Les amants d’Ys d'Olivier Quevenne

Le port d’Ys n’est plus qu’à trois heures de voile. De ses yeux bleu azur, Arthus sonde l’océan. Il a le ventre noué. Son esprit bataille entre l’exaltation de rentrer au pays, les cales pleines, et la crainte d’affronter le regard de dégoût de ses compatriotes. La vie est ainsi faite à Ys pour les porteurs de pouvoirs. Ou tu es condamné au Silence ou tu es exploité par la Cité pour récolter des ressources dans les territoires ennemis. Et avec ses aptitudes à contrôler les éléments, le destin d’Arthus était tout tracé. Aujourd’hui, il peut se targuer d’être le meilleur marin d’Ys.

Avec sa botte d’un vieux cuir usé par ses voyages en appui sur la coque de son bateau, l’Ablette, le jeune capitaine ne laisse rien paraître. L’écume projetée par la houle du navire rafraîchit son torse nu à la peau caramélisée par le soleil. Le vent soulève une mèche de ses longs cheveux bruns. Il lance un regard sur son équipage. Tous des porteurs de pouvoirs. Tous des parias. Les meilleurs compagnons qu’il aurait pu rêver. Pour eux, il ne peut pas laisser ses doutes gagner, il doit aller de l’avant.

 

Le port est en fête. À chaque fois que l’Ablette rentre au bercail, un grand banquet se tient à la citadelle. La seule nuit où tous les habitants d’Ys festoient ensemble, porteurs de pouvoirs ou non.

Arthus pose le pied à terre. Il ressent comme à chaque fois ce léger vertige. Le port d’Ys est un labyrinthe de ruelles séparant des cabanons en bois de différentes couleurs pastel. Dans chacune d’elles, des badauds se rassemblent pour épier l’équipage par curiosité, excitation et aussi mépris. Arthus n’aime pas être l’objet de tant d’intérêt. La foule l’a toujours terrifié.

Heureusement, se tient à ses côtés son second, Keros. Le meilleur navigateur du pays. Un géant à la fois bienveillant, curieux et sage. Lui aussi a choisi de prendre le large à cause de son pouvoir. Keros est né avec une tête d’aigle, ce qui lui confère une vision décuplée. Il peut lire les constellations au milieu des plus terribles tempêtes et guider le navire à bon port. Un miracle pour un marin, une malédiction pour un homme. Car si son regard peut percer les ténèbres, celui qu’on lui porte lui assombri le cœur.

Arthus regarde son ami à plumes braver la foule avec le sourire. Ce qui lui redonne du courage. Le capitaine bombe le torse et s’élance derrière son second en direction de la citadelle.

 

La première heure est toujours la plus dure, pense Bénédicte. Rester droite et saluer chaque dignitaire d’Ys. Voilà les seules fonctions de la fille du roi. À chacun des soupirs qui s’échappent de ses délicates lèvres rosées, son père se retourne, affichant un sourire désolé. À chaque fois, la jeune princesse se redresse et salue un nouvel invité. Chaque geste est un supplice, dans cette tunique blanche qui lui recouvre l’intégralité du corps et sa longue tresse rousse.

Son regard se pose sur l’horizon... l’océan. Alors que la ville fête le retour du bateau, elle rêve d’y embarquer et partir loin du palais, loin de cette ville. Plein d’aventures en tête.

— Bénédicte, Bénédicte ! Tu m’écoutes ? l’appelle son père.

— Oui père, répond la princesse, revenant à elle.

— Je te présente Roland, un seigneur du pays voisin.

— Heureux de vous rencontrer, princesse.

L’homme porte une prestigieuse tenue d’apparat ornée d’émeraudes. Un sourire carnassier et une coupe rasée de près. Sûrement un seigneur de guerre, en déduit Bénédicte. Elle ne peut feindre un certain dégoût quand il lui baise la main.

— Je sens que vous allez vous entendre à merveille tous les deux, déclare le roi. Ma fille emmène donc Roland dans la salle de bal.

Le seigneur n’attend pas la réponse de la princesse et l’emmène au sein de la citadelle. Il ne s’arrête pas de parler. Il se vante de ses conquêtes héroïques, énumère le nombre de pièces d’or contenues dans ses coffres et ne cache pas son rejet des porteurs de pouvoir.

