Mensonges d'état

Réalisateur: 

Opération clandestine



La traque

Roger Ferris est le meilleur agent de terrain de la CIA. Il est capable d’intervenir dans des zones ultrasensibles d’où personne ne sort habituellement vivant mais son travail l’oblige à sans cesse changer d’identité, de visage et de planque.
Il est non seulement habile au tir ainsi qu’au close-combat mais aussi intelligent et il possède un instinct très sûr. En outre, il connaît parfaitement les coutumes locales, la culture ainsi que la langue du pays. Il sait se noyer dans la masse et se glisser, tel un caméléon, dans la peau des différents personnages qu’il est censé être lors de chacune de ses missions. Le seul contact avec sa hiérarchie se résume à la voix d’Ed Hoffman qui est à l’autre bout d’une ligne sécurisée. Depuis peu un nouveau chef terroriste, répondant au nom d’Al-Saleem, fait parler de lui en revendiquant une série de sanglants attentats à la bombe ayant eu lieu dans différents pays. Ce dernier a réussi jusqu’ici à échapper au réseau de contre-espionnage le plus sophistiqué du monde. Pour l’obliger à se découvrir, Ferris va tenter d’infiltrer le monde des fanatiques religieux qui n’hésitent pas à utiliser des martyrs pour leur cause. Sa mission va le mener d’Irak à Amman puis de Washington à Dubaï et l’entraîner dans un labyrinthe de faux-semblants à la merci “d’alliés” pourtant prêts à toutes les trahisons.

Mission impossible

Sa tentative classique pour recueillir des infos auprès de son informateur sur le gros coup que prépare Al-Saleem ayant échoué, Ferris n’a plus d’autre alternative que de concevoir un plan audacieux et particulièrement risqué, incriminant au passage des personnes innocentes et les mettant ainsi en danger à leur insu, afin d’amener le mystérieux chef terroriste à se démasquer en créant de toutes pièces une organisation concurrente fictive qui lui fait de l’ombre.
En montant cette intox de haut vol tout en sachant que chaque erreur même minime peut lui être fatal, sans compter les imprévus qui peuvent surgir à tout moment et tout faire capoter, Ferris ne peut s’empêcher d’avoir des doutes et des interrogations sur la façon de procéder même s’il est persuadé du bien-fondé de sa mission. Il s’est engagé dans une voie sans retour et il lui faut impérativement mener son gigantesque coup de bluff à terme avec l’angoisse d’être trahi par Hoffman ou, pire encore, d’être démasqué par son allié d’un jour : Hani Salaam, l’impitoyable chef du contre-espionnage jordanien. Dans de telles conditions, Ferris ne peut compter que sur lui-même.

Dommage collatéral

Pendant que Ferris risque sa vie à chaque minute sur le terrain, Ed Hoffman, son supérieur hiérarchique, veille à distance au bon déroulement des opérations de la CIA au Proche-Orient et déploie ses propres subterfuges, dictés par son attachement quasi fanatique à la sûreté nationale. Ce vétéran de la CIA est un fin stratège, arrogant et imbu de sa personne, qui mène la guerre à sa façon depuis sa résidence cossue de la banlieue de Washington avec pour seuls accessoires un ordinateur dotés de logiciels sophistiqués et une ligne de téléphone sécurisée grâce auxquels il est en mesure de dire à Ferris quelles manœuvres effectuer afin d’échapper aux balles de l’ennemi. Hoffman est un homme cynique capable de manipuler les autres sans aucun d’état d’âme et d’assurer simultanément plusieurs tâches sans jamais se départir de son calme olympien.


Par le passé, ses agissements ont déjà fait un certain nombre de victimes et il n’hésitera pas un instant à sacrifier le meilleur de ses agents s’il le juge nécessaire. Pour lui, peu importe les conséquences que peuvent entraîner ses décisions, seul le résultat compte. Il peut sans vergogne sacrifier l’un de ses agents si cela peut l’aider à arriver à ses fins et il n’hésite pas non plus à jouer sur deux tableaux à la fois si cela peut lui donner plus de chances de réussir. Dans ces conditions, Hoffman est aussi dangereux (voire même plus) pour Ferris que les terroristes qu’il tente de démasquer.

Le serpent

Une fois arrivé à Amman, Ferris va avoir besoin, pour mener à bien sa mission, du concours des Services de Renseignements jordaniens, dirigés d’une poigne de fer par le redoutable Hani Salaam, car en Jordanie personne, à part le Roi, n’exerce un pouvoir comparable. C’est un homme très intelligent et raffiné dont l’élégance en toutes circonstances et l’apparente sérénité masquent sa toute-puissance et sa cruauté.
Passé maître dans l’art de l’interrogatoire musclé mais aussi de la persuasion en douceur, il obtient toujours les services et les renseignements qu’il désire. Personne ne peut lui résister car, tel un serpent venimeux, il sait charmer et hypnotiser ses futures victimes avant de les dévorer tout cru. Il se targue de toujours arriver à ses fins par des moyens bien plus subtils que ceux employés par le bourru Hoffman.

Il prend le temps de montrer à Ferris de quelle façon recruter un informateur sans même avoir recours à la moindre menace. Il sent d’instinct qu’il peut faire confiance à Ferris et apprécie, à sa juste valeur, le fait que ce dernier ait pris le temps d’apprendre à parler parfaitement l’arabe ainsi qu’à connaître et respecter les coutumes locales mais son job consiste, en priorité, à protéger son pays ainsi que ses concitoyens. Il avertit donc Ferris qu’il ne tolérera de sa part absolument aucun mensonge et c’est la condition sine qua non de leur coopération.

