Numéro 9

Les survivants de la fin du Monde



Dernier atout

Dans un futur proche, la Terre a été ravagée par une guerre qui opposa les hommes à de puissantes machines qu’ils avaient eux-mêmes créées. Sachant l’humanité condamnée, un scientifique créa neuf petites créatures à partir de toutes sortes d’objets hétéroclites ramassés dans les décombres. Fragiles et sans défense, elles sont bien incapables de s’opposer à leurs terrifiants ennemis. Elles se sont alors regroupées en une petite communauté qui tente, tant bien que mal, de survivre au jour le jour au milieu des ruines.


Leur existence prend une nouvelle tournure lorsque Numéro 9, le dernier-né de cette bien étrange “famille”, les rejoint. Celui-ci a une mission à accomplir dont il ignore malheureusement tout dans la mesure où son créateur meurt juste avant d’avoir pu la lui indiquer précisément. Sans le savoir, Numéro 9 détient au fond de lui la clé de leur survie et il devra faire preuve de persévérance afin d’arriver à convaincre ses camarades d’infortune de quitter leur refuge afin de s’aventurer au cœur du royaume des machines dans le but de les combattre. Ce qu’ils vont découvrir en cours de route représente peut-être le dernier espoir de l’Humanité.

Adaptation


L’Enfer est pavé de bonnes intentions”, l’adage se vérifie une fois encore. En effet, la création de machines sophistiquées devant en théorie améliorer et faciliter le quotidien des gens n’a, en réalité, réussi qu’à conduire l’Humanité à sa perte. Des années plus tard, l’ancien monde n’existe plus et tous les humains sont morts.

Chassez le naturel et il revient au galop”… Les seules neuf petites créatures encore vivantes n’ont pas tardé à recréer une “micro société” avec à leur tête un chef qui donne des ordres aux autres et a fini par instaurer au sein du groupe de multiples règles à ne surtout pas transgresser. Cette tribu de petites créatures nomades fabriquées à partir de divers matériaux de récupération et qui portent en permanence sur elles leurs effets personnels, est la métaphore d’une nouvelle “humanité” en devenir qui possède une étonnante faculté d’adaptation et d’invention.


Dans ce monde post-apocalyptique où règne la désolation et qui est désormais dominé par de monstrueuses machines sans aucune pitié pour les rares survivants qu’elles pourchassent sans relâche, Numéro 9 fait office “d’Élu”, le seul à pouvoir être en mesure de sauver la Terre et ses congénères de l’extinction. C’est à force de détermination qu’il va réussir à insuffler du courage à ses compagnons qui vont enfin oser combattre leurs terrifiants ennemis plutôt que de continuer à se terrer dans les ruines ou à fuir devant eux à chaque fois qu’ils sont poursuivis. Les créatures évoluent dans un environnement où l’homme a totalement disparu de la surface de la Terre. Elles essaient de découvrir leur identité ainsi que leur origine et tentent de surmonter leur peur.

A l’inverse, le “Monstre” qui les poursuit est un prédateur, constitué de rouages de machines qui, lui aussi, cherche à s’adapter à ce nouveau monde qu’il a engendré ce qui explique qu’il tente de dérober les âmes des compagnons de Numéro 9. Les deux espèces (les 9 créatures et les machines) sont étroitement liées par un “talisman”, qui est le vestige d’une ancienne technologie datant de l’époque où la Terre était encore habitée par les humains. Il a été séparé en deux parties dont l’une est tombée entre les mains du Monstre et l’autre entre celles du clan. Des flash-backs nous montrent comment on en est arrivé là, de quelle façon les machines ont pris l’ascendant sur ceux qui les avaient créées et comment elles ont fini par éradiquer les humains de la surface de la Terre après avoir engendré le chaos.

