrusion momentanée dans le passé. En expérimentant cette “machine infernale” sans même réfléchir aux conséquences, ils ont en quelque sorte ouvert la “Boîte de Pandore” car on ne joue pas impunément avec le temps sans en payer le prix fort. L’argent facile qu’ils engrangent après chaque voyage dans le passé, finit par les rendre encore plus avides et la multiplication de ces allers-retours, de plus en plus fréquents, finit par libérer leurs “doubles” qui commencent à se poser de sérieuses questions existentielles. Abe et Aaron vont très vite être complètement dépassés par ce qu’ils ont involontairement déclenché.

Double “je"


Ancien ingénieur de formation, devenu ensuite écrivain, Shane Carruth a passé 3 ans de sa vie à concevoir Primer, son 1er long-métrage, qu’il a successivement écrit, joué (il interprète le rôle d’Aaron), réalisé, monté et dont il a même composé la musique. Primer est un film quasi expérimental qui a été fait avec très peu de moyens : un minuscule budget de 7.000 $ puis tourné en seulement 5 semaines avec les moyens du bord et l’aide de ses copains.

En raison du manque de budget, ce film ne comporte pas d’effets spéciaux (la machine à remonter le temps a été conçue à partir de simples caisses en métal. Quant à son bourdonnement, il a été enregistré à partir de bruits de voiture et de meuleuse mécanique) mais, du coup, Carruth a su tourner ce handicap à son avantage en compensant leur absence par l’ingéniosité de son scénario qui privilégie les dilemmes de ses personnages ainsi que leurs affrontements psychologiques et montre comment une simple décision peut modifier le cours d’une vie. L’intrigue se focalise sur les réactions des deux principaux protagonistes face aux étranges évènements qu’ils ont involontairement déclenchés et auxquels ils se retrouvent confrontés.

Si Primer s’avère être parfois assez difficile à suivre (en raison d’une grande quantité de dialogues employant un jargon scientifique assez rébarbatif dans la 1ère partie) et mal abouti (en raison du fait que Carruth n’a pas su ou voulu développer toutes les excellentes hypothèses suggérées dans la 2ème partie), on ne peut que constater que le scénario foisonne d’idées originales et intéressantes sur le problème des inévitables paradoxes temporels. Primer est loin d’être parfait mais, peu importe, car il compense largement ses “erreurs de jeunesse” en sortant résolument des sentiers (re)battus grâce à son ingénieuse réinvention de la SF métaphysique qui fonctionne ici essentiellement sur la façon dont l’intrigue a été conçue et racontée dans la mesure où le film a été entièrement construit de façon à dérouter le spectateur en lui faisant perdre ses repères habituels et en lui laissant, au sortir de la projection, un sentiment d’étrangeté indéfinissable. En outre, son aspect austère et très réaliste, qui frôle parfois le documentaire, lui confère une grande authenticité.


Ce film de SF métaphysique (tourné dans des décors minimalistes et avec des comédiens non professionnels mais pourtant parfaitement crédibles), qui finit par précipiter ses deux principaux protagonistes dans un abîme de paranoïa, est très anti-commercial et aux antipodes des grosses productions hollywoodiennes ce qui ne l’a, toutefois, pas empêché de remporter le Grand Prix du Festival de Sundance en 2004 et prouve que le vrai cinéma indépendant a heureusement encore toutes ses chances d’exister dans le futur.

Primer

Réalisation : Shane Carruth

Avec : Shane Carruth, David Sullivan, Casey Gooden, Anand Upadhyaya.

Sortie le 21 février

Durée : 1 h 16

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