La légende vivante par Daniel Garot

« L’an mille-neuf-cent-dix-huit après la naissance du messie sauveur Jésus Crie. Part-riz, une concentration de constructions abritant un nombre considérable d’êtres supposément intelligents.

La guerre fait rage !

Les batailles opposent une coalition de peuples pacifiques contre une civilisation cruelle et sanguinaire, les Zale-ments. Ces derniers, technologiquement plus avancés, avaient un seul objectif, asservir la planète toute entière. »

 

Des filets de fumées s’élevaient des décombres. Les habitations, dévastées par les bombes et les tirs Testa, ressemblaient aux chicots noircis d’un vieillard. Des successions d’explosions retentissaient de temps en temps, indiquant la proximité du front de guerre.

Quelques cadavres pourrissaient au milieu des débris, certains à moitié ensevelis, certains à moitié dévorés. Un chien famélique à six pattes apparut dans un interstice créé par un mur de béton écroulé sur un autre. Sur celui-ci, on pouvait lire « rue Ravioli », inscrit sur une plaque bleue aux bords déchiquetés. Méfiant, l’animal observa les alentours avant de sortir de l’ombre de son abri. Il se dirigea avec précaution vers un tas de gravats de l’autre côté de la route.

Joseph – le nom estampé sur son collier de cuir élimé – renifla la main qui dépassait de l’éboulis, prêt à déguerpir au moindre mouvement suspect. Mordillant quelques fois le bout des doigts avec timidité, il se décida à croquer la paume et se mit à tirer dessus en donnant des chocs. Joseph mastiquait goulûment le tendon extenseur du pouce lorsqu’un bruit l’interrompit. Les oreilles dressées, il épiait le bout de la rue avec terreur. Dès qu’il eut confirmation de ses craintes en apercevant un mouvement jaillissant au loin, il s’enfuit en poussant des miaulements aigus, la queue entre les pattes.

« Alors que tout laissait penser que cet endroit était à l’abandon, un être apparut en arrière-plan et se rapprochait rapidement. Cette scène atypique, aussi surprenante que violente, ne laissait absolument pas présager de L’INCROYABLE importance que ça allait prendre, ainsi que les conséquences qui en résulteraient pour la planète ! ».

À la limite de la ligne d’horizon dans la rue Ravioli, une silhouette courrait, se rapprochant dans une trajectoire en zigzag. Alors que la forme humanoïde arrivait au milieu de la rue dans sa course effrénée, un nuage de poussière apparut également, et se mit à sa poursuite. Des éclairs foudroyants fusèrent en direction du fuyard, manquant chaque fois la cible de peu. Dans de grands fracas, les tirs meurtriers faisaient voler en éclats toutes sortes de matériaux, pulvérisés sous l’intensité de l’arme.

À bout de force, le soldat finit par dépasser un grand bâtiment encore entier. Il bifurqua dans la rue sur la gauche pour trouver l’entrée et tenter de s’y réfugier. Haletant, il aperçut vaguement « motel de ville » au-dessus d’une façade criblée d’impacts avant de s’y engouffrer. Aux abois, essayant de trouver une cachette en vitesse, il courut au hasard dans les couloirs avant de se terrer derrière le bureau d’une grande salle. À peine quelques mois auparavant, on y célébrait encore des mérièges.

L’homme d’une vingtaine d’années était habillé d’un costume marron, très harmonieux avec le décor poussiéreux. Son étui de pistolet laser était vide, perdu dans une précédente bataille qui l’avait opposé contre un sturmtrupper, unité d’élite zale-mente armée de bras mécaniques et d’une mitrailleuse à cadence rapide. Heureusement, il s’en était sorti vivant. Il priait Jésus-Crie pour avoir autant de chance car, cette fois-ci, c’était un sturmpanzer qu’il avait à ses trousses.

Il but une rasade de gnôl contenu dans sa gourde. Après quelques instants de repos, à peine son souffle récupéré, il entendit un raclement dans le couloir. Les yeux écarquillés, il patienta un peu, concentré sur le moindre bruit. Le silence revenu, il se détendit, pensant qu’il s’agissait d’un débris tombé, ou un de ces nombreux chiens errant qui cherchait de la nourriture.

