Patrick Dechesne, les éditions de l'Instant

Bonjour Patrick. Les Éditions de l'Instant, c'est tout neuf, c'est tout frais. Pourrais-tu tout d'abord te présenter et nous expliquer ce qui a motivé ton envie de créer une maison d'édition ?

Bien sûr. Alors, je m’appelle Patrick Dechesne, j’ai 44 ans, je lis de la SF depuis l’âge de 12 ans, le fantastique et la fantasy sont arrivés un peu plus tard dans ma vie. Je n’ai jamais arrêté d’en lire et je pense qu’on peut me considérer avant tout comme un fan des littératures de l’imaginaire, débordant d’enthousiasme. On dit souvent que les fans de SF rêvent tous d’écrire des romans, mais ce n’était pas mon cas. Moi, je rêvais d’anthologies, de collections prestigieuses, de découvertes, d’auteurs à faire connaître… Le métier d’éditeur m’a toujours fasciné : compiler des anthologies, créer une ligne éditoriale, découvrir des livres, des auteurs, des genres et prendre le risque de les proposer aux lecteurs. Le reste, c’est une histoire de fans : rencontrer des gens qui adhèrent à ce projet un peu fou, fédérer les idées et organiser les contraintes. Et, finalement, passer à l’acte : là où un apprenti-romancier propose des textes, un apprenti-éditeur présente des plans de financement, une ligne éditoriale et un catalogue.

Notre idée maîtresse reste de proposer aux lecteurs autre chose que ce qui se fait actuellement dans l’édition francophone : des auteurs ayant été peu ou jamais traduits en français, des auteurs francophones méconnus, oubliés ou jamais publiés, des nouveaux noms de qualité mais mal connus du public. Des formats mal-aimés et pas assez exploités en francophonie, comme le recueil de nouvelles, l’anthologie, la novella,… Des langues qu’on traduit peu dans notre domaine, du danois au malais, du swahili à l’italien. Des sous-genres aussi modernes que passionnants, par exemple l’afrofuturisme, la silk road fantasy, le dieselpunk,…

Il y a de la place pour tous ces genres et ces auteurs dans le cœur des lecteurs et il nous a semblé que peu d’éditeurs prenaient des initiatives dans ces domaines. C’est ce qui a motivé notre passage à l’acte : ce désir d’ouvrir un peu plus l’édition francophone à toute cette bouillonnante créativité contemporaine.

 

Le financement de la première publication a été assuré par le système du "Crowfunding". Pourquoi as-tu opté pour ce choix ? As-tu tenté d'autres démarches ?

Pourquoi une campagne de financement participatif ? Tout simplement, parce que pour nous c’est le rêve ! Nous voulons vraiment entretenir une relation avec le lecteur, l’écouter, tenir compte de ses avis, de ses désirs, de ses critiques aussi… Dans notre monde idéal et optimiste, une maison d’édition devrait pouvoir se passer de banquiers et de subsides. Je sais, c’est très idéal, à la limite de la folie. C’est cependant ce vers quoi nous voulons tendre. Réussir un projet où le seul argent qui entre en jeu est celui que nous avons personnellement investi et celui que les lecteurs y investiront.

 

Quelles sont les objectifs de publication en matière de quantité et ligne éditoriale ?

Nous espérons commencer par sortir une petite dizaine de livres par an, de 4 à 6 grands formats, romans ou recueils de nouvelles, en majorité traduits et 3 ou 4 petits formats, principalement des anthologies thématiques portant sur quelques grands thèmes de l’imaginaire (steampunk, silk road fantasy, cthulisme ou afrofuturisme sont au programme).

Ces ouvrages sont choisis pour leurs qualités littéraires évidentes, parfois récompensées par d’importants prix, et pour leur originalité thématique. Nous sommes attentifs à toutes les nouvelles tendances des littératures de l’imaginaire et souhaitons offrir au public les textes les plus signifiants de ces mouvements marquant un renouveau des littératures de l’imaginaire. Des textes attrayants, inattendus, exotiques. Nous croyons fermement que l’avenir de nos littératures est dans leur ouverture à d’autres cultures, d’autres façons de voir le monde, d’autres façons d’écrire.