Bénédicte n’écoute déjà plus le fanfaron. Elle reste hypnotisée par la luminosité de la pièce qui étincelle. Composée de murs et lustres en cristal, le moindre rayon de lumière est amplifié, décuplé. Les flammes des torches projettent sur les murs une ambiance rougeâtre et chaleureuse. Le son de l’orchestre vibre sur les parois de la salle. Le frottement des cordes, le pincement de la harpe, tout son corps réagit à la musique. Ce qui n’échappe pas à Roland. Il l’attrape par la taille et la guide dans un pas de danse endiablé. Il la fait tourner encore et encore.

Le vertige gagne la jeune princesse. Elle n’arrive pas à savoir d’où en vient la cause. La musique enivrante. Les lumières éblouissantes. Cette valse sans fin. Ou les jacasseries incessantes de son cavalier.

Tout cela l’ennuie.

Soudain, il apparaît sous ses yeux. Tel un mirage. Son image est saccadée au rythme de la valse. Bénédicte a d’abord remarqué son compagnon. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit un aigle à Ys. Alors encore moins un homme à tête d’aigle. La jeune héritière n’a pas l’occasion de voir les porteurs de pouvoirs. Limitée à l’enceinte de la citadelle, elle ne connaît d’eux et du monde que ce que ses livres d’études en disent.

Mais le choc est bien plus grand quand elle LE voit. Cet air fier et le regard fuyant. Ce torse puissant et découvert. Sa chevelure sombre et bouclée.

Elle n’a jamais vu un tel homme. Son cœur s’accélère. Ses mains sont moites. Ses joues s’enflamment.

Heureusement, le roi interrompt la danse pour débuter son discours. Habillé d’un costume cérémonial d’un goût plus que douteux de couleur jaune et noir en damier, il monopolise toute l’attention des convives.

Bénédicte en profite pour fausser compagnie à son nouvel ami. Elle se dirige vers le balcon de la citadelle où elle avait aperçu son bel inconnu.

L’homme à la tête d’oiseau a l’air d’essayer de convaincre son ami de s’amuser sans succès.

— Que veux-tu à nous espionner ? rugit Arthus.

— Je ne vous espionne pas, rétorque la princesse.

— Princesse Bénédicte, veuillez pardonner l’impolitesse de mon ami, bafouille Keros. Il ne vous a pas reconnue.

Keros s’incline devant Bénédicte de tout son long. Elle lui fait signe de se relever.

— Ce n’est pas grave. Cette fête est là pour ça. Oublier les titres et s’amuser, répond Bénédicte

— C’est drôle. Car voyez-vous, j’essayais de l’expliquer à mon capitaine qui ne souhaite pas participer aux festivités.

— Vraiment et pourquoi cela ?

— Oh ! Il vous l’expliquera mieux que moi. Et qui sait, vous arriverez peut-être à lui faire changer d’avis. Moi, pendant ce temps, je vais aller me prendre un petit verre.

 

Maintenant seule avec son beau marin, la princesse prend le temps de l’examiner plus en détail. Il porte très peu de vêtements. Des bottes en cuir, un pantalon blanc en toile, avec une ceinture bleue en tissu à la taille. Et une cape bleu foncé, tenue autour du cou par un anneau en cuivre, qui laisse apparaître son torse musclé.

 

— Alors vous êtes capitaine ? De l’Ablette, je suppose ?

— Oui. Le meilleur navire d’Ys.

— La cité vous a manqué ?

— Non, pas vraiment. Sur mon bateau, je me sens libre. Aucune entrave, juste l’horizon à perte de vue. Alors qu’ici...

— C’est comme une prison !

— Oui, c’est cela, s’étonne le marin.

Ils se regardent longuement, jaugeant l’esprit de l’autre. Arthus se rend compte pour la première fois, qu’il n’est pas le seul à penser ainsi. Et il aime ça.

— J’aimerais tellement naviguer avec vous et découvrir d’autre pays, reprend la princesse.

— Si vous voulez, je peux vous faire visiter mon navire.

— Ce soir ?

— Euh, oui si vous le souhaitez.

— Parfait ! Allons-y !

Arthus, suivi de la princesse, rejoint Keros pour le prévenir qu’il repart au bateau. Ce qui n’échappe pas au regard inquisiteur de Roland.

