Nothing

Réalisateur: 

Le meilleur des mondes



Disparition

Amis depuis leur tendre enfance, Dave et Andrew vivent, tant bien que mal, en marge de la société. Andrew est introverti et a peur de tout tandis que Dave rêvait de devenir une rock star. A force d’enchaîner les échecs et les galères en tout genre, tant sentimentaux que professionnels, les deux compères ont fini par emménager ensemble dans la minuscule maison d’Andrew, coincée entre deux bretelles d’autoroute parce qu’ensemble, ils se sentent plus forts face à ce monde cruel qui les rejette et les stresse. Alors que les ennuis s’abattent sur eux et que leur maison (c’est-à-dire le seul refuge qu’ils ont) doit être détruite, les deux copains se réveillent un beau matin pour découvrir qu’à part leur maison, tout a complètement disparu autour d’eux. Le monde est désormais un vaste néant blanc et d’aspect caoutchouteux qui s’étend à perte de vue. Plus rien n’existe à l’extérieur et ils s’interrogent donc sur cet événement particulièrement troublant. Qu’a-t-il bien pu se passer pendant leur sommeil ? Le duo se met alors à échafauder toutes sortes d’hypothèses : Sont-ils morts et donc au paradis ou en enfer ? Ont-ils été enlevés par des extraterrestres ? Ont-ils été projetés dans une dimension parallèle ? Sont-ils victimes d’une guerre nucléaire ou d’une attaque terroriste ? Et voilà donc les deux compères qui partent explorer, en “tenue de combat” improvisée (on n’est jamais trop prudent !) ce vaste néant en quête d’hypothétiques réponses… pour, au final, découvrir que leur nouveau monde ne présente pas forcément que des avantages.



Ho(m)me, Sweet Ho(m)me

Tout à la fois doux dingues et éternels adolescents, les deux amis sont bien trop fragiles, émotionnellement parlant, pour affronter notre univers impitoyable, dans lequel ils sont une proie facile pour les cyniques. Alors que Dave pensait filer le parfait amour avec sa petite amie, il tombe des nues en découvrant, qu’en réalité, elle a abusé de sa confiance et qu’elle est à l’origine de son plus grand malheur. Quant à Andrew, qui commençait tout juste enfin à croire un peu en la bonté humaine, il va malheureusement s’apercevoir à ses dépens que les enfants ne sont vraiment pas tous d’innocentes créatures.

Lorsqu’ils se voient injustement accusés de fautes que cette société ne pardonne décidément pas, leur vie disjoncte. Plutôt que d’avoir le courage d’affronter leurs responsabilités, ils préfèrent les fuir d’une façon très particulière et se retrouvent alors dans un univers entièrement blanc où ne subsiste plus que leur minuscule petite maison, qui est leur unique havre de paix. Une fois la panique passée dans cet étrange paradis, ils vont découvrir l’étendue de leurs pouvoirs et, du coup, révéler à l’autre leur vraie nature. Si les deux amis sont sans aucun doute des victimes dans notre monde, ils ne vont pas le rester très longtemps dans leur propre univers. Tous les coups vont être permis et la solution à leurs problèmes sera des plus radicales.

L’enfer, c’est les autres

Partant du principe que l’être humain, de par sa nature d’éternel insatisfait, est toujours persuadé que “l’herbe est plus verte ailleurs”, ce brillant scénario vraiment (très) original nous montre, en quelque sorte, l’idée qu’on peut se faire du paradis sur terre.

Telle Alice partie au Pays des Merveilles, Nothing pourrait être un Cube passé de l’autre côté du miroir dans la mesure où, ici, les personnages ne sont plus enfermés dans un espace clos mais, bel et bien, libres dans un espace vide de tout alors que, dans les deux cas, ils se posent de nombreuses questions sur les raisons et la façon dont ils ont bien pu arriver là. On pourrait également voir en Nothing une sorte de parabole sur le thème du créateur et de son “angoisse de la page blanche”.

En effaçant de leur mémoire volontairement, bien qu’inconsciemment dans un premier temps, tout ce dont ils ne veulent plus se souvenir, plus particulièrement les mauvais moments de leur passé, ils se sentent alors nettement mieux et plus confiants en eux. Leurs barrières défensives étant définitivement tombées, leur véritable nature (jusqu’alors bien cachée au plus profond d’eux-mêmes) surgit au grand jour et prend le dessus, causant ainsi quelques dommages irréparables. Un terrible face-à-face va opposer les deux amis qui, après utilisation de leur nouveau pouvoir, va se terminer dans un “tête-à-tête” qui leur fera prendre conscience qu’ils n’ont, en réalité, aucun motif de vouloir s’éliminer l’un l’autre. Ils pourront alors enfin vivre heureux dans le petit paradis qu’ils se sont fabriqués.

Cultivant, une fois encore, l’art de l’insolite (après Cube et Cypher) mais, cette fois-ci, de façon burlesque, Vincenzo Natali, nous livre ici, sous couvert d’une fable à l’humour potache et au ton résolument décalé (tel l’arbre qui cache la forêt), une critique satirique et virulente de notre société de consommation déshumanisée qui attache beaucoup plus d’importance aux choses superficielles qu’aux vraies valeurs.

Même si le scénario donne parfois un peu l’impression de tourner en rond et/ou de s’essouffler (mais la perfection n’existe pas en ce bas monde, pas même dans celui créé par les deux héros), Natali réussit ici le tour de force de passer du cartoon à la tragédie shakespearienne en l’espace de quelques séquences avec une facilité déconcertante. Tablant plus sur le fantastique que sur la SF, Nothing (qui n’aurait nullement dépareillé en tant qu’épisode de la Quatrième Dimension ou d’Au-delà du Réel) fait preuve d’un humour particulièrement corrosif, s’appuyant sur l’absurde et le burlesque (comme une sorte de croisement entre Ubu et les Monty Python).

L’intrigue délirante, qui foisonne d’idées loufoques, plonge avec délectation son tandem de losers dans une succession de situations cocasses et burlesques auxquelles viennent s’ajouter des dialogues hilarants, des images poétiques et oniriques ainsi qu’une réflexion métaphysique et hautement philosophique. La réussite de ce véritable OFNI repose en majeure partie sur l’interprétation déjantée du duo d’acteurs qui remplissent l’écran (blanc) de leur présence, au superbe travail sur la photo, aux décors et accessoires ainsi qu’aux effets spéciaux conçus par C.O.R.E. Digital.

A voir absolument pour tous les cinéphiles qui aiment ce qui sort résolument de l’ordinaire (ce qui est de plus en plus rare par les temps qui courent).

Nothing

Réalisation : Vincenzo Natali

Avec : David Hewlett, Andrew Miller, Marie-Josée Croze, Gordon Pinsent, Andrew Lowery, Elana Shilling, Soo Garay.

Sortie le 29 août 2007

Durée : 1h 30

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