Presque convaincu d’avoir semé son poursuivant, Sacha se remit debout, avec l’intention de retourner à l’avant-poste de l’autre côté du fleuve. Il espérait y retrouver quelques êtres encore vivants au sein de son bataillon. Ils avaient été mis en déroute il y a peu, surpris en plein repas par ce monstre qui, à présent, le poursuivait. Arrivé à proximité de la porte, un craquement d’arbre abattu résonna dans le bâtiment, le figeant sur place. Décidé à retourner se cacher, il n’en eut pas le temps. Le battant s’ouvrit en grand et s’écrasa contre le mur. Instinctivement, Sacha porta la main à son étui. Il jeta un œil rapide à celui-ci, se souvenant par la même occasion qu’il était vide. Cette hésitation fut trop longue, la créature se jeta sur lui, le plaquant au sol en mettant une main sur sa bouche.

Deux yeux, dissimulés derrière un masque teinté en jaune, observaient le soldat. Le coup de la surprise disparu, celui-ci remarqua que son assaillant n’était pas un ennemi. L’inconnu lui fit un signe de tête et bougea délicatement la main qui lui maintenait la bouche fermée.

— Je… Qu’est-ce que… commença Sacha.

— Chuuuuut ! Idiot ! fit une voix métallique camouflée derrière un modulateur.

Un autre craquement retentit, ainsi que des bruits de progressions et de raclements.

— Il y a un sturmpanzer juste à côté. Il faut se cacher, chuchota l’inconnu.

 Sacha hocha la tête et montra du doigt le bureau au fond de la pièce. L’inconnu l’aida à se relever et ils allèrent s’accroupir derrière le meuble, espérant que la chance leur soit favorable.

Quelques instants plus tard, l’encadrement de la porte vola en éclat, ainsi que les contours en maçonnerie. Une machine de guerre s’avança dans la pièce. Le sturmpanzer ressemblait à un bipède monté sur chenilles. Le Zale-ment à l’intérieur de la machine était protégé par une coque d’acier boulonnée et rivée. Seule une petite lucarne transparente de polymère à haute résistance laissait apercevoir le visage de dégénéré furieux du pilote. Les bras de la machine étaient terminés par de grosses électrodes d’où crépitaient des étincelles blanches. Le casque était surmonté d’une pointe en alliage doré qui lui permettait de communiquer à distance avec les autres membres de l’escouade. Il s’avança dans la pièce. La pointe raclait le plafond et en faisait tomber des débris au sol dans un crissement désagréable.

Derrière le bureau, Sacha était mort de peur, les jambes flageolantes. L’inconnu soupira de résolution et, subitement, donna une grosse bourrade au soldat pour qu’il se retrouve dans le champ de vision de l’engin. Trahi et désespéré, celui-ci se leva, les mains en l’air, se sachant condamné s’il essayait de fuir cette fois-ci. L’ennemi stoppa net sa progression, ne semblant pas surpris par la présence de cet homme en face de lui.

Un ricanement presqu’inaudible lui arriva aux oreilles. Le bras mécanique se leva en produisant un son énergétique qui s’amplifiait. Des gerbes d’étincelles de plus en plus grosses jaillissaient des électrodes chauffées à blanc.

 « Alors que tout semblait perdu, le soldat Sacha en position de reddition, l’inconnu dissimulé derrière le bureau, et le monstre mécanique prêt à faire feu, la planète entière retenait son souffle ! Cet à cet instant précis ! Oui, à cet instant décisif, face à la trahison de l’inconnu ! Que tout bascula. Rien ne serait plus jamais comme avant ! ».

Le temps semblait ralentir. Tandis que le rayon Testa était chargé, prêt à libérer ses éclairs de destruction sur Sacha, l’inconnu fit un geste du poignet pour sortir un dispositif escamoté dans sa manche. Il appuya sur le bouton situé au-dessus de celui-ci. Une petite boite s’ouvrit juste au pied du sturmpanzer.

*

Il ne se passa rien pendant quelques instants, bien que l’engin sembla être tout à coup immobilisé. Le conducteur blêmit rapidement dans l’habitacle et se mit à hurler en se cognant la tête contre les parois. La carcasse d’acier commença à vibrer de plus en plus fort, à grincer et se contorsionner. Les rivets et les boulons sautèrent un à un. Des sifflements bizarres s’échappaient des articulations hydrauliques, jusqu’à ce que le liquide contenu dans les tuyaux s’échappe en giclant à différents endroits, mû par une pression de plus en plus importante. Au bout de quelques secondes, l’arme de destruction se déglingua complètement dans un éclatement de tôles, vis, fils électriques et bidules électroniques.

