Ceux d'à côté

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Je viens d’achever la lecture du livre de Sébastien Pisani, paru aux éditions TerAmo, « Ceux d’à côté ».


Comme les bons films, les bons livres ne se racontent pas. Je vous laisserai donc vous perdre dans le maquis avec la journaliste Sandra et le détective Patrick sur les traces d’une étrange secte, découvrir l’histoire de Matteo et d’Angelica, et celle du naufrage de Laure…

Je me contenterai de quelques observations, quelques notes de lecture personnelles qui vous donneront je l’espère envie de vous plonger à votre tour dans l’atmosphère envoûtante de cet univers fantastique.

Car c’est bien de littérature fantastique qu’il s’agit, et on peut affirmer que ce premier livre de l’auteur pour un coup d’essai est un coup de maître. On le sait, rien de plus difficile, de plus ardu, parmi les voies de l’imaginaire, que celle du fantastique. Pisani l’emprunte d’un pied ferme. Pas un faux pas, pas un seul dérapage. Une écriture sûre et égale, un style serré et cohérent, du début à la fin.

De quoi s’agit-il dans ces nouvelles courtes qui se succèdent comme autant de bonnes surprises pour le lecteur ? Du banal, du quotidien le plus proche, d’un décor familier, intime : « Ceux d’à côté », ce sont ceux, bien entendu, que l’on connaît, ou du moins, que l’on croit connaître, comme nous croyons nous connaître nous-mêmes, solidement ancrés dans nos certitudes, dans la réalité des choses vues et vécues. Mais chez le journaliste-écrivain qu’est Pisani, l’observation du quotidien ne sert qu’à débusquer, cerner, contempler le mystère. En cela, son œuvre naissante se situe dans la lignée des plus grands. On pense naturellement à Buzzati, journaliste et écrivain lui aussi, chez qui la perception du réel et de l’étrange restent toujours intimement liées, et qui dans son dernier entretien avec Silvio Bertoldi affirme : « Il grande continente inesplorato, il grande enigma siamo noi… »

Ainsi Pisani entraîne d’emblée son lecteur dans la faille qui se produit dans la réalité et qui peut déboucher diversement soit sur le gouffre, soit sur la lumière. Et cela toujours à travers une ambiance et un style justes et poignants. A le lire, on réalise peu à peu que « Ceux d’à côté », ce sont ceux qui sont aussi déjà, comme nous peut-être sans le savoir, ‘à côté de la plaque’, un peu décalés car plus proches grâce à lui d’une réalité autre, grâce à lui entr’aperçue, sensible, tangible.

La troublante proximité de l’étrange, c’est ce que je retiens finalement de ce premier livre de l’auteur qui, rompu à l’exercice journalistique, se méfie des ressorts et des astuces littéraires et s’attache à la description la plus exacte, la plus vraie d’un monde où « l es morts ont mieux à faire qu’à reposer en paix », où les formes sans cesse se déforment, où la précision des contours dévoile des épaisseurs de brume, mettant au défi le sens critique des personnages et du lecteur, ce sens critique qui s’abolit dans la sensation à la fois effrayante et rassurante du mystère.

Un mystère qui bouleverse les existences, les remet en cause, les broie, et toujours les recentre vers lui comme vers l’essentiel.

Sébastien Pisani, Ceux d’à côté, Terramo

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