Les faussaires

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L’ironie du sort



La Bourse ou la vie

A Berlin en 1936, Salomon Sorowitsch est considéré comme étant le roi des faussaires, un véritable expert en billets de banque. Arrêté par la Gestapo, il est interné dans le camp de Mauthausen avant d’être transféré dans celui de Sachsenhausen où il est accueilli par le Commissaire Herzog qui dirige une opération secrète, baptisée “Opération Bernhard”, ayant pour but d’affaiblir l’économie des principaux ennemis de l’Allemagne nazie. Herzog souhaite vivement que Sorowitsch en fasse partie avec d’autres Juifs experts en la matière et triés sur le volet. N’ayant pas vraiment le choix, Sorowitsch se retrouve à superviser le bon fonctionnement d’un atelier clandestin chargé d’imprimer à très grande échelle des fausses devises étrangères.



Stalags 18 et 19

Lancé en 1942, l’Opération Bernhard avait été élaborée à partir d’un plan secret établi par les nazis sous la direction de Bernhard Krüger, à l’époque Inspecteur des Finances et spécialiste en fausse monnaie. L’objectif consistait à contrefaire des livres sterling, dans un premier temps, puis des dollars américains pour affaiblir les économies de leurs deux principaux adversaires afin de gagner la guerre.

C’est donc dans les camps de concentration que les nazis recrutèrent leur main-d’œuvre : imprimeurs, illustrateurs et typographes, tous Juifs qui furent ensuite transférés au camp de Sachsenhausen où l’atelier fut installé dans le plus grand secret. Les occupants des stalags 18 et 19 furent alors contraints de fabriquer de la fausse monnaie en très grosse quantité. C’était la principale activité de cet atelier, baptisée “cage dorée” par les détenus qui y travaillaient, mais ils y fabriquaient également toutes sortes de faux papiers qui servaient aux espions allemands au cours de leurs missions clandestines. Entre 1942 et 1945, 140 prisonniers furent affectés à cet atelier et fabriquèrent environ 140 millions de fausses livres sterling. A peine étaient-ils parvenus à imprimer les premières livres sterling, qu’ils reçurent l’ordre de faire de même avec les dollars américains.

La peur au ventre



Séparés des autres prisonniers, ces “privilégiés” bénéficiaient de bien meilleures conditions de détention : ils mangeaient à leur faim, dormaient dans de vrais lits à l’intérieur de baraquements chauffés, avaient du tabac à volonté ainsi que la possibilité de se laver une fois par semaine et pouvaient aussi écouter la radio. On leur avait même mis une table de ping-pong à disposition, histoire de leur remonter le moral. Ils étaient dispensés de revêtir le sinistre uniforme rayé des prisonniers et portaient des vêtements civils tout en sachant pourtant pertinemment que ces derniers avaient forcément appartenus à des personnes ayant été gazées. La menace de mort planait sans cesse sur eux au cas où leur travail n’aurait pas été satisfaisant ou sciemment saboté. C’est donc dans cette peur constante qu’ils mirent au point les premières plaques d’impression en essayant dans la mesure du possible de retarder au maximum la fabrication des billets tout en sachant que cela ne faisait pourtant que repousser l’inexorable car ils avaient parfaitement conscience qu’ils ne pourraient saboter indéfiniment cette opération sans risquer leur vie.

États d’âme

Avec Les Faussaires Stefan Ruzowitzky s’attache à nous raconter cette histoire peu connue et peu commune, qui fut relatée dans le livre “L’atelier du Diable” d’Adolf Burger (l’un des survivants de la Shoah ayant participé à l’Opération Bernhard) mais sans jamais porter le moindre jugement de valeur. L’ironie du sort a voulu que ce soit justement ce pourquoi ces hommes ont été emprisonnés dans des camps de concentration (le simple fait d’être juif, avoir exercé certains métiers) qui leur a, en quelque sorte, sauvé la vie.

Tels des funambules en situation d’équilibre précaire, Sorowitsch et ses infortunés compagnons de galère évoluent constamment sur le fil du rasoir entre leur haine viscérale à l’encontre de leurs tortionnaires, leur instinct de survie et leurs états d’âme vis-à-vis des autres prisonniers qui ne bénéficient malheureusement pas des mêmes privilèges qu’eux. Le groupe est sans cesse divisé par de nouvelles dissensions qu’il leur faut gérer au mieux au quotidien sous peine de déboucher sur leur mort à tous et c’est aussi sans compter sur le risque non négligeable de tomber malade ce qui compromettrait alors sérieusement leur chance déjà bien mince de survie. Le film est littéralement porté par l’excellente prestation des acteurs.

Les Faussaires

Réalisation : Stefan Ruzowitzky

Avec : Karl Markovics, August Diehl, Devid Striesow, Marie Bäumer, Martin Brambach, Dolores Chaplin.

Sortie le 6 février 2008

Durée : 1h 38

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