 

Un étranger en Olondre est le premier titre que tu viens de sortir. Un roman traduit de l'anglais par tes soins. N'était-ce pas une difficulté supplémentaire de démarrer cette aventure en publiant un roman traduit ? Pourquoi ne pas avoir sélectionné un auteur francophone ?

Non, c’était loin d’être une difficulté supplémentaire. Au contraire, c’était un challenge particulièrement excitant. Un étranger en Olondre était clairement le premier livre que je voulais publier. Simplement parce que j’aime ce livre, j’aime sa poésie, j’aime son humour discret, j’aime son intrigue et le voyage qu’il propose, j’aime sa langue, son phrasé, le rapport étroit qu’entretiennent le langage qui y est déployé et l’histoire qu’il raconte.

Bref, ce désir de livre (et Un étranger en Olondre parle également de ce que sont les livres et des effets qu’ils ont sur nous) était précis et pressant. Il était tout bonnement impossible que cela ne soit pas notre premier livre.

En ce qui concerne les auteurs français, nous en publierons, c’est évident (notre second roman, signé Emmanuel Chastellière, en est la preuve). Mais nous voulons nous tourner principalement vers des œuvres traduites, c’est l’idée qui est au cœur de notre projet. A vue de nez, je dirais que nous publierons environ un auteur francophone pour deux auteurs traduits.

 

As-tu rencontré des difficultés pour l'obtention des droits d'exploitation d'un roman originaire des États-Unis ? Et, dans le même ordre d'idée, quelles sont les principales difficultés d'un jeune entrepreneur qui veut ouvrir sa maison d'édition ?

Honnêtement, nous n’avons rencontré aucune difficulté pour obtenir les droits de ce livre, ni d’ailleurs des suivants. L’éditeur original s’est montré pour le moins enthousiaste et le monde des agents littéraires, aussi bien en France qu’aux États-Unis nous ont non seulement accordé leur confiance mais aussi leur temps et leurs conseils. Tout s’est déroulé en douceur et sans pression.

La difficulté principale pour ouvrir une maison d’édition, du point de vue de l’entrepreneur, on ne va pas se mentir, c’est l’argent. Nous n’avons ni riche mécène, ni héritage familial à investir. Par conséquent, nous ne pouvons compter que sur nos ressources et sur les lecteurs. La formule est passionnante, mais risquée, nous jouons sans filet de sécurité.

Au-delà de cela, tout est question de relations humaines. Nous ne connaissions quasiment personne dans le milieu professionnel, mais nous avons eu la chance de rencontrer rapidement des gens extraordinaires qui ont accepté de nous laisser les convaincre et de mener des négociations avec eux et ceux qu’ils représentent. De nombreux auteurs se sont également montrés généreux avec nous et nous ont appris beaucoup de choses. Je pense que notre ambition éditoriale les a séduits, mais aussi, je dirais, une forme d’humilité : nous voyons grand, mais nous sommes conscients que nous avons tout à apprendre, nous sommes demandeurs de toute remarque, critique, astuce, idée. Et nous pensons  que, tout comme un livre ne s’écrit jamais seul, une structure éditoriale (et entrepreneuriale par extension) ne peut vivre en vase clos et doit se nourrir des expériences des autres et être prête à partager les siennes en retour.

 

J'ai pu constater que le livre est uniquement disponible en vente par correspondance, actuellement en tout cas. Pourquoi ?

Nous sommes toujours en quête d’un distributeur, si un d’entre eux nous lit, qu’il nous contacte. Des négociations précédentes n’ont pas abouti, à notre grand regret. Nous sommes à l’heure actuelle en train d’explorer d’autres pistes, mais cette tâche est celle qui nous demande le plus de temps et de patience, beaucoup plus que toutes les autres jusqu’à présent.

Mais nous voulions depuis trop longtemps permettre aux lecteurs d’acquérir nos livres. C’est maintenant chose faite. Vous pouvez désormais le commander directement sur notre site ou sur certaines plateformes de vente en ligne, ou inciter votre libraire à nous en commander quelques exemplaires ;)

 

Un message particulier à faire passer ? Le mot de la fin ?

L’imaginaire, c’est la vie, en plus grand, en plus libre. Les littératures de l’imaginaire, c’est tout pareil : la vie, en plus grand, en plus libre. N’arrêtez pas d’en lire, soyez curieux, faites des découvertes et amusez-vous !

 

Lien externe : http://www.leseditionsdelinstant.com/

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