Population : 48
Caesura, au Texas. Alias Blind Town. Une bourgade perdue au milieu de nulle part, dans le désert, une série de baraquements en préfabriqué, une haute clôture en grillage qui entoure le tout. Et ses habitants, 48 au total, arrivant par vagues successives. D’eux, on ne sait rien parce qu’ils ne savent rien d’eux-mêmes : ils sont là parce qu’ils l’ont choisi, sur proposition de l’Institut, un organisme mystérieux qui leur promet une vie sinon meilleure, du moins oubliés de tous. La seule chose à faire : se faire effacer la mémoire. À l’arrivée, ils choisissent un nom et un prénom, sur une liste d’acteurs et de vice-présidents des Etats-Unis. Ils pourraient être les criminels les plus horribles de tout le pays, ou de simples témoins à protéger, ils n’en savent rien. Même l’autorité sur place, en la personne du shérif Calvin Cooper (encore un nom d’emprunt) ignore qui ils sont. Ils n’ont ni téléphone, ni ordinateur, aucun moyen de communiquer avec l’extérieur. Ils ne peuvent qu’entrer une fois, s’ils ressortent, c’est définitif. Et puis, coup sur coup, un des habitants se suicide et un autre est assassiné dans le bar local. Le shérif Cooper se voit contraint d’enquêter, mollement, poussé par le zèle de son adjointe, l’Institut envoie un de ses agents pour faire le point sur la situation à Caesura. Et si les morts cachaient en fait une énorme machination, au risque de dévoiler à chacun qui ils sont réellement ?
Bienvenue à Caesura ! Ce roman, posé sur ma PAL, avait échappé pour un temps à ma vigilance, voilà donc cette fâcheuse erreur rectifiée, d’autant qu’il mérite largement qu’on s’y arrête. L’intrigue initiale est assez classique, déjà éprouvée dans quelques romans ou films. Pour les connaisseurs, elle n’est pas sans rappeler celle de la mythique série télévisée de Patrick McGohan, le Prisonnier. Ici, pas de numéros, des hommes et des femmes libres en théorie, mais que l’habitude et également la crainte de l’extérieur font qu’ils n’osent pas franchir le grillage qui les sépare du dehors. Et ensuite il faudrait qu’ils parcourent des dizaines de kilomètres jusqu’à la ville la plus proche, sans savoir si quelqu’un ne les attend pas avec une arme. Quelques personnages se détachent : le shérif Cooper bien sûr, fier de son étoile de pacotille et regrettant l’absence d’un chapeau, son adjointe Dawes, qui prend trop à coeur sa mission, Fran Adams et son fils Isaac, seul enfant de la ville, dont on se doute qu’il aura un rôle important, Bette Burr qui semble être là pour un raison bien précise, comme une autre personne dont je ne dévoilerai pas le nom pour éviter ces fichus spoils.
Un récit qui se déroule progressivement, presque lentement je dirais, mais sans temps mort, comme pour mieux renforcer l’impression d’étouffement et de chaleur, de ce huis clos en plein désert. Jusqu’à un final très dans le ton des westerns à la John Ford et son inévitable « gunfight ». Un récit plutôt bien construit tout au long de ses 420 pages, même si certaines évidences sautent rapidement aux yeux (on comprend ce que représente le gamin par exemple, à travers les interrogations de sa mère et ses recherches sur son identité). L’auteur parvient même à rendre certains protagonistes assez sympathiques à défaut d’être véritablement attachants, ce qui n’est pas forcément évident lorsque l’on sait que tous ont quelque chose dans leur passé à se reprocher.
Au final, Adam Sternbergh nous trousse là un très sympathique roman, qui nous tient suffisamment en haleine pour n’en garder que du plaisir une fois refermé. Une plume assurément à suivre !
Mes remerciements aux Éditions Super8 pour leur confiance.
Population: 48 - Adam Sternbergh - Super8 Éditions - 22 €