Aventuriers de l'Arche Perdue (Les)

 

Peut-on vraiment évoquer la Grande Aventure, avec des majuscules partout, sans parler d’un certain film sortit en 1981 ? Vous savez, cette histoire d’Arche que les chrétiens ont un jour mal rangée et que les petits sbires d’Hitler en mal de domination mondiale se sont soudain mis à chercher quelque part dans le désert égyptien ? Cette histoire d’un professeur d’archéologie plutôt propre sur lui la plupart du temps… mais qui enfile régulièrement une vieille veste de cuir et un fedora usé pour parcourir le monde à la recherche de reliques sacrées ? Vous savez… Les Aventuriers de l’Arche Perdue

Indiana Jones. Accompagné de la marche triomphante composée par l’inusable John Williams, l’archéologue aventurier né dans l’esprit de George Lucas est devenu, pour toute une génération, l’incarnation même du « film d’aventure ». La preuve ? Depuis la sortie de La Dernière Croisade, en 1989 (ouais, quinze ans les gars, presque seize… ouille, ça ne nous rajeunit pas ça…) la plupart des amateurs de cinéma d’aventure guètent le retour de la silhouette intemporelle du Docteur Jones au détour de la moindre info distillée sur le net. Avec un Ford qui ne rajeunit pas, un Spielberg qui enchaîne les projets sans jamais pouvoir s’arrêter sur le devenir de son aventurier et un Lucas qui consacre toute son énergie à fâcher les allumés du sabre laser, la panoplie d’Indy prend la poussière dans une cave bien gardée de chez Lucasfilms. Mais finalement, pourquoi une attente pareille ? Pourquoi une sortie DVD événementielle ? D’autant qu’avec trois films au compteur, Indiana Jones a certes marqué les esprits, mais on est loin du culte et d’une fusion totale avec la culture populaire opérée par la saga Star Wars. En fait, heu, la réponse n’a pas vraiment besoin d’une thèse de doctorat. Assez simplement Les Aventuriers de l’Arche Perdue est un putain de bon film… Et ses deux suites, si elles portent en elles des références autobiographiques étonnantes liées à Steven Spielberg et Lucas (dans le genre, thérapie, Le Temple Maudit est un vrai cas d’école, mais nous y reviendrons un jour…) et ne bénéficie plus de la fraîcheur du premier opus, restent des sommets de cinéma populaire des années quatre-vingt. Mais, excusez-moi pour la digression, nous étions là pour parler des Aventuriers, je crois…

 

L’idée de mettre en scène les aventures d’un archéologue vient à l’esprit de George Lucas en 1973 (déjà !). Alors qu’il travaille à l’écriture laborieuse de ce qui deviendra Star Wars, il se souvient avec nostalgie des serials des années 30-40. A l’époque, le film principal, dans les salles américaines, était précédé d’un serial, une sorte de feuilleton dont chaque épisode se terminait par une situation terriblement dangereuse, voire mortelle pour son héros. L’idée était alors de fidéliser le spectateur et de lui donner envie de revenir au cinéma la semaine suivante.

 

Alors que Star Wars est un triomphe, en marche pour devenir un phénomène de société, Lucas et Spielberg se retrouvent sur une plage hawaïenne pour discuter de leurs futurs projets. Le réalisateur de Jaws confie alors à son ami qu’il rêve de mettre en scène un James Bond… Un vœu pieu puisque la production des aventures de l’agent de sa très gracieuse Majesté exige un Anglais devant… et derrière la caméra. Sans coup férir, Lucas propose alors à Spielberg son idée d’aventurier « comme on n’en fait plus ». Seul hic, Lucas a travaillé plusieurs jours en compagnie de Phillip Kaufman sur le script des Aventuriers et ce dernier désire le mettre en scène. Mais comme c’est souvent le cas dans le monde du cinéma, Kaufman est appelé sur un autre projet (The Right Stuff, pour ne pas le citer…) et Spielberg décroche le poste de metteur en scène des aventures de celui qui s’appelle encore, dans le scénario concocté par Lawrence Kasdan sur les conseils de Lucas, Indiana Smith. Quelques réunions de travail plus tard, Indiana Jones prend une forme presque définitive, il ne sera pas alcoolique (comme l’aurait voulu Spielberg, en hommage au personnage de Bogart dans Le Trésor de la Sierra Madre), ni playboy (comme l’aurait voulu Lucas, entouré de magnifiques créatures au look inspiré des actrices classiques des années 30-40), mais simplement un professeur d’archéologie, monsieur-tout-le-monde, qui semble simplement avoir un flair particulier lorsqu’il s’agit de mettre la main sur des reliques de toutes sortes.
Habitué des dépassements de budgets et des retards de tournage, Spielberg parviendra tout de même à boucler ces Aventuriers en 73 jours de tournage, grâce à une production particulièrement préparée (story boards, maquettes, économie d’échelle…) et surtout un scénario où toutes dérives superflues sont élaguées (une séquence se déroulant à Shanghaï disparaît tout comme un hangar tout entier rempli d’armes futuristes mises au point par les nazis…). A sa sortie aux USA le 12 juin 1981, Raiders of The Lost Ark rafle rapidement la mise… Et devient le plus gros succès de l’année, avant de grimper une à une les marches du box-office de tous les temps. A travers le monde, le succès est tout aussi phénoménal. Avec Indiana Jones, Spielberg créée non seulement un personnage de cinéma récurrent et original du monde cinématographique, mais façonne aussi une icône, une représentation de « l’aventurier » qui s’installe durablement dans l’inconscient collectif.

