Paideia

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Voila un roman qui pourrait être une réponse à un roman non traduit de Jack Williamson, Terraforming Earth, que Claire Garand n'a probablement pas lu. Mais le thème en est le même : une tentative pour recréer l'humanité anéantie (par un catclysme naturel chez Williamson, par les guerres et la pollution chez Claire Garand). Sauf que Williamson raconte le succès, après plusieurs échecs et renaissances des clônes des savants réfugiés sur la Lune. Tandis que les savants inventeurs du projet Paideia ont installé plusieurs petites filles génétiquement modifiées, dix après la mort accidentelle de deux d'entre elles, dans des satellites en orbite autour de la Lune afin que, élevées par des androïdes et des IA, elles reconstruisent le Village Lunaire détruit et être les Mères de la future Humanité 2.0. Ce qui va remettre le projet en cause, c'est le fait que la narratrice, souffre-douleur des autres futures Mères (il y en a malheureusement souvent une dans n'importe quelle école), refuse ce destin imposé et veut devenir exploratrice. Et son refus va, d'erreur involontaire en erreur, entraîner la ruine du projet.

 

D'autres critiques croient que le roman porte sur le libre arbitre. Personnellement je crois que c'est, seulement, le fait que, comme trop souvent, la communauté se soit choisi un souffre-douleur à la cause de l'échec. Parce que, sur les dix petites « futures Mères », il n'y en a qu'une seule, le souffre-douleur, celle dont les autres et elle-même ont oublié le nom pour le remplacer par un surnom dédaigneux lié à son intelligence jugée inférieure, qui se révolte. On pourrait presque croire que, plus intelligente, elle aussi aurait accepté le destin qui lui a été promis par les concepteurs du projet. Mais à mon avis, ce n'est pas le « manque d'intelligence », c'est l'exclusion par les autres, qui est source de sa révolte.

 

Un roman qui laisse un goût amer. Mais l'idée de base elle-même, recréer l'humanité à partir d'un petit groupe d'enfants élevés par des machines, est-elle réalisable après que l'humanité se soit déjà presque totalement anéantie elle-même ? L'optimisme du roman de Jack Williamson n'était-il pas invraisemblable ? La survie éventuelle de l'humanité ne demande-t-elle pas une réaction en temps voulu ? C'est en fait ce qu'il faut en déduire : quand le roman commence, il est déjà trop tard.

 

Paideia de Claire Garand, La Volte, 2023, 327 p., couverture d’Anna Parraguette, 19€, ISBN 978-2-37049-213-5

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