Dans un amas informe de pièces métalliques, le pilote gisait la bouche déformée. Il avait un filet de sang qui lui coulait des orifices par jets intermittents. L’inconnu lâcha le bouton de sa radiocommande et, par précaution, alla vérifier l’état de santé du Zale-ment.

— Ça va ! Il n’y a plus de danger, tu peux baisser les bras, dit l’inconnu avec sa voix métallique artificielle.

Sacha, se croyant déjà mort, était complètement coi, comprenant avec difficulté ce qui venait de se passer sous ses yeux effarés. Il finit par baisser les bras et s’approcha des restes de l’ennemi. Après avoir constaté les dégâts, il reprit conscience de la réalité.

— Espèce de sombre conniard ! dit-il en poussant l’inconnu. J’aurais pu me faire tuer !

— Désolé mon ami ! J’avais besoin d’une diversion pour déployer mon dispositif.

L’inconnu ôta son masque jaune et son modulateur vocal. Il dévoila un visage féminin marqué d’une longue cicatrice toute récente, de la commissure droite de sa lèvre jusqu’à l’oreille.

Sacha resta sans voix et dut prendre appui sur le bureau pour ne pas tomber à la renverse.

— Non ! C’est… C’est impossible ! balbutia-t-il. Tu n’es pas… vous n’êtes…

— Hé si mon ami, c’est bien moi. On m’appelle « Printemps », Yvonne Printemps !

— Yvonne Printemps ! répéta Sacha pour se persuader qu’il ne rêvait pas. La légendaire « Printemps » ! Si j’avais su un jour que… Bon sang, quel honneur, madame ! continua-t-il en se courbant de respect.

« Yvonne Wigniolle, dite Yvonne Printemps, était un mythe vivant. La seule citoyenne à s’être rebellée contre l’ennemi et à le vaincre.

La guerre l’avait contrainte à abandonner une carrière d’artiste très prometteuse. Elle devint une mercenaire à la mort de Georges Gruauxdemer, un héros qui avait la capacité de voler dans les airs au moyen d’un prototype d’aéroplane géostationnaire. À cet instant, la “Printemps” avait pris les armes, décidée à venger son compagnon de l’attaque sournoise d’un sturmstukka, drone de défense aérien ».

— Oui, oui, merci… On fait ce qu’on peut pour rester en vie, et pas plus moi que quelqu’un d’autre !

Elle ramassa son dispositif, un petit cube noir, qu’elle rempocha en vitesse.

— C’était quoi cet engin ? demanda Sacha subitement curieux. Et comment tu as réussi à…

— Je te l’ai dit mon ami. Je t’ai poussé pour attirer son attention. Ça m’a laissé le temps de faire glisser la mine sous le sturmpanzer, et la déclencher.

Elle ressortit la boite de sa poche et, pensive, en caressa les arrêtes.

— C’est une mine Camélia ! continua-t-elle. C’est l’invention d’un ami, Percy Spencer. Il est mort à présent…

— Désolé pour vous, répondit-il sans grande conviction. Et comment ça fonctionne ?

— Bah ! Quand je déclenche la mine, un flux de micro-ondes ultrasoniques est dirigé vers le haut. Ça fait bouillir les liquides et ça provoque des vibrations dans les métaux. Du coup, le sturmpanzer se déglingue et le pilote meurt ébouillanté de l’intérieur.

— Mais ! C’est génial ça ! Pourquoi ne pas l’utiliser pour tous les détruire ?

Yvonne regarda son interlocuteur avec une drôle d’expression. Sa moue exprimait quelque chose comme « t’es bête ou tu le fais exprès ? ».

— Le flux a une portée d’un mètre cinquante. Tu penses bien que je n’aurais pas attendu ta brillante suggestion pour faire le nécessaire si c’était possible ! Au fait, qui es-tu ?

— Soldat Guiltry ! brailla l’homme par automatisme en se mettant au garde-à-vous.

— Ravi de te connaitre, soldat ! Tu m’excuseras mais la guerre m’appelle et je dois repartir.

Yvonne replaça son masque modulateur de voix tout en articulant sa dernière phrase. Elle fit un salut de la main, avant de tourner les talons.

— Pourquoi vous portez ce masque qui dissimule votre visage ? demanda Sacha, visiblement ennuyé de devoir se retrouver seul.

La femme s’arrêta. Elle semblait hésiter à poursuivre sa route ou répondre à l’interrogation.

— En général, les femmes préfèrent être belles plutôt qu’intelligentes, articula-t-elle dans son modulateur. On dit toujours que chez les hommes, il y a plus d’idiots que d’aveugles.

