Post Frontière

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Patricia Sammer, journaliste au Tageszeitung, enquête sur les personnes ayant fui l’Allemagne de l’Est dans les années 1960. Inge Oelze, qui a franchi le Mur quarante ans plus tôt, accepte de lui raconter ses souvenirs : son enfance dans l’Allemagne dévastée de l’après-guerre, la fracture de son pays en deux blocs, son passage à l’Ouest et son engagement politique.Mais, rapidement, leurs discussions tournent au jeu de dupes : à l’évidence, Inge dissimule une partie tourmentée de son passé, tandis que Patricia s’abrite derrière son article pour mener une quête beaucoup plus intime. Pourquoi autant de mystères entre ces deux femmes qui ne s’étaient jamais rencontrées ?

 

J'ai énormément apprécié ce roman, qui m'a donné à voir une autre facette de Maxime Gillio, que j'ai découvert il y a peu avec son roman jeunesse L'odyssée de Milo. Ici, on est clairement dans un roman pour les plus grands, jeunes adultes et adultes.

Dans Post Frontière, il nous entraîne dans un aller-retour incessant entre trois époques et trois femmes, dont les histoires se percutent, s'entrechoquent, se mêlent intimement à la grande Histoire.

Il y a d'abord Anna pendant la Seconde Guerre mondiale, Allemande d'origine mais dont la famille vit en Tchécoslovaquie depuis trois générations. Il y a Inge, la fille d'Anna, née à la fin de la guerre et qui a subi les soubresauts de l'Europe exsangue, la reconstruction, le communisme et le Mur de Berlin. Il y a enfin Patricia, Allemande de l'Ouest ayant grandi avec le Mur et cherchant des réponses personnelles dans l'ancienne RDA.

Au travers de leurs vies, l'auteur livre tout un pan de l'Histoire contemporaine que nous connaissons peu, notamment le sort des Sudètes, ces Allemands implantés par Hitler en Bohème-Moravie, qui a peu à envier à celui des populations juives à certains égards. On découvre avec un effroi nauséeux ce qu'ils ont subi de la part des autorités communistes, qui résonne comme un écho trouble des atrocités des années précédentes (toutes proportions gardées, évidemment. Le propos du roman n'est pas du tout de minimiser la Shoah ou de faire pleurer plus sur une ethnie ou une autre).

Les vies d'Anna, d'Inge et de Patricia illustrent à la perfection ce qu'il advient aux simples gens, aux innocents, quand les puissants jouent sans états d'âme avec les pays, les peuples et les frontières. Certes, il s'agit là d'Allemandes, dont beaucoup, encore aujourd'hui, ont tendance à dire "bien fait, c'était mérité". Or, Maxime Gillio le démontre avec une écriture douce et intimiste, la nationalité importe peu. La souffrance, le chagrin, provoqués par la violence politique sont à la fois apatrides, intemporels et universels.

C'est ce que je retiens après avoir refermé le livre, comme un petit trou dans mon coeur : le jeu de dupes auquel se livrent les gouvernements depuis la nuit des temps sème le chaos et ses conséquences sont infinies, brisant des vies, des familles et même des peuples entiers.

Les trois personnages sont bien campés : Anna la courageuse, Inge la bourrue, Patricia la paumée, ne peuvent qu'émouvoir et on s'y attache dès les premières pages.

Roman bouleversant, humaniste, je vous encourage vivement à lire Post Frontière.

 

Post Frontière de Maxime Gillio, Talent Éditions, ISBN 978-2378153175, 21,90€

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