Commando des Immortels (Le)

Le lauréat du « Prix Bob Morane » décerné au meilleur roman francophone de l’année 2009 tient toutes ses promesses - voire davantage ! Il faut dire que l’idée servant de base au récit est particulièrement ingénieuse : et si, en lieu et place des Amérindiens tels que nous les connaissons, les premiers habitants du Nouveau Monde avaient été des Elfes ? Oui, des Elfes - comme dans « Le Seigneur des Anneaux »… Eh bien, nous dit l’auteur, les Etats-Unis auraient abrité sur leur territoire une vaste réserve, le Sylvaniel, regroupant les derniers représentants de cette espèce mythique, parqués comme le sont aujourd’hui les peuples d‘origine du continent.

Citoyens de seconde classe amassés dans cet espace ouvert, ils auraient toutefois gagné grâce aux yeux du gouvernement fédéral au moment de la Seconde Guerre mondiale, à l’instar de ce qui s’est déroulé dans notre réalité quand a éclaté le conflit contre l’armée japonaise dans le Pacifique (cf. « Windtalkers » de John Woo). De manière à lutter efficacement contre l’avancée des troupes nippones à travers la jungle birmane, des émissaires de l’armée US viennent en effet quérir le soutien de ces êtres aux oreilles pointues, en échange d’excuses publiques relatives au traitement qui leur a été réservé et de la fin de la discrimination les frappant.

Les Elfes, d’abord réticents, finissent par accepter la proposition qui leur est faite. A une condition, toutefois : qu’un certain gentleman britannique amateur de linguistique, écrivain à ses heures perdues, accompagne le commando qu’ils s’apprêtent à détacher pour combattre aux côtés des Alliés. Un certain… John Ronal Reuel Tolkien !

L’objectif de la petite troupe qui va s’enfoncer dans les profondeurs inhospitalières du labyrinthe végétal infesté de soldats japonais, mélange d’Américains, de Britanniques, de Birmans et d’instructeurs elfiques, va consister à pénétrer derrière les lignes de défense de l’ennemi de manière à le harceler de l’intérieur, à désorganiser son avancée implacable en direction de l’Inde coloniale. Le groupe hétéroclite va tout d’abord devoir apprendre à fonctionner de manière cohérente, les traditions militaires de ses différentes composantes variant considérablement. Le contact établie par les Elfes avec leur environnement naturel, avec les plantes, les animaux, sera crucial au bon déroulement de la mission.

Mais il va bientôt s’avérer que les Japonais ne sont peut-être pas la pire menace à laquelle la troupe va devoir se confronter. Au plus profond de la jungle sommeille en effet une menace terrible qui va bientôt s’abattre sur Tolkien et ses compagnons…

Christophe Lambert joue habilement avec les multiples niveaux de lecture de son récit. Concentré en un seul roman, nous avons ici une intrigue : médiévale-fantastique, militaire, intertextuelle, science-fictionnelle… Les va-et-vient constants opérés entre le déroulement de l’histoire d’une part et les échos qu’il trouve dans l’œuvre de Tolkien d’autre part sont effectués avec maestria. De surcroît, les références cinématographiques et littéraires abondent et nous entraînent vraiment au cœur des ténèbres…

Un très bon roman, donc, distrayant et bien écrit, qui se dévore à pleines dents.

Christophe Lambert, Le Commando des Immortels, 339 p., Fleuve Noir