Elle ria nerveusement en disant cela, les yeux toujours fixés sur la sortie.

— Mais ça, c’était avant ! continua-t-elle en se retournant brutalement. Quand mon seul désir était de plaire ! Malheureusement, les zale-ments se moquent de savoir si je suis un homme ou une femme. Alors, je porte ce masque car il me protège, et il me permet de me défendre !

— De vous défendre ?

La « Printemps » cria très brièvement dans son appareil, produisant un son atroce qui fit s’entrechoquer les dents du soldat. Groggy et désorienté, il lui fallut plusieurs secondes pour reprendre ses esprits. Il se tint la tête en regardant la femme, plein de curiosité et d’admiration dans les yeux.

— Désolée encore une fois... J’ai pensé qu’une petite démonstration serait plus éloquente qu’un long discours.

— Mais… Mais… c’est prodigieux ce truc ! Comment vous faites ça ? Je suis encore à moitié étourdi. Ça fait le même effet sur les Sturmtrupper ?

— Oui, le même effet. Mais là encore, la portée est très limitée. En fait c’est juste ma voix quand je crie dans les aigus. Modulée par l’appareil que je porte, ça provoque des fréquences assommantes. Je l’ai découvert un peu par hasard, alors que mon seul désir était, à l’origine, d’essayer d’impressionner l’ennemi.

Une idée lumineuse traversa l’esprit de Sacha. Son cerveau fut rapidement inondé d’un flot indistinct de calculs et possibilités. Face au mutisme du soldat, Yvonne considéra qu’il était rassasié d’explications et se décida à se mettre en marche.

« L’idée qui germait dans l’appareil cognitif de l’homme était un moment clé.

Ses hésitations dues à son manque d’intelligence faillirent coûter l’aboutissement de tous ces évènements. Heureusement, un regain de lucidité le frappa tout à coup, le sortant de la torpeur dans laquelle il s’était enfoncé, en dépit de son destin qui s’éloignait.

Bien que cela puisse sembler absurde, notons qu’il est envisageable de penser que Sacha Guiltry, et ses semblables, étaient dans l’incapacité de comprendre le sens du destin et la manière de le contrôler ».

 

Ayant trouvé une issue à ses hypothèses, l’homme prit conscience qu’il était seul dans la pièce. Il traversa les couloirs et se dirigea rapidement vers la sortie, examinant les alentours à la recherche d’Yvonne.

— Madame Printemps ! s’égosilla le soldat en tâchant de rester discret.

Sacha la rattrapa alors qu’elle était déjà de l’autre côté de la rue, à deux doigts de disparaître à un angle. Elle lui fit signe de se taire et de se dissimuler contre un mur, dans l’ombre d’une façade démolie.

— Quoi encore ?! s’impatienta la dame.

— J’ai eu une idée qui pourrait bien changer les choses ! Avant d’être soldat, j’étais ingénieur du son. Si le lieutenant Moreau est toujours vivant et au camp de base, à nous deux on pourrait sans doute coupler votre modulateur avec un amplificateur longue portée.

— Le lieutenant qui ? Un… quoi ?

— Le lieutenant Jean-Luc Moreau. On l’appelle « l’Illusionniste ». Le mois dernier, il avait récupéré les pièces d’un sturmstukka abattu, et il avait réussi à en faire un brouilleur d’ondes.

La femme ne semblait pas très convaincue, arguant qu’elle n’avait pas le temps. Ils argumentèrent quelques minutes. L’enthousiasme du soldat finit par l’encourager à le suivre. Sa mission d’observation quotidienne allait devoir attendre…

Arrivé au camp de base sans encombre, bien que celui-ci étant dans un piteux état, l’Illusionniste était bel et bien vivant. Sacha fut reçu en héros pour avoir réussi à éloigner le sturmpanzer au péril de sa vie, et plus encore lorsqu’il annonça à ses compagnons que celui-ci avait été détruit grâce à l’aide de « Printemps ». Exaltés par la présence de la légende vivante, les soldats étaient prêts à en découdre, décidé à aller débusquer l’ennemi sur son propre terrain, quitte à ce que ça soit aussi efficace qu’un suicide de moustique sous une savate.

Pendant que les plans s’échafaudaient, Sacha et Jean-Luc démontèrent, bidouillèrent, soudèrent, recommencèrent, testèrent. Tant et si bien qu’en fin de journée, une nouvelle arme fut inventée. Celle-ci couplait le démodulateur avec le magnétron de la mine camélia, une radio longue fréquence et une tripotée de piles électriques au mercure branchées en série, contenues dans un gros sac à dos. Le système de démultiplication de la puissance magnétron et les effets produits par les ondes sonores incitèrent les deux soldats à baptiser leur invention le « cri Camelia-mélia ».

