Outre-blanc (L’)

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Combien de fois devrai-je rappeler qu’il n’y a pas plus irritant pour moi qu’un livre qui réalise un « gâchis cosmique » à la manière de Van Vogt en frôlant le chef-d’œuvre ? C’est, en quatre livres lus d’eux, la troisième fois au moins qu’Oksana et Gil Prou me font la même surprise d’une œuvre presque parfaite, avec une idée pharamineuse développée avec un soin méticuleux, et dont les imperfections légères sont aggravées par la qualité de l’idée et de son traitement.

 

Commençons par les défauts, relatifs, qui me sont d’autant plus insupportables qu’ils affectent un très bon livre : d’une part l’emploi de termes rares, parfois précieux, malgré tout le plus souvent nécessaires pour apporter un détail rigoureux, occasionnellement excessifs, voire maladroits ou sources de confusions. Et la richesse des références, souvent précisées par des notes, peut paraître elle aussi excessive, donner l’impression que la lecture exigerait un niveau élevé de connaissances.

Un autre défaut : face à une idée essentielle, ici la description de l’au-delà visité par le héros d’une façon tout à fait originale et inattendue, le petit récit-thriller qui entoure la mort est, sans doute, trop long et trop détaillé. D’autant plus que la fin de cette sous-histoire, la conclusion de l’aventure pour les autres personnages, paraît trop sèche après deux cents pages de thriller inutile pour ceux qui attendent la partie principale du roman, annoncée sur la quatrième de couverture : Que se passe-t-il dans le cerveau d’un homme qui vient d’être décapité ? Les éventuels amateurs de thriller appâtés et satisfaits de cette aventure en fin de compte secondaire par rapport au thème de l’œuvre seront, eux, rétifs à lire ce qui n’est plus, du tout, du thriller, mais un roman métaphysique. Tant pis pour eux...

 

Et, toujours sur le plan de l’histoire « réaliste » préalable à la quête métaphysique, objet du roman : les phénomènes paranormaux constatés après la décapitation du héros sous-entendraient-ils que l’aventure métaphysique du personnage serait totalement unique, que le roman ne prétend pas du tout imaginer ce que pourrait être l’au-delà de n’importe qui ? Je préfère pour ma part supprimer complètement cette possibilité...

Parce que l’univers de l’ultra-blanc, dans lequel se réveille, de façon multiple, l’astrophysicien Phil Caldwell, qui vient d’être décapité par le kidnappeur fou de la « partie thriller », en vue de faire peur aux parents des autres otages, est extrêmement original. Sa découverte, les tentatives du héros pour comprendre le pourquoi et le comment de cet univers sont dignes de mériter toute l’attention du lecteur qui a subi les excès des deux cents premières pages ; les réduire dans une version ultérieure serait une amélioration.

Cet au-delà que le lecteur découvre avec les avatars du héros n’est pas une énième resucée du tunnel de lumière des amateurs d’expériences de quasi-mort, mais un univers inattendu, peut-être l’intérieur d’un trou noir par rapport au monde des vivants (hypothèse qui justifierait les phénomènes évoqués plus haut mais exigerait d’imaginer que le cas envisagé est exceptionnel). Grâce aux connaissances diverses du héros, en physique, en biologie, en histoire et en philosophie, il parviendra à interpréter et faire comprendre au lecteur ce qui lui arrive après cette mort dont il ne se souvient pas... Plusieurs métaphysiques anciennes, en particulier le Livre des Morts égyptien, le mythe d’Atrée tel que présenté dans la pièce de Crebillon père, celui de Gilgamesh, lui permettent de s’intégrer à cet autre univers. Leur présence dans le roman et dans le parcours du héros est justifiée par le fait que tout homme est porteur de tout ce que l’Humanité a créé avant lui. Et son au-delà devra l’inclure.

 

Un roman qui fera réfléchir, qui vous apprendra certainement des choses...

 

Le recueil contient de plus une curieuse préface dialogue entre Bernard Werber, qui ne parle que de lui-même, et Jean-Claude Dunyach qui essaye de le faire parler du roman d’Oksana et Gil Prou, sans le déflorer comme font certaines préfaces... On peut la lire sans crainte.

 

L’outre-blanc, d’Oksana et Gil Prou, Fleur sauvage, 2016, 549 p., couverture Bertrand Binois, 20€, ISBN 979-10-94428-24-5

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