Central Park

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Guillaume Musso est un excellent auteur. Voilà. Est-ce si difficile à écrire ? À admettre ? À défendre ? Certes, il n’obtiendra jamais le prix Goncourt.. Et franchement, il est le premier à le déclarer. Certes, il ne passe pas ses journées à écrire sur son nombril, ou à ciseler des opuscules de 150 pages emplis d’autosatisfaction béate. Certes, il ne tricote pas des romans à clé, où la moitié du petit monde littéraire parisien cherche à débusquer l’autre moitié dans des situations sexo-scabreuses. Guillaume Musso écrit pour se faire plaisir… mais aussi et surtout pour faire plaisir aux lecteurs. Mais pas forcément pour leur plaire, ce qui est fondamentalement différent et permet toutes les variations.

L’année dernière, avec « Demain » il s’offrait déjà un petit détour sur des chemins sombres, avec une intrigue baignée de fantastique… mais dont l’origine et le moteur étaient dissimulés dans le cœur d’un personnage mauvais et manipulateur.

Avec « Central Park », Guillaume Musso s’éloigne résolument de sa prétendue formule, celle qui n’existe que dans la tête de ceux qui ne l’ont pas lu, pour proposer un récit « pied au plancher » que le lecteur aurait tout intérêt à lire d’une seule traite !

Alice et Gabriel se réveillent dans une partie reculée de Central Park. La jeune femme est flic. Le jeune homme, pianiste de jazz. Une paire de menottes les relie. Le chemisier d’Alice est tâché de sang… Et elle possède une arme qui n’est pas la sienne. Pour couronner le tout, le dernier souvenir d’Alice est une soirée d’anniversaire… sur les Champs Élysées et celui de Gabriel un concert… À Dublin !

Avec l’efficacité qui le caractérise, Guillaume Musso pose les jalons de son histoire en moins de deux chapitres, chope le lecteur par la peau du dos… et ne le lâche plus pendant près de 400 pages.

Mais ce qui fait toute la force de « Central Park », ce ne sont pas les procédés qu’utilise l’auteur avec de plus en plus de naturel, tout au long de son récit : points de vue multiples, flash-back, révélations surprenantes, suspenses, chapitres qui se terminent en point de suspension… Guillaume les intègre à la narration avec une telle maîtrise qu’ils s’effacent peu à peu, tels d’excellents effets spéciaux parfaitement maîtrisés dans un film à grand spectacle. Non, ce qui fait la réussite indéniable de « Central Park », c’est que son auteur ose, enfin, pervertir les codes attendus pour livrer un roman-puzzle où le voyage et la solution revêtent une importance capitale. De ces deux personnages enchaînés, Musso aurait pu faire un couple banal de comédie romantique, mâtinée d’un léger parfum de mystère. Il aurait pu court-circuiter la tension, rendre le déroulement inoffensif et nous offrir une énième variation sur le thème des opposés qui s’attirent. Sauf que l’idée n’est pas du tout celle-là. L’idée, comme dans les meilleurs romans d’Harlan Coben dont l’ombre plane sans nul doute sur ce « Central Park », c’est de comprendre l’importance du passé, la force des souvenirs et la puissance que dissimulent parfois ces bagages qui nous accompagnent au long de notre vie.

De ce point de vue, la fin du roman, les quelques pages joliment écrites comme un hymne à la vie, une « lettre au futur », éclairent tout à coup le récit d’une façon bouleversante, redessinent la carte des enjeux de la narration et viennent inscrire ce roman dans la continuité d’une œuvre riche et bien plus variée que certains l’imaginent.

Chapeau monsieur le « raconteur d’histoires » !

Central Park de Guillaume Musso, Editions XO

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