Espaces insécables

Second recueil de nouvelles d’une auteure d’autant plus précieuse que rare. Déjà Le Miroir aux éperluettes, paru aux mêmes éditions en 2007, avait frappé et subjugué les amateurs de science-fiction subtile, poétique, les amateurs aussi d’un style délicat plus accolé à la fantasy qu’à la SF. Et qui surprit.

Ils seront tout aussi ravis par ce deuxième ouvrage de cette incomparable orfèvre française de l’Imaginaire qu’est Sylvie Laîné. « Mondes si fluctuants, si légers » comme les décrit pertinemment l’excellente préfacière Catherine Dufour, ces récits enchanteront ceux qu’émerveillent la beauté du style. Car elle écrit admirablement. Mais au-delà de cette beauté, indéniable, Sylvie Laîné crée des univers non pas fantastiques, mais fantasmagoriques plutôt, ce qui est assez rare en SF. Et puis, les idées sont fulgurantes. Dans Carte blanche, nouvelle initiale, le lecteur découvre ainsi un univers régi par un jeu de cartes distribué à tous régulièrement. Il s’agit d’un monde qui déteste la stabilité et les habitudes : tous modifient donc constamment leur comportement, d’après les cartes distribuées (tant au niveau professionnel que privé). Le slogan est : « L’imprévu est bienvenu ! ». Cet univers, inscrit dans une thématique d’Arche, se poursuit dans Le chemin de la rencontre, où les passagers accostant une planète accueillante mais aux natifs fort mystérieux, ne peuvent pas toujours résister à l’attrait irrésistible de l’étrangeté. Très plaisante, la nouvelle intitulée Partenaires, assez brève, mélange imagination et informatique, et doit être chère à son auteure, si proche de cette problématique. Un petit joyau. Dans Le passe-plaisir, un voyageur de 2025 déboule en 2100 et, comme dans Carte blanche, découvre les amusements de cette époque nouvelle, qui ’élabore sa programmation’. Brillant et ... émouvant. Définissez : Priorités (ou Aïda sur Neptune) est assez technique mais contient de jolies allusions musicales. Le recueil termine idéalement par Subversion 2.0, troublante et fragile histoire de double, dans lequel Laîné allie parfaitement SF et fantastique, ce qui est rare, et qui démontre un art suprême de la suggestion adaptée à de bien simples comportements humains.

Ces nouvelles étaient parues dans des revues (hormis Le passe-plaisir), et Le chemin de la rencontre avait obtenu le prix Rosny Aîné 1986. Et les espaces insécables, me direz-vous ? Ils sont là pour vous, car c’est vous qui vous introduirez dans la petite musique de Sylvie Laîné. Elle paraît légère, mais c’est une légèreté adorable, comme une scène venue du passé des Lumières aux croisées des élans du futur.

Sylvie Laîné, Espaces insécables, Editions ActuSF, Les Trois Souhaits, Lyon 2009, couverture de Gilles Francescano, 113 p., 8 €.