Dans les ruelles désertes de la ville, le marin admire la jeune femme qui l’accompagne. Sa peau laiteuse parsemée de tâches de rousseur, ses grands yeux verts, ses lèvres pulpeuses. La timidité du capitaine est trop grande pour entretenir une conversation. Alors il la regarde sautiller de joie de monter pour la première fois sur un navire. En la voyant si heureuse, une envie lui traverse l’esprit : l’embrasser.

Arrivés sur le pont du navire, il la présente à l’équipage composé de trois autres marins : le chef cuistot Amir, qui ne mange pas de poisson depuis que des branchies lui sont apparues, Hans, le charpentier muet aux quatre bras et Jacques, le jeune moussaillon.

Il lui fait visiter chaque partie du bateau pour finir par la cabine du capitaine.

Bénédicte est subjuguée par la carte dressée sur le bureau où apparaît chaque escale accomplie par l’Ablette.

— Tu as déjà tellement voyagé ! Je t’envie.

— Et pourtant ce n’est qu’une infime partie du monde.

Il se rapproche de la jeune femme et lui prend la main.

— Nous pourrions le découvrir ensemble.

— Vraiment, lui répond-t-elle pleine d’espoir.

— Vraiment !

Il love sa main au creux de sa taille et la ramène vers lui. Leurs corps s’entrechoquent. Bénédicte en a le souffle coupé. Il plonge ses yeux dans les siens et dépose ses lèvres sur les siennes.

Le capitaine la soulève du sol et l’emmène jusqu’à son lit. Il défait tant bien que mal la tunique de la princesse. Sous le regard du marin, se dévoilent les voluptueuses formes de la jeune aventurière.

Il l’embrasse langoureusement, parcelle par parcelle, recouvrant de baisers chaque centimètre de peau.

Bénédicte frémit sous les assauts répétés des lèvres de son amant. Elle s’allonge et laisse cours à ses désirs.

 

— Tu ne m’as pas dit quel est ton pouvoir ? demande Bénédicte.

— Oh ce n’est rien de très impressionnant.

Arthus s’allonge sur elle et commence à lui faire l’amour.

Dehors, alors que la nuit est calme et le ciel sans nuage, un puissant orage éclate. Jusqu’au matin.

 

La jeune princesse s’assoit au bord du lit, réveillée par les rayons de soleil. Elle entend son amant murmurer quelque chose.

— Que dis-tu ?

Le temps s’arrête

La beauté dans tout ce qu’elle est

Je vais être courageux

Je ne laisserai rien s’emporter

Ce qui se tient en face de moi

Chaque souffle

Chaque heure nous a menés là

Un pas plus près

— C’est magnifique !

— Un simple poème que ma mère me chantait. Mais il n’a jamais était aussi vrai qu’aujourd’hui. J’ai l’impression de t’avoir attendue...

— ... un millier d’année.

Soudain des cris émanent du pont. Arthus sort d’un bond rejoindre son équipage. La garde royale tient à distance avec ses lances les compagnons de route d’Arthus. Roland se tient au milieu des soldats. Il pointe du doigt le capitaine.

— Vous ! Où est la princesse ?

— Je suis là ! répond Bénédicte en apparaissant derrière le marin.

— Votre père a été victime d’une tentative d’assassinat. Je dois vous emmener près de lui.

— Non ! Ce n’est pas possible ! hurle la princesse

— Je t’accompagne, la rassure Arthus.

— J’espère bien, capitaine, car je vous arrête pour kidnapping et tentative de meurtre, clame Roland.

Arthus fait signe à son équipage de ne pas interférer.

— Je vous suis sans crainte.

— Je vais tout arranger au près de mon père, Arthus.

 

Au sein de la citadelle, des dizaines de personnes sont en pleurs. La princesse traverse toutes les salles en courant. Arrivée au seuil de la chambre du roi, elle s’arrête, figée par la peur de ce qui peut y avoir à l’intérieur. Un médecin sort de la pièce. Il lui jette un regard lourd de sens. C’est la fin.

Elle s’avance délicatement vers le lit. Elle glisse sa main dans celle de son père. Froide. Le visage du roi est livide. Ses yeux sans vie.

— Ma chérie, c’est bien toi ?

— Oui, père.

— Oh ma chérie, j’ai tant de chose à te dire. Mais c’est trop tard. Ta mère. Ta mère était si belle et juste... et elle était aussi une porteuse de pouvoir.

— Maman ?

— Et tu as le même don. Tu es la clé de la survie de cette Cité.

