Pirates de l'Escroc-Griffe (Les)

Auteur / Scénariste: 
Illustrateur / Dessinateur: 

Caboche ne sera plus jamais privé de liberté !

C'est du moins ce qu'il se promet après s'être échappé de l'orphelinat militaire, pour partir à la recherche de son père. Il croisera sur sa route l'équipage de l'Escroc-Griffe. Connus pour n'avoir jamais réussi un abordage, les hommes de Bretelle, vieux capitaine désabusé, semblent davantage échappés de la troupe d'un cirque que d'un bateau de pirate.

Mais Caboche a le goût de l'aventure, et un talent certain pour la persuasion. Il va les entraîner dans un voyage rocambolesque sur les Mers Turquoises, à la recherche d'un trésor mythique. Une quête qui les mènera jusqu'aux confins du Monde-Fleur, aux abords des mystérieuses Terres Interdites, pourchassés par l'invincible et immortel Amiral-Fantôme.

 

Avant toutes choses, je suis désolée d'avoir mis autant de temps à écrire cette chronique. Ce délai n'est absolument pas dû à un manque d'intérêt de ma part mais à la taille du roman : il est énorme et très lourd, en conséquence je n'ai pas pu le lire dans les transports ni l'emmener facilement avec moi.

Par ailleurs, j'ai pris beaucoup de plaisir dans ma lecture !

Les pirates de l'Escroc-Griffe puise son inspiration dans le mythe des pirates. L'ambiance et les thématiques du livre ressemblent beaucoup à celles de Pirates des Caraïbes (en moins convenues) et ses anti-héros, à la bande de joyeux drilles du groupe Alestorm (en moins alcoolisés).

 

Les personnages qui composent ce roman sont en effet hétéroclites et particulièrement originaux. Ils ressemblent d'ailleurs davantage à une bande de bras cassés idéalistes qu'à de véritables brigands : ces doux dingues n'ont de pirates que le nom, ils basculent bien plus du côté des gentils que de celui des méchants et deviennent très vite attachants.

C'est d'ailleurs probablement ma seule petite déception lors de ma lecture : ces pirates sont un peu trop sages et un peu trop versés sur le bien, et j'attendais des personnalités plus limites, un peu plus difficiles à apprécier de prime abord. Mais cet aspect est plutôt bien contrebalancé par l'originalité des personnages.

Les Kazarsses, hommes-iguanes méprisés pour leurs différences avec la gent humaine, illustrent bien la difficulté que notre espèce a souvent à respecter ceux qui leur ressemblent trop peu et donnent à réfléchir. 

Et, enfin, les femmes ont un véritable rôle à jouer dans cette histoire (je pense notamment à la Belle-Lili et à Fleur-de-Misère) : elles sont fortes et indépendantes et n'ont pas besoin des hommes pour exister. J'ai beaucoup aimé cette égalité nette, l'idée que les pirates et les héros ne soient pas déterminés par leur sexe.

L'ensemble est porté par un rythme haletant : il n'y a absolument aucun point mort, ce qui est remarquable compte tenu de la longueur de l’œuvre... Les personnages sont toujours jetés dans des aventures toutes plus agitées les unes que les autres, et à peine pense-t-on qu'ils sont sortis d'affaire qu'un rebondissement vient les relancer dans la danse.

Ce rythme est donc tenu sur les 3 volumes, qui sont chacun intéressants : à aucun moment je n'ai eu l'impression que l'auteur prenait les mêmes héros pour recommencer une histoire similaire. Le but n'était pas de faire une suite pour faire une suite : on sent que la trame et l'univers ont vraiment été pensés sur la durée.

Les terres interdites, premier volume, nous présente le décors et les personnages. On ne s'y ennuie pas pour autant et il y a beaucoup de rebondissements. J'émets juste un petit bémol concernant une révélation finale que j'ai vue venir dès les premiers chapitres.

Les feux de mortifices comporte certains passages forts en émotion et permet de rentrer plus en détail dans l'univers, d'y découvrir de nombreux paysages.

Enfin Les corsaires de l'écosphère, le plus SF des trois volumes, replace l'histoire dans un cadre plus élargi et dévoile la complexité du monde imaginé par l'auteur. Il nous entraîne, pour notre plus grand plaisir, à travers l'espace et le temps (j'avoue d'ailleurs avoir eu un peu de mal à suivre par moments). Ce roman est doublé d'une jolie métaphore écologique, dont le message est plus que jamais d'actualité. 

J'ai aussi bien aimé le style de l'auteur qui s'éloigne plutôt des clichés que l'on retrouve habituellement en fantasy tout en proposant un certain humour. Il y a des jeux de mots intelligents (le titre en est la preuve) et j'ai souri voire ri à plusieurs moments (mention spéciale au remix de Soldat Louis façon pirates du Monde-Fleur !).

Mais ce roman sort aussi des sentiers battus parce qu'il se trouve à la croisée des genres, totalement inclassable. On y trouve de la fantasy bien sûr (après tout on est dans un autre monde) mais aussi du fantastique, un décor qui se veut parfois plus steampunk (dirigeables et automates mécaniques sont présents), en passant par la science-fiction, avec un aspect plus universel et spatial.

Enfin les annexes des dernières pages, si elles ne sont pas indispensables à la compréhension de l'histoire, permettent néanmoins d'en savoir un peu plus sur cet univers et d'en démontrer la complexité. 

Après avoir passé plus de cinq mois en compagnie des pirates de l'Escroc-Griffe, j'ai l'impression que ces personnages m'ont accompagnée pendant un long moment, et je suis contente d'avoir fait leur connaissance. Le fait de l'avoir lu sur un laps de temps aussi long m'a aussi permis de mieux appréhender les longues années sur lesquelles se déroule cette histoire.

Les pirates de l'Escroc-Griffe est donc un roman à découvrir pour sa légèreté, les messages qu'il porte et l'originalité qui le constitue. 

Les pirates de l'Escroc-Griffe, l'intégrale, par Jean-Sébastien Guillermou, illustré par Johann Bodin, aux éditions Brgelonne, 25€

Type: 

Ajouter un commentaire