Kalpa Impérial
Voila un livre qu’on classe sans hésiter fiction spéculative, mais qui, pas plus que Les soldats de la mer d’Yves et Ada Rémy, La horde du contrevent, d’Alain Damasio, ou les Histoires orsiniennes d’Ursula Kroeber Le Guin – qui en a d’ailleurs assuré la traduction et la promotion aux États-Unis – ne saurait être classé fiction scientifique. Est-il besoin de rappeler que l’appellation SF couvre toutes ces œuvres, bien mieux que l’appellation fantasy, même prise au sens anglais ?
Cela fait vingt ans que, l’ayant lu en version originale, j’en réclamais la traduction en français car, comme les titres précédemment cités, il s’agit d’une œuvre majeure de la littérature mondiale. Angélica Gorodischer a d’ailleurs été sacrée en 2011 World Master of Fantasy (au sens anglais du terme). Il serait bien sûr utile, voire nécessaire, que ses autres œuvres soient elles aussi traduites.
De quoi s’agit-il ? D’une suite de contes plus ou moins intemporels sur un Empire qui est le plus grand qui n’a jamais existé ; un Empire qui inclut ou exclut suivant les époques ce Sud qui représente le reste du monde, dont les richesses et les techniques ne sont jamais vraiment précisées, dont les mœurs et les noms des Empereurs semblent alterner des références aux différentes civilisations de notre monde. Le narrateur (est-ce toujours le même) semble s’adresser à un public de son monde, qui connait vaguement histoires et légendes de l’Empire, et il ne cesse de leur répéter qu’il veut, d’abord, rétablir la vérité là où la légende et l’opinion publique gardent des images fausses. Il semble donc que dans ce monde les conteurs soient les gardiens de l’Histoire, plus encore que les bibliothèques auxquelles il est rarement fait allusion.
Au-delà des récits, des portraits, des histoires et des affirmations de vérités qu’il révèlerait, le (ou les) conteur(s) prétend(ent) révéler le cœur de la pensée, de l’âme humaine. Voila pourquoi, comme les autres versions citées de cette même quête, ce livre appelle à la réflexion et, en même temps, à l’émerveillement. Le dernier conte du livre est truffé d’allusions évidentes aux légendes anciennes et modernes, en particulier à Hollywood. Comprendre, mais aussi réenchanter le monde, sans en appeler à un dieu omnipotent ou à des magiciens, n’est-ce pas le rôle même de la SF ?
Kalpa Impérial d’Angelica Gorodischer, traduit par Mathias de Breyne, La Volte, 2016, 246 p., couverture de Stéphane Aparicio, ISBN 978-2-37049-040-7
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