— Quel don ?

— Je n’ai plus assez de temps, tousse-t-il. Prend ça.

Il lui tend un collier orné d’un cristal.

— C’était à ta mère. Elle contient la lumière qui brise les ténèbres. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Mais il est à toi.

— Merci.

Le roi a de plus en plus de mal à s’exprimer. Le souffle lui manque. Il fait signe à sa fille de se rapprocher.

— C’est Roland.

Et dans ce dernier avertissement la vie du roi s’éteint.

 

Roland se tient face à Arthus enchaîné dans la plus haute tour de la ville. La tour du Silence.

— Tu crois que je n’ai pas vu ton petit numéro avec la princesse ? Tu as cru avoir tes chances avec une sang royal, porteur de pouvoir ? Tu n’es qu’un paria, un pestiféré ! Toi et les gens de ton espèce ne méritent que la mort. Là d’où je viens, vous êtes chassés et tués comme des bêtes.

— C’est ce que tu vas faire ou tu imagines m’assommer de paroles futiles ? ironise le marin.

— Non, petit malin. Ici, on possède une méthode bien trop douce pour punir les tiens. Mais je trouve que ça permet de montrer l’exemple. Le Silence. Un poison qui transforme la peau de la victime en granit. Mais le plus amusant, c’est qu’elle ne meurt pas. La légende dit que le supplice dure mille ans. Et le condamné retrouve son apparence humaine. Tu imagines le réveil dans un monde inconnu où tous tes êtres chers sont morts. C’est vicieux. Comme j’aime.

 

Roland plante une aiguille dans le cou d’Arthus. À ce moment, entre en hurlant dans la place Bénédicte. Elle pousse le perfide Roland et prend dans ses mains le visage de son amour.

Tout ce temps je savais que je te trouverais

Le temps m’a apporté ton cœur,

Je t’ai aimé depuis un millier d’années

Je t’aimerais pour un millier de plus.

— Je t’aime, mon aimé. Je vais trouver un remède. Je te le promets.

Sur ces derniers mots, le corps du capitaine finit de se changer en pierre. La jeune princesse éplorée dépose au tour du cou de son défunt amour le collier de cristal et fait face au bourreau.

— Pourquoi avoir fait ça ? Qui êtes-vous pour avoir le droit de donner une telle sentence dans mon pays ?!

— Et bien le nouveau roi d’Ys après vous avoir épousée.

— Jamais !

— Tel père telle fille. Il m’a répondu la même chose, le pauvre.

— C’est pour ça que vous l’avez tué.

— Oh, vous êtes au courant.

 

Bénédicte est choquée qu’il ne cherche même pas à nier. Son père est mort, son aimé est une statue. Elle est seule.

Sans réfléchir, elle franchit la porte de la salle et dévale les escaliers. Elle sort du palais et court à travers la ville sans savoir où aller. Ses poumons brûlent. Les larmes embrouillent sa vue. Elle entend le cliquetis des armures de soldats. Elle change de direction sans réfléchir et percute un obstacle gigantesque qui la fait tomber à la renverse.

— Princesse ?

Elle reconnaît cette voix si familière. Keros, le second de son aimé. Elle fond en larmes dans ses bras et lui explique les événements. Keros l’emmène sur le navire et lève l’ancre pour échapper à Roland et ses hommes.

— Et maintenant, on fait quoi, princesse ?

— On sauve votre capitaine. Il doit bien y avoir un remède au Silence.

— Je sais sur quelle île, ils vont chercher le poison. On trouvera sûrement des réponses là-bas.

 

Bénédicte, accompagnée de Keros, accoste sur l’île. Ils suivent un chemin de terre délimité par des statues de granit. L’homme à la tête d’aigle s’arrête soudain devant l’une d’elles.

— Je le connais. Enfant, nous jouions ensemble sur la plage. Il ne contrôlait pas bien son pouvoir. Il avait la faculté de faire jaillir des flammes de ses mains. Un matin, on a retrouvé sa maison en cendres et plus aucune trace de lui.

 

Ils continuent leur exploration jusqu’à un petit temple en granit. À l’intérieur, une femme les attend. Sa peau est verdâtre et recouverte d’écailles. Elle porte une longue robe rouge.

 

— Bienvenue, princesse.

— Vous me connaissez ? interroge Bénédicte.

