Miroir du damné (Le)

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Phénix Web se penche aujourd’hui sur Le miroir du damné, thriller fantastique co-écrit par Fréderic Livyns et J.B. Leblanc et publié aux éditions Séma. L’occasion de partir à la rencontre de ces deux auteurs aussi humbles que talentueux, qui ont accepté de répondre à nos questions (interview Livyns/Leblanc ici).

 

Résumé

Dans le sud de la France, le petit village de Tarsac vit replié sur lui-même, au rythme des vendanges, isolé du monde moderne par sa position géographique et par plusieurs meurtres qui, 11 ans plus tôt, ont traumatisé ses habitants. Lorsque par une nuit d’été, un jeune homme est assassiné, les vieilles terreurs ressurgissent. Martin Fabre, chef de la police municipale, et Gérald Courtas, lieutenant de la SRPJ de Toulon, mènent l’enquête. Mais les morts s’enchaînent, dans des circonstances toujours plus étranges. Qui est Lucie, cette vieille ermite que l’on dit dotée de dons surnaturels, et quel est le rapport avec ce miroir dans lequel se dessine parfois une ombre inquiétante ?

 

Les auteurs

Le miroir du damné est un thriller fantastique écrit à quatre mains, ce qui est assez rare pour être souligné. Alors, qui sont les auteurs, cette « alliance du feu et de l’eau » selon leurs dires, qui se cachent derrière cette glace sans tain ?

Commençons par Frédéric Livyns. Ce fan de Serge Brussolo et de Graham Masterton est Belge, né en 1970 à Tournai. Stakhanoviste de la littérature fantastique, il écrit aussi bien des nouvelles (il remporté le prix Masterton de la catégorie en 2012 pour Les contes d’Amy et 2015 pour Sutures) que des romans, pour les adultes et les enfants, travaille comme fonctionnaire, est marié et a trois enfants.

 

J.B. Leblanc, né en France en 1973, est un écrivain de thrillers. Il vit dans le Nord, est marié et père de deux enfants. C’est un grand lecteur qui reconnaît volontiers cultiver un côté secret (« par manque de temps pour alimenter blog et réseaux sociaux », dit-il, mais je le soupçonne d’aimer les ténèbres...)

 

L’avis

C’est le printemps. La météo clémente des derniers jours vous donne des envies de vacances. Cet été, vous avez peut-être choisi de vous rendre dans le sud de la France, dans le Var, vers Toulon. Ouvrez grand les yeux quand vous serez sur la route et cherchez un panneau qui indique le village de Tarsac. Si vous le voyez, prenez garde à ne surtout pas vous en approcher. Restez le plus loin possible de cet endroit maudit !

Même si vous aviez l’idée d’y passer quelques jours (par goût du risque, ou parce que vous êtes suicidaire), il n’y pas d’hôtel ni de camping pour vous accueillir. Bien sûr, vous pourriez dégotter une chambre chez Philippe, au-dessus du restaurant qui constitue l’unique point de distraction du village, mais le confort y est sommaire.

De toute manière, il n’y a rien à visiter, à Tarsac. L’église est d’une architecture pauvre et n’a que peu d’intérêt. Les habitants sont des agriculteurs et des vignerons qui vivent en vase clos. Le téléphone passe mal et Internet n’est qu’un concept. En plus, il y règne une chaleur infernale. Tarsac est dans une cuvette qui le fait ressembler à un chaudron en fusion. Idéal pour faire chauffer les rancœurs et jalousies de gens portés sur les superstitions et armés de fusils.

Mais plus que ces désagréments, Tarsac souffre de son passé. Le village vit dans la terreur et la suspicion, sous le joug d’une malédiction qui dure depuis 11 ans.

Frédéric Livyns et J.B. Leblanc ont, de fait, créé un superbe écrin pour leur roman. Tarsac ressemble à une ville du far-west américain, coupée de la civilisation, où règne un shérif-maire qui connaît les secrets de tout un chacun. On pense aussi à ces petites villes dépeintes par Stephen King comme Derry ou Castle rock, où les habitants vivent en décalage avec le reste du monde et où les monstres qui viennent les mettre en pièce se nourrissent de leurs propres failles. Sans spoiler, je peux dire que la tragédie ancienne se recoupe avec l’actuelle et que les malheurs de Tarsac sont nés de choix humains plus que d’un processus paranormal.

Un drame ancien, des jalousies et des non-dits, une paranoïa sous-jacente, la canicule : le terreau était fertile pour faire pousser les fleurs de l’horreur. J.B. Leblanc apporte sa maîtrise du thriller. Le récit débute comme un roman policier classique avant de s’enfoncer peu à peu, de manière irréversible, vers le fantastique, par la patte de Frédéric Livyns. Le lecteur suit le même cheminement que les enquêteurs, qui passent de l’incompréhension au refus de la vérité, avant d’admettre que le monde ne suit pas toujours ces règles qu’ils pensaient immuables.

Le résultat est une réussite incontestable, un roman dense et rythmé qui navigue entre passé et présent, entre surnaturel et polar, se nourrissant de chacun des genres sans sortir de route. Le récit est émaillé de personnages charismatiques et jamais manichéens (Les auteurs se sont en outre amusés à tuer le vainqueur d’un concours Facebook créé pour l’occasion, irruption étonnante et sympathique du numérique dans la création littéraire, même si le pseudonyme anglo-saxon de ce personnage m’a un peu gêné, je dois l’avouer). Mention spéciale à Gérald Courtas, flic torturé dans la plus pure tradition du roman noir, fragile et fort à la fois, dépassé par les évènements et victime de ses démons. Chacun, à Tarsac, porte une part sombre et ne peut plus se regarder dans un miroir.

Une fois que vous aurez lu Le miroir du damné et consommé son final éblouissant, je prends le pari que vous ne parviendrez pas non plus à regarder un miroir pendant quelques jours. En tout cas, pas sans y chercher la trace d’une ombre furtive, qui se nicherait dans un de ses coins, en réprimant un frisson de peur…

 

Le miroir du damné de Fréderic Livyns et J.B. Leblanc, 2017, illustration de couverture de Floating Fantask, Séma éditions

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