Navire en pleine ville (Le)

Une nouvelle maison d’édition, ce n’est pas si courant. Et une nouvelle maison d’édition qui publie de la science-fiction et pour jeunes de surcroît, cela ne court pas les rues.

Nous vous présentons les acteurs de cette jolie naissance en attendant de vous présenter quelques-uns de leurs bébés dans les semaines à venir.

Bon vent au Navire en pleine ville


Hélène Ramdani, bonjour.

Quand est née votre maison d’édition ?


- La maison est née en décembre 2005, et nos premières publications datent de mai 2006. Autant dire que d’un point de vue éditorial, le Navire est tout frais pondu...

Comment est né votre projet ?

- Au départ, le projet est né d’une réflexion menée en collaboration avec mon père, André Kédros dit André Massepain, directeur de la collection "Plein Vent" chez Robert Laffont de 1966 à 1987. A l’époque, (je passe sur les années, j’ai le droit, je suis une dame) nous ne disposions pas des fonds nécessaires. Après la disparition de mon père, le projet ne m’a pas quittée et lorsque j’ai eu les moyens de me lancer, je l’ai fait. J’ai de la suite dans les idées, n’est-ce pas ?

Qui en a eu l’idée ?

- Au départ, mon père, donc. Mais je suis assez loin du projet initial, et j’ai mis dedans beaucoup de moi-même, avec une démarche plus large et plus étoffée (entre autre avec notre collection d’essais pour les ados).

Quel était votre projet initial élaboré avec votre père ? Et en quoi cela diffère-t-il du projet d’aujourd’hui ?

- Au départ, l’idée de mon père était de reprendre certains titres de la collection "Plein Vent", en particulier des romans historiques agrémentés de cahiers pédagogiques qui sortaient un peu du convenu et replaçaient le récit dans un contexte plus rigoureux. Une idée neuve à l’époque, et qui le reste dans son esprit sinon dans sa forme. Au cas où cela aurait fonctionné, on aurait agrémenté la collection de titres inédits...


Quelles sont les personnes qui l’ont créé ?

- Je. Ich. Moi-même. Sauf que ce n’est pas vrai parce qu’on ne fait pas tout ça tout seul, même quand on est à l’origine d’une dynamique. J’ai donc associé au projet notre directeur littéraire, Jacques Olivier Durand qui a largement contribué à affiner certains choix et à développer certains aspects de notre politique éditoriale. Les graphistes, Pierre Huber et Franck Vriens sont eux aussi largement responsables du pensum que nous infligeons aux ados : sans eux, pas d’identité graphique du Navire, et elle joue un rôle très important dans ce qu’est la maison d’édition. Enfin, impossible aussi de nier l’importance que notre diffuseur, Les Belles Lettres, a pu avoir pour nous. Ils ont parfaitement joué leur rôle de conseil et de soutien, et ils méritent d’en être crédités...

Quelle est votre politique éditoriale ?

- Nous avons fait le choix de proposer des romans de genre et d’aventure pour les adolescents et les jeunes adultes (tous les genres...) sous deux collections : l’une de textes inédits, qui fait la part belle aux jeunes auteurs, et l’autre de réédition de classiques contemporains qui méritaient d’avoir une seconde vie éditoriale. De plus nous avons mis en place une collection d’essais, toujours à destination du même public, qui couvrent des thèmes variés allant de la sociologie à l’Histoire des idées. Le credo du Navire ? La qualité littéraire et le respect de ses lecteurs, par le choix de textes qui n’ont pas peur de la complexité et encouragent à réfléchir.

Comment définiriez-vous votre maison ?

- Je n’aime guère l’idée d’une définition. Qui aura forcément quelque chose de définitif, alors que le principe même d’une maison d’édition, c’est d’être toujours un cran en avant des modes et des carcans pour proposer des choses différentes et créer de nouveaux intérêts littéraires pour ses lecteurs... Non ? Mais si d’autres veulent jouer au jeu des petites cases, laissons les faire...

Pourquoi l’édition ?

- Parce que je ne sais pas faire autre chose ? J’ai été formée pour ça. Faut pas gâcher, on vous dit...

Quelle a été votre formation de base ?