La Somme du cinéma de Spielberg

Avec Les Aventuriers de l’Arche Perdue peut-on déjà parler de « somme » pour un réalisateur comme Steven Spielberg ? Finalement, cette première aventure d’Indiana Jones n’est que le cinquième long métrage d’un metteur en scène qui n’a que 34 ans à l’époque du tournage. Et pourtant… Et pourtant on ne peut être que soufflé par la maîtrise de l’espace, de la narration, de l’action et des acteurs dont fait preuve celui pour qui les mots « génie » et « cinématographique » semblent avoir été inventés.
Maîtrise de l’espace tout d’abord. Dans un prologue devenu aujourd’hui mythique, Spielberg utilise au maximum un décor qui se résume finalement à un étroit boyaux tapissé de toiles d’araignées. En quinze petits minutes, Spielberg nous offre d’explorer les moindres recoins des lieux et d’y installer une tension, un suspense, un début, une résolution, une crise… Tout cela en jouant sur une échelle de plans relativement restreinte.
Maîtrise de la narration. Avec son articulation classique en trois actes, Les Aventuriers n’ennuie jamais le spectateur, offre dans chaque scène un élément à même d’alimenter la narration, de la propulser vers l’avant, de tisser un tout fluide… Jusqu’à ce prologue, que d’autres auraient conçu comme un simple roller-coaster qui permet d’installer rapidement la relation entre Indiana Jones et Belloq et offre ainsi au spectateur de découvrir mesis du héros et sa vision du monde.
Maîtrise de l’action. Comment ne pas parler de maîtrise lorsque l’on se repasse, en boucle, cette immense scène des camions ? L’enchaînement est d’ailleurs époustouflant, entre le moment où Indy et Marion s’échappent du puits des Ames où les Allemands les ont enfermés et la montée du couple à bord du vieux bateau à vapeur. Sans une redite, sans utiliser deux fois la même idée (les frères W. devraient en prendre de la graine, eux qui nous ont resservis douze fois la même baston entre Néo, l’Agent Smith et toutes ses déclinaisons…) le récit se déplace de manière trépidante, avec un sens de l’action qui laisse aujourd’hui encore pantois. Qu’aujourd’hui, quelqu’un me pointe du doigt une scène d’action aussi intense que celle de la poursuite avec les camions… qui ne fait intervenir aucun trucage digital et qui reste totalement lisible d’un bout à l’autre !
Maîtrise des acteurs enfin… Car s’il est un vrai « technicien du cinéma » dans l’âme, Spielberg possède tout de même, à l’inverse sans doute de son ami George Lucas, une vraie tendresse pour les acteurs et leurs capacités à s’investir dans un rôle. Dans les Aventuriers de l’Arche Perdue, même si le casting touche à la perfection, la direction d’acteurs est-elle aussi parfaitement maîtrisée. Jouant à la perfection avec le côté maladroit/ordinaire d’Indiana Jones, parfaitement incarné par Harrison Ford, Spielberg fait de son couple de cinéma une mécanique parfaitement huilée… tout en mettant à mal les clichés de la demoiselle en détresse (Karen Allen, dans, la peau de Marion Ravenwood semble capable de résoudre l’énigme de l’Arche par elle-même ou presque…). Une alchimie qui atteint des sommets lors de la scène du bateau, en partie improvisée, où le jeu des acteurs, l’écriture, la cinématographie, le traitement du son… se mêlent pour donner une scène classique parmi les classiques. Dans ce sens, Les Aventuriers de l’Arche Perdue peut être perçu comme une somme. La somme des influences populaires réunies par le jeune Steven Spielberg au travers de son passage chez Universal, puis son accession à la réalisation avec Jaws. Ainsi, si Indiana Jones doit beaucoup à George Lucas, sa forme cinématographique est définitivement le fait de Spielberg, de son expertise en tant que metteur en scène, de son sens du rythme et des besoins du public en terme de divertissement populaire. Peut-être le réalisateur d’E.T. (qui constitue un second sommet dans sa carrière, sorti sur les écrans l’année suivante, mais qui semble plus consensuel que les aventures d’Indy) s’est-il trouvé à ce moment là au carrefour d’une rencontre entre un producteur, un scénariste, une équipe de techniciens, des acteurs… qui ont fait des Aventuriers de l’Arche Perdue un film quasi unique dans sa filmographie… Sans doute pas son meilleur film (encore que…) mais bien une œuvre fraîche, différente, maîtrisée, qui résiste encore aujourd’hui au passage du temps, ne prends pas une ride et se laisse revoir avec plaisir quelle que soit la saison, l’heure ou la météo ! ou la météo !

 

Maîtrise de l’action. Comment ne pas parler de maîtrise lorsque l’on se repasse, en boucle, cette immense scène des camions ? L’enchaînement est d’ailleurs époustouflant, entre le moment où Indy et Marion s’échappent du puits des Ames où les Allemands les ont enfermés et la montée du couple à bord du vieux bateau à vapeurs. Sans une redite, sans utiliser deux fois la même idée (les frères W. devraient en prendre de la graine, eux qui nous ont resservi douze fois la même baston entre Néo, l’Agent Smith et toutes ses déclinaisons…) le récit se déplace de manière trépidante, avec un sens de l’action qui laisse aujourd’hui encore pantois. Qu’aujourd’hui, quelqu’un me pointe du doigt une scène d’action aussi intense que celle de la poursuite avec les camions… qui ne fait intervenir aucun trucage digital et qui reste totalement lisible d’un bout à l’autre !

Initialement paru dans Phenix Mag n°0

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merci a toute