— Non. Mais j’ai vu ta venue. Tu cherches un moyen de sauver ton amour du Silence.

— Oui.

— Vois-tu. Je te comprends. Moi-même à une époque, j’ai aimé un homme, un souverain. J’avais le pouvoir de prédire l’avenir. Quand je l’ai vu, j’ai su que nous finirions ensemble. Mais je devais briser mon vœu de chasteté, ce qui a déplu aux dieux. En punition, mon corps fut recouvert de cette horrible peau. Et mon aimé fut changé en statue. Mais cela ne suffisait pas. Les dieux me rendirent immortelle, devenant prisonnière de ma propre vie. Me rappelant mes fautes à jamais, car je porte en mon sang le poison que vous appelez Silence.

— Vous ? Alors il y a un remède ?

— Non. Dans mille ans, il se réveillera, vivant, humain mais sans toi.

— Alors il n’y a rien que je puisse faire ?!

— Tiens, prends ça – Elle lui tend une fiole – Ton avenir est incertain, même pour moi. Mais tu as le choix entre la vengeance et l’amour. Là où certains voient un poison d’autres y voient un avenir.

 

De retour au bateau, la princesse ne se sent pas plus avancée. Elle demande à Keros de la ramener à Ys. Même si elle n’a pas trouvé de moyen de sauver Arthus, elle ne peut pas laisser Roland gouverner le pays.

L’Ablette approche d’Ys en pleine nuit, afin de retourner discrètement dans la cité.

Malheureusement, Roland a prévu leur retour et a demandé d’éteindre tous les phares. S’il ne peut pas avoir la princesse alors autant que son navire se fracasse sur les rochers. Il pourra toujours dire qu’elle s’est fait kidnapper et a disparu en mer.

 

— Princesse, nous ne pouvons aller plus loin. Même avec ma vision d’aigle, j’ai besoin d’un minimum de lumière pour nous diriger. Le ciel est sans lune et les phares sont éteints. Il y a trop de risques.

— Non, nous devons tenter quand même.

 

Sur les ordres de Bénédicte, le navire avance à l’aveugle. Impuissant, la statue d’Arthus regarde du haut de sa tour sa bien-aimée se précipiter sur les falaises. Quand soudain, le cristal autour de son cou se met à vibrer. Un faisceau lumineux se projette par la lucarne de la tour. Keros donne l’ordre d’évitement juste à temps. Le navire accoste sur la plage sans encombre.

Le plan est simple. L’équipage crée une diversion pour permettre à Bénédicte de rejoindre la tour du Silence.

Alors que la princesse arrive aux portes de la citadelle, une explosion se fait entendre près du port. Un soldat ordonne aux gardes postés à l’entrée d’aller inspecter les environs.

Connaissant le palais par cœur, la jeune femme se faufile à l’intérieur. La salle de bal, encore remplie hier soir, est étrangement silencieuse. Ne perdant pas de temps, elle se précipite dans l’escalier de la tour. Arrivée au sommet, Roland l’attend armé d’une épée. La princesse sort le flacon remis par la femme lézard.

— Alors tu es revenue pour me faire subir le même sort.

— Non. Ce n’est pas pour toi.

La princesse avale le contenu de la fiole, prend le visage rocheux de son aimé entre ses mains.

— Je suis prête à t’aimer dans un millier d’années, mon amour.

En quelques secondes, le corps de Bénédicte se fige en granit, ne faisant plus qu’un avec son amant.

— Pauvre folle ! vocifère Roland. Ça ne m’empêchera pas de régner sur le pays d’Ys.

 

Roland se penche par la lucarne de la tour et admire son nouveau royaume sous la lueur des premiers rayons du jour. Quand soudain, l’horizon s’assombrit.

Ce que Roland ignore, c’est l’histoire de la cité d’Ys. Créée par la seule volonté d’une porteuse de pouvoir. Là où il n’y avait que l’océan, elle fit naître une ville pour l’amour de son roi. Et elle transmit son don en donnant naissance à une princesse. Cette même princesse qui se changea en pierre pour l’amour d’un marin.

Et sans porteuse de pouvoir, plus rien n’empêche l’océan de reprendre ses droits.

La ville d’Ys n’existe plus, aujourd’hui. Mais si on tend l’oreille, on peut parfois entendre deux cœurs battre à l’unisson. Pour encore quelques milliers d’années.

 

 

A Thousand Years par Christina Perri

 

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