Survoltés à l’idée de mettre une bonne branlée à l’ennemi, les sept soldats survivants se mirent en marche vers la première place forte des Zale-ments. Yvonne Printemps en tête, ils arrivèrent rapidement en vue d’un camp encerclé de miradors mobiles. Il était situé juste au pied d’un bâtiment religieux complètement détruit. De cet emblème d’architecture part-rizien, il ne subsistait plus que le vestige d’un double clocher.

Après une bataille épique très rapide, les soldats exultaient de joie. En un seul cri continu, qui balaya la surface de la place fortifiée, tous les Zale-ments furent anéantis, en même temps que leurs machines de guerre. Il n’en restait plus qu’un tas de ferrailles et de cadavres informes. Malheureusement, l’intensité de ce cri avait irrémédiablement détruit l’arme secrète.

Yvonne, la voix éteinte par cet effort de vocalise, s’éloigna de quelques mètres pour ramasser un drapeau tricolore à moitié déchiré. Au centre du camp adverse, elle escalada un monticule de sturmpanzer disloqués et, sous les acclamations de ses compagnons, fière de cette victoire, elle arbora le drapeau au-dessus de sa tête, pleurant à chaudes larmes.

Ce geste, au demeurant anodin dans les immensités, fit basculer le cours du temps. Galvanisé par la légendaire « Printemps », les autochtones décidèrent de s’organiser et de s’allier aux forces militaires de la coalition. Ce revirement permit de vaincre les Zale-ments et leur soif de destruction. C’est ainsi que cette fresque, représentation de la liberté triomphant sous le joug de l’oppresseur, fut vénérée pendant des siècles.

*

D’un coup de flagelle sensoriel, BroZOk-Tk-LeKM BleUUunr stoppa la narration automatisée ainsi que la séquence d’immersion psychique. Les paysages multidimensionnels s’estompèrent pour laisser un grand cadre luminescent à hauteur de son appendice cognitif.

Il resta immobile un temps incertain, incapable de comprendre l’intérêt de s’entre-détruire. Décidément, la logique primitive lui échappait complètement, bien plus encore que le séquençage sub-protonique dans le processus de décombinaison moléculaire multiversel qui lui permettait d’être ici et ailleurs, tant le moment immédiat que le moment nonmédiat.

Originaire de Mreultrioc, planète n’abritant que la quintessence de l’intelligence et la sagesse, il restait dubitatif devant tant d’incompréhension. Il n’avait pas assimilé grand-chose à l’exposé omni-dimensionnel que l’avatar d’archiviste avait récité en l’immergeant dans la scène comme un spectateur. Déjà, ces êtres bipèdes étaient tellement affreux et informes, comment pouvaient-ils avoir une quelconque importance au sein de l’univers ? Cela dit, le sage BroZok avait une admiration sans limite pour le travail des techno-archéologues. Le rendu de ces scènes était remarquable de réalisme. Il ne pouvait pas s’empêcher de s’extasier et se demander d’où pouvaient provenir toutes ces informations, complètement hors de portée et du temps. Dès que le moment serait propice – maintenant – il poserait la question au conservateur – qui lui répondit sans émotion que c’est classé « secret universel ».

Décidé à continuer sa visite, il regarda une dernière fois le support de la scène omni-dimensionnelle, reproduite à partir d’une peinture détruite depuis des millénaires quelque part dans l’univers. Sous la fresque graphée de jolis coloris, une plaquette holographique faisait défiler une explication simultanément dans les 81 langages galactiques.

« Yvonne guidant le peuple »
Homo sapin - Terra Gaga, secteur gk5-96, 4e concentrique éllipsoïde, Bounty,
Grand amas de la verge.

Dans un bruissement spectral et tentaculaire, BroZOk-Tk-LeKM BleUUunr se matérialisa dans une autre alcôve, devant une fresque représentant un nuage de gaz pourpre et annoté de l’explication « Izbimaïur, entre-monde ».

Il enclencha l’immersion, poursuivant sa visite du musée PICDis, Patrimoine Interstellaire des Civilisations Disparues.

 

FIN

 

Ou en PDF http://www.phenixweb.info/sites/default/files/la-legende-vivante-Daniel-...

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