Maître des insectes (Le)

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Se gobe d’une traite, pas comme ces gros vers exotiques dont il faut d’abord broyer des dents la tête visqueuse et déchiqueter la chair élastique avec patience. Alors organisez-vous : coupez le téléphone et entrez dans une bulle, bien étanche, et à la fois transparente et trouée de petits orifices, pour se rappeler que le monde existe dans les pics d’émotion, histoire d’aller respirer un peu au bon air plat et réconfortant du quotidien ordinaire. Tiens, un insectarium ferait l’affaire.

Un insectarium semblable à celui qu’installe inopinément un fils tranquille dans le nid familial. On applaudit d’abord devant les pirouettes tordantes des invertébrés si « choux » dans leurs menues agitations solidaires qu’on admire à travers la vitre. Puis de plus en plus de petits copains s’invitent à la fête, il faut investir, agrandir, annexer... Le fils passionné par la vie amoureuse des coléoptères est aux anges. C’est bien le seul. Au fil du temps et des toiles d’araignées, les parents compréhensifs perdent un peu de leur sourire béat. Ils aimeraient détruire la cabane à insectes. C’est à peu près à ce moment-là qu’ils meurent dans un incendie ravageant la maison, mais épargnant l’insectarium. Bizarre. On pourrait abandonner l’entomologiste en herbe à son sort. Il recréerait à lui seul l’écosphère amazonienne en trois jours au rythme où copulent ses compagnons de jeu. Mais voilà, il est handicapé, dans l’incapacité de se prendre en charge sans tuteur. C’est là que prend tout son sens de lui avoir donné un petit frère il y a vingt ans : pour la relève, pardi. Le préposé suppléant s’appelle Jonathan. C’est un gentil garçon, studieux, amoureux, tout ce qu’il y a de plus prévisible. Et bien sûr il adore son ainé. Et bien sûr il se mettra en quatre pour subvenir à ses besoins. Et bien sûr il ne touchera pas au temple sacré dévolu au culte des insectes – du moins pas tout de suite. Les voilà donc ensemble, liés par les très nobles serments du sang jusqu’à ce que la mort les sépare, et colocs des bestioles qui, elles aussi, ont grandi en population et en force de frappe. Au milieu de cette joyeuse équipe, une fille, celle pour qui en bave Jonathan, deux inspecteurs qui enquêtent sur l’incendie ayant tué les parents, et des indices qui grouillent de partout.

 

Mais ne vous y trompez pas, s’il y a bien un « maître » de ce grand œuvre, c’est le romancier : un virtuose du suspense, qui excelle à vous tenir en haleine. Suspense garanti : on ne lâche pas le bouquin avant d’être parvenu à la dernière page. Stuart Prebble sait vous mettre sous la dent du croustillant et du solide. A croquer sans modération. A condition de ne pas être allergique à la chitine et de supporter les bruits des mandibules...

 

Le maître des insectes par Stuart Prebble, traduit par Caroline Bouet, Folio, 8, 20 euros

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