Après la pluie

Tout en rendant hommage à de grands classiques du genre (La saga des Terminator, la trilogie des Matrix, La Guerre des Mondes, Pinocchio, etc.), ce film d’animation résolument hors normes qui se déroule dans un monde futuriste repousse les limites du genre et se démarque très nettement de la concurrence.
C’est tout à la fois surprenant, horrifique, original, émouvant et poétique. Le réalisme des images est surprenant pour un simple film d’animation. Les scènes d’action avec les courses poursuites et les attaques-surprise des différentes machines aux allures terrifiantes (araignées gigantesques, chauve-souris mutantes, squelettes de chats, etc.) sont époustouflantes et dignes des plus grands films live. L’action se déroule dans une grande variété de décors (qui s’inspirent des photos des villes européennes détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale et des tableaux fantasmatiques de Zdzislaw Beksinski) dans lesquels on a accordé une extrême attention aux moindres petits détails. L’esthétique rétrofuturiste s’inspire de l’effervescence créative de l’époque des ballons dirigeables, des locomotives à vapeur, des cloches de plongeur en cuivre ainsi que des premiers prototypes de sous-marins. Le travail sur la photo est de toute beauté, l’éclairage étant ici plus théâtral que cinématographique, Acker se sert très souvent de la pénombre pour renforcer ses effets de mise en scène. La bande-son revêt ici aussi une grande importance avec toutes sortes de bruitages (métal qui grince ou cliquette, vent qui s’engouffre dans les décombres, etc.) rendant l’ambiance générale particulièrement angoissante et les monstrueuses machines encore plus terrifiantes qu’elles ne le sont déjà.

Le principal atout du film réside avant tout dans ses 9 incroyables personnages (ressemblant à des sortes de petites poupées en toile de jute avec une fermeture éclair tout le long du sternum) à qui Acker a réussi (par on ne sait quel miracle !) à “donner une âme”. Chacune de ces petites créatures, profondément “humaines”, tant dans leurs émotions que dans leurs relations aux autres, a sa personnalité propre, y compris les jumeaux (Numéro 3 et Numéro 4) qui pourtant ne parlent pas mais agissent à l’unisson et se complètent parfaitement l’un, l’autre, sans avoir besoin de la moindre parole pour se comprendre. En tant que vétéran de la guerre, Numéro 1 s’est autoproclamé le chef du clan. C’est un personnage imbu de lui-même et manipulateur qui supporte mal les critiques. Son lieutenant, Numéro 2, est âgé mais encore vif et a une conception très particulière du monde qui l’entoure. Numéro 5 est un bricoleur mécanicien de génie, capable de tout réparer avec ce qui lui tombe sous la main.
Numéro 6 symbolise le processus d’adaptation des créatures. C’est un artiste visionnaire et incompris dont les doigts sont constitués de plumes de stylo qui passe son temps à dessiner spontanément toutes sortes de choses et à se demander ensuite ce que cela peut bien représenter. Numéro 7, le seul personnage féminin du groupe, est une guerrière au tempérament rebelle qui n’a peur de rien. Numéro 8 est un gentil balèze pas très finaud intellectuellement mais qui répond toujours présent en toutes circonstances même lorsqu’il s’agit de se battre. Quant au héros Numéro 9, c’est un innocent naïf qui n’a pas peur de suivre son instinct. Avec son statut non désire “d’Élu” bien qu’assumé (rien d’étonnant donc à ce que cela soit Elijah Wood qui lui prête sa voix !), il s’avère être le Sauveur d’une nouvelle “Humanité” en devenir.

Numéro 9 est un vrai petit bijou, un véritable joyau de l’animation qui mêle tout à la fois la fable apocalyptique et la naïveté des contes pour enfants. Faisant preuve d’une imagination foisonnante et d’un incroyable sens du détail, le scénario allie le fantastique, la SF, l’horreur avec son incroyable bestiaire de machines, l’action et la grande aventure. On est frappé par la beauté des images, la poésie et l’émotion qui s’en dégagent.

Partant du principe que “l’Histoire est un éternel recommencement”, le film déconstruit notre monde en installant à la place un univers métaphorique chargé de sens. Au travers de ses paysages ravagés par une guerre destructrice, il dénonce les erreurs perpétuelles commises par les hommes au cours des siècles et qui ne font malheureusement que se répéter. Bien que tout le récit soit très sombre et horrifique, cela se termine sur une note d’espoir pour le renouveau d’une autre “humanité” avec l’arrivée d’une pluie salvatrice (qui nous fait toutefois penser à l’horrible vision apocalyptique d’Hiroshima après le largage de la bombe atomique).

Numéro 9

Réalisation : Shane Acker

Avec les voix de : Elijah Wood, Jennifer Connelly, Martin Landau, Crispin Glover, John C. Reilly, Christopher Plummer, Martin Landau, Fred Tastaciore, Alan Oppenheimer, Tom Kane, Helen Wilson

Sortie le 19 août 2009

Durée : 1 h 29

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