De son côté, Hoffman finit avec ses manigances obscures par mettre Ferris dans une position extrêmement délicate dans laquelle il se retrouve obligé de mentir à Hani Salaam ce qui va remettre en question la fragile alliance qu’il était arrivé à construire. Du coup, Ferris se retrouve pris entre le marteau et l’enclume, partagé entre sa loyauté à la CIA et la parole qu’il a donnée à Hani Salaam à laquelle il attache de l’importance d’autant plus que sa vie en dépend.

Tuer n’est pas jouer


La fin justifie-t-elle les moyens ? A cette épineuse question, la réponse est incontestablement “OUI” pour Ed Hoffman et pour Hani Salaam mais “NON” pour Roger Ferris. Ce dernier est l’exact opposé d’Hoffman. En étant sur le terrain et en risquant la mort à chaque instant contrairement à son chef, Ferris connaît parfaitement la valeur d’une vie humaine, que ce soit celle d’un allié ou d’un ennemi, et il éprouve toujours des scrupules à se servir des autres même s’il s’agit d’obtenir des informations vitales pour la sécurité de son pays. En fin de compte, les trois hommes ont ici un seul et unique but : arrêter un nouveau chef terroriste avant qu’il ne commette un terrible attentat mais ils ont trois façons distinctes de procéder pour arriver chacun à leurs fins.

Oubliant provisoirement les dangers de sa mission, Ferris trouve un peu de réconfort auprès d’Aisha, une infirmière jordano-iranienne qui a soigné ses blessures et travaille aussi comme bénévole dans un camp de réfugiés, même si leur relation ne peut prendre une tournure plus intime sans mettre la vie de la jeune femme en danger. Le film pose aussi en filigrane la question de savoir s’il ne faut pas hésiter à parfois sacrifier la vie de quelques innocents si cela peut éventuellement sauver la vie de centaines ou de milliers d’autres : c’est un vaste sujet de réflexion qui ne fera jamais l’unanimité.

Les infiltrés

Dans le monde trouble de l’espionnage moderne, le pouvoir ne se mesure ni à la qualité de l’armement, ni à la technologie dont les agents disposent lors de leurs missions sur le terrain mais, bel et bien, à la fiabilité des informations qu’ils sont capables de recueillir et d’exploiter. Info ou intox ? Telle est désormais la “vraie” question qu’ils doivent se poser et de la réponse dépend entièrement la vie des agents infiltrés sur le terrain. L’information et la désinformation sont les pivots de ce dangereux univers dans lequel les agents infiltrés ne peuvent faire confiance à personne, même pas à leurs meilleurs amis. Ils doivent être sur le qui-vive 24 h/24 car une seule seconde d’inattention peut leur coûter la vie.

L’intrigue nous montre le modus operandi ainsi que la sophistication de telles opérations menées par une organisation comme la CIA avec toute leur complexité face à un adversaire insaisissable. On assiste aussi au rapport de force entre les principaux protagonistes dans une sorte de partie d’échecs grandeur nature dont la victoire de l’un des joueurs peut signifier la mort du perdant. C’est également l’occasion de mettre en lumière toute la différence ainsi que l’antagonisme existant entre les agents travaillant sur le terrain qui risquent leur peau à chaque minute et les analystes travaillant en toute sécurité depuis leur bureau à Washington pour qui l’opération en cours qu’ils supervisent n’a pas plus de réalité concrète que celle d’un simple jeu vidéo.

Danger immédiat


Pièges, manipulations, faux-semblants, mensonges, trahisons, volte-face… tels sont les ingrédients de ce scénario bien ficelé qui comporte de multiples scènes d’action aux moult rebondissements. Il n’y a quasiment pas de temps mort dans cette impitoyable traque aux terroristes dans une région du monde particulièrement instable et où chaque décision prise est susceptible de déclencher une terrible catastrophe. Les diverses informations nous sont distillées au compte-gouttes, le spectateur pouvant ainsi plus facilement s’identifier à Ferris qui doit naviguer parfois à l’aveuglette dans sa quête aux renseignements et savoir écouter son instinct s’il veut mener à bien sa mission mais surtout rester en vie.

Par souci de réalisme et pour donner encore plus de rythme aux scènes d’action, Ridley Scott a choisi de tourner simultanément avec plusieurs caméras tandis que de nombreuses séquences ont été filmées en altitude afin de simuler le point de vue du “Système Predator” grâce auquel Hoffman peut suivre tranquillement depuis les USA sur un écran, via des transmissions par satellite, ce que fait Ferris, en temps réel, sur le terrain à l’autre bout du monde. Ces plans aériens très sophistiqués ont été tournés en HD à environ 3.000 m de haut. La plupart des effets spéciaux ont été réalisés sur le plateau avant d’être retravaillés numériquement en postproduction. Le tandem Leonardo DiCaprio - Russel Crowe est excellent. Quant à l’interprétation glaçante de Mark Strong (dans le rôle d’Hani Salaam), elle fait littéralement froid dans le dos. Mensonges D’État allie tout à la fois le film de pur divertissement, le thriller politique et des sujets de réflexion sur le monde de l’espionnage moderne face au terrorisme.

Mensonges D’État

Réalisation : Ridley Scott

Avec : Leonardo DiCaprio, Russel Crowe, Mark Strong, Golshifteh Farahani, Oscar Isaac, Simon McBurney, Alon Aboutboul, Ali Suliman

Sortie le 5 novembre 2008

Durée : 2 h 08

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