Monde au XXIIe siècle - Utopies pour après-demain (Le)

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Prix Goncourt 2011 pour L’art français de la guerre, Alexis Jenni présente ce recueil original à partir d’un dossier réuni sur laviedesidees.fr en 2012. Dans la lignée de Jules Vernes ou de Louis-Sébastien Mercier, l’ouvrage comprend sept textes, sur divers sujets sociétaux, attachés à comprendre le monde de demain, soit sous la forme d’anticipations, soit sous celle d’exposés sur les révolutions d’aujourd’hui vues par nos descendants. La forme hésite entre l’essai et la nouvelle, en combinant souvent fiction et théorie. La lecture en est d’autant plus variée et agréable.

 

Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Alexis Jenni ouvre le jeu par un récit de son crû, C’est quoi, loin ? . Flore de Lyon fête le réveillon en 2112. Elle vit dans un milieu totalement connecté, au milieu d’avatars. Un livreur lui vole son « Moiphone » : désemparée, elle se voit obligée de quitter sa tour et découvre le monde extérieur, le monde physique...

 

Suivent ensuite sept petits essais sur sept sujets différents, truffés de notes en bas de page renvoyant à de véritables articles académiques parus (jusqu’en 2012). Ces allers-retours entre le futur et le présent forment un des attraits d’un ouvrage pourtant fort sérieux. Jean Gadrey traite ainsi de la question des écarts de revenus pour garantir la cohésion sociale, tableau statistique à l’appui. Plus ludique, Yves Sintomer célèbre l’anniversaire de la VIe République en rappelant les faillites d’États européens tels la Grèce ou l’Italie, ou le mouvement des Indignés de Stéphane Hessel, pour aboutir à l’établissement du tirage au sort comme mode électoral. L’abolition du mariage, votée en 2048, est l’objet de l’intervention de François de Singly. Le modèle de vie commune à deux étant considéré comme dangereux, on décide de supprimer les différences entre sexes, jugées discriminatoires, pour instaurer le « ménage seul », ainsi, bien sûr, qu’un nouveau régime de filiation. La Justice y passe aussi. Dans La grande évasion, Jean Bérard résout la question de la surpopulation carcérale par la prévention et la médiation, sur le modèle hollandais, et à l’abrogation des peines. De la Justice, on passe à un autre grand problème de notre futur : la mobilité. Après la fin de la Très Grande Dépression, l’ingénieur Jon s’en va inaugurer le VGV, la nouvelle voie à grande vitesse (200 km/h) reliant l’Est et l’Ouest d’un Paris de vingt millions d’habitants, divisé en pôles d’immeubles vertigineux (Michel Parent).

 

L’ouvrage se termine par deux sujets non encore abordés. L’agriculture tout d’abord, fondée en 2112 sur la biomasse, l’équilibre viande-poisson et la préservation de l’eau (Mathieu Calame). Jacques Rodriguez, enfin, traite de la santé en revisitant Erewhon , l’écrit utopique de Samuel Butler (1872), et les rapports entre crime et maladie : prévenons les risques afin de garantir santé et sécurité au plus grand nombre.

 

Tel quel, cet opuscule évoque certains recueils du Siècle des Lumières tentant de réformer la société et se lit avec beaucoup de plaisir, tel un cabinet de curiosités de l’Avenir. Félicitations aux concepteurs, Nicolas Delalande et Ivan Jablonka.

 

Alexis Jenni, Le monde au XXIIe siècle - Utopies pour après-demain, Presses Universitaires de France - la vie des idées, 2014, 107 p., 8,50 euros

 

www.laviedesidees.fr

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