Laisse tomber

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On attribue à Jean Gabin la citation suivante : " Pour faire un bon film il faut trois choses : premièrement une bonne histoire, deuxièmement une bonne histoire, troisièmement une bonne histoire". Et il ajoutait : "Le reste c’est de la littérature d’empapaouteurs de mouches".

Cette littérature d’empapaouteurs de mouches, il y a longtemps que Nick Gardel l’a envoyée au terminus des prétentieux, et il le prouve une nouvelle fois avec ce petit joyau d’humour noir.

L’essentiel dans le mot et la formule. D’aucuns prétendront que je ne saurais faire preuve d’impartialité lorsque je lis un roman de Nick Gardel, ce à quoi je répondrais qu’après avoir lu l’intégralité de la production littéraire de ce monsieur et m’être régalé à chaque épisode, je commence plutôt bien à le connaître, même si là encore il est capable de me surprendre.

Alors, qu’avons-nous dans Laisse tomber ? Le sous-titre, savoureux, nous met déjà dans l’ambiance. C’est Arsenic et vieilles dentelles, c’est Cocoon qui rencontre les Tontons flingueurs. Dans un immeuble a priori anodin, où vit un bel ensemble de représentants du troisième voire du quatrième âge, Antoine Spisser fait tache. Ce gros homme inactif qui se contente de vivre devant une vidéothèque conséquente en épuisant peu à peu la rente héritée de ses parents, semble n’avoir aucun avenir que celui de végéter dans son appartement du rez-de-chaussée. Etant le plus jeune, il passe un peu pour le concierge et l’homme à tout faire. Sa rencontre tout autant fortuite qu’« utilitaire » avec sa voisine du dessus, Clarisse Demastien, va l’obliger à sortir de son existence pantouflarde…

Comme toujours chez Nick Gardel, la galerie de personnage s’avère toujours savoureuse : on a droit à la veuve richissime et acariâtre, une autre mauvaise comme la teigne, le témoin de Jéhovah, le vieil artiste peintre italien tout nu, la femme et son « curieux » mari… Sans compter le policier, le capitaine Berchtold, un condensé de Columbo et surtout de Clouseau dans toute sa splendeur. C’est au fil des pages que ce petit monde baigné à l’eau de Cologne Mont-Saint-Michel et au Steradan laisse tomber sa carapace de bienséance pour révéler sa vraie nature, aussi féroce que cruelle. Un univers que celui-ci envie, parce que la marge entre le franchement noir et le plutôt léger est faible, et la juste mesure pas facile à doser. Mais Nick connait la musique, voire la bonne cuisine…

Probablement un des romans les plus noirs de l’auteur, mais toujours avec cette pointe d’humour en coin, comme le gamin surpris à vous claquer un élastique aux fesses et qui répond à votre colère avec ironie : "Allez , c’est pas grave. Laisse tomber !".

Moi en tout cas, j’en redemande !!!

 

Laisse Tomber - Nick Gardel - Editions Caïman - 03/19 -12 €

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