- Ma première formation fut celle dispensée par mon père. Je fus pour lui une lectrice-test dès l’âge de dix ans, puis à l’adolescence il m’a progressivement associée au travail éditorial. A l’ancienne. Ce qui m’aura valu quelques déboires lorsque j’ai ensuite mis les pieds chez Laffont, au moment où l’on s’est mis à considérer l’édition comme un univers à règles commerciales comme les autres et où on a remplacé à tour de bras les littéraires par des spécialistes en marketing. Je ne me voyais pas faire dans le commercial, alors j’ai fait tout ce qui me passait par la tête : du droit, de l’Histoire... J’ai même vécu l’enfer de la "Com" (j’ai détesté) et je suis devenue spécialiste de l’étude des perroquets (j’ai adoré). J’ai fait de la radio, de la politique, de la musique, bref, je me suis amusée comme une petite folle. La vie est faite pour qu’on en profite, et je suis persuadée que toutes mes expériences ont apporté de quoi nourrir chez moi une conception du travail éditorial différente.

Votre maison d’édition est spécialisée « jeunesse », pourquoi ce choix ?

- Là encore, c’est une question de formation : c’est ce que je sais faire de mieux. Ma coiffeuse est sympa, mais je ne la verrais pas corriger un manuscrit. Et si vous me mettez une paire de ciseaux dans les mains, vérifiez d’abord que vous avez une bonne assurance...

Et pas mal de science-fiction. Pourquoi la SF ?

- Je règle mes comptes avec mon père. Je rigole, mais il y a de ça : lui détestait la SF, c’est une manière d’affirmer que je ne suis pas lui, malgré notre complicité et le respect profond que j’ai pour son travail dont j’applique encore certains principes avec bonheur. Et puis, j’ai eu la chance d’avoir Gérard Klein comme conseiller littéraire à 19 ans. Le genre de chose dont on ne se remet pas complètement si l’on est normalement constitué...

Comment vous voyez-vous évoluer ?

- On est les meilleurs, on sera les plus grands.

Pardon. Une petite crise de mégalomanie galopante. Je vous promets, ça va me passer.

On espère surtout pouvoir développer de nouvelles collections, en cherchant des pistes nouvelles pour créer d’autres façons de lire. Entre autres, on prévoit d’être parmi les premiers à passer à l’e-book de manière créative, en inventant d’autres réalités éditoriales. Un défi incontournable, et à vrai dire, assez jubilatoire du point de vue de l’éditeur...


Est-ce difficile de diriger une maison d’édition ?

- Absolument pas. Du moins si vous êtes gravement psychotique. Vous m’excuserez, j’ai des cachets à prendre.

Qui aimeriez-vous éditer ?

- En SF, Ayerdhal. C’est un peu obsessionnel, chez moi. J’ai de la chance, je ne l’ai pas encore rencontré. Un éditeur qui rampe aux pieds d’un auteur, ça fait un peu désordre. Jean-Marc Ligny, Jérôme Noirez, Catherine Dufour, Joëlle Wintrebert, Thomas Day, Claude Ecken, Xavier Mauméjean,... J’en oublie sûrement. Je deviens boulimique, en vieillissant.

Et dans les autres genres, j’ai des listes à rallonge...

Quels sont vos projets à court terme et à long terme ?

- Nous avons trois ouvrages prêts à sortir : un magnifique premier roman de SF, Aria des Brumes de Don Lorenjy, roman de passage par excellence porté par une écriture splendide, destiné aux jeunes adultes ; un roman historique de Muriel Carminati, pour notre tranche ados-collège, Le Prince de Bactriane. Muriel est un auteur déjà primé qui a accepté sans sourciller l’énorme effort de retravailler son manuscrit en collaboration avec nous, et on en est pas peu fier. Ensuite, pour la collection "avis de tempête", un livre-événement, un conte philosophique et poétique écrit par un jeune gitan, Luis Ruiz et soutenu par la communauté gitane, qui traite de la réconciliation entre communautés et nous a touché en profondeur.

A venir aussi, un roman de Lilian Bathelot, l’auteur de C’est L’Inuit qui gardera le souvenir du blanc et qui se déroule dans le même environnement politique, le tome 2 de Shalinka, d’Irène Delse, un roman noir de Fabrice Colin, un premier roman SF plein de sensibilité de Jeanne-A Debats, et ce qui devrait vous intéresser particulièrement en Belgique où Les Virus de l’Ombre d’Hicham Charif fait partie de la sélection du prix Farniente 2008, un autre roman SF de cet auteur, destiné aux jeunes adultes.

Le reste fait partie des projets qui demandent encore maturation et réflexion, promis, on vous en cause quand on est sûr de nous...

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels voeux formuleriez-vous ?

- Trois, hein ? C’est, ça, trois. Des prix littéraires pour mes auteurs, ils le méritent. Que le Navire dure et perdure. Et qu’on ait Patrick Artus à la tête du FMI. Voilà qui serait un bon début.

Site internet : www.lenavireenpleineville.fr

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