Jane Eyre

Orpheline dès son plus jeune âge, recueillie par une tante qui la maltraite, Jane Eyre est envoyée à dix ans en pension, dans l’hostile institution de Lowood. Malgré une enfance malheureuse, puis une éducation rigide, Jane Eyre s’adapte.

Avide de connaissance et désireuse d’apprendre, elle étudie sans relâche et devient institutrice, avant d’être engagée comme gouvernante au château de Thornfield. Là, au cœur de la campagne anglaise, dans l’austère bâtisse où elle est chargée d’instruire la jeune Adèle, elle tombe éperdument amoureuse du riche et noble Edward Rochester, le propriétaire des lieux. Un sentiment qui paraît réciproque. Mais Thornfield et son maître abritent un lourd secret, et les obstacles seront nombreux.

Les éditions Hugo ont pris la décision de publier de grands classiques de la littérature romanesque, plusieurs titre sont déjà concernés : Orgueil et Préjugés, Raison et sentiments, Les hauts de Hurlevent, Emma, Les liaisons dangereuses ou encore La princesse de Clèves… Pari audacieux puisque la tendance actuelle chez les lecteurs n’est pas de se tourner aisément vers ces textes qui peuvent paraître austères voire désuets.

J’ai choisi pour aborder cette collection l’un des romans qui a bercé mon adolescence. Lu maintes et maintes fois quand j’avais entre 14 et 20 ans , je lui gardais une affection toute particulière tant j’en avais un souvenir aimant. J’en avais l’image d’un récit puissant, d’une grande intelligence, d’une justesse incroyable avec de vibrants accents gothiques emplis des mystères planant sur la campagne environnant le Château de Thornfield. Allais-je retrouver cette puissante amitié de jeunesse ?

Jane Eyre est cette jeune fille que nous redoutons toutes être alors que nous rêvons toutes être la femme qu’elle deviendra. Une enfance abominable frappée par le drame terrible de la perte de ses deux parents (Charlotte avait perdu sa mère très jeune), suivi par le placement chez une tante haineuse et perfide qui chaque jour, chaque minute, lui prouve son désamour. L’échappatoire qui se traduit par l’envoi dans un pensionnat froid et mal entretenu où les règles très dures rythment les journées et forment les caractères, où le froid et la malnutrition malmènent les corps. Un lieu austère où naît le sentiment humain le plus pur : l’amitié. Malheureusement la mort guette toujours et vient de nouveau priver Jane Eyre de ce précieux soutien. Puis vient le répit, les années plus sereines durant lesquelles Jane exerce son métier d’enseignante et en retire de nombreuses satisfactions. Son entrée dans l’âge adulte lui apporte alors la passion, une passion qui donne enfin un sens à son existence. Le destin lui réserve alors bien des rebondissements avant une conclusion que je ne dévoilerai pas mais qui ne laissera personne sur sa faim.

Elise Ouvrard, maître de conférence à l’université de Caen, a produit une excellente thèse portant le titre Jane Eyre : roman de formation ou roman de quête ? En effet, la force de cet ouvrage est qu’il est en grande partie inspiré de la vie de l’auteur : une enfance dans une famille modeste, le décès de sa mère d’un cancer de l’estomac alors que Charlotte n’a que cinq ans, la mort de ses deux sœurs aînées emportées par la tuberculose comme l’amie de Jane, Helen Burns, et pour les mêmes raisons, un pensionnat trop rude où règnent de mauvaises conditions de vie… Charlotte comme Jane embrasse la carrière d’enseignante, elle rencontre un mentor plus âgé qu’elle à qui elle voue une immense admiration mais qui est marié et repousse sa passion … Il en résulte une œuvre puissante développant des accents de vérité indéniables et révèle une destinée incroyable pour cette jeune héroïne qui force l’admiration.

Je remercie les Editions Hugo d’avoir choisi ce monument de la littérature anglaise et de l’avoir remis en lumière. Après 30 ans sans m’y être replongée j’ai pu apprécier son encore grande fraîcheur et cette histoire passionnante qui n’a pas pris une ride.

Jane Eyre par Charlotte Brontë aux éditions Hugo poche, ISBN 978-2-7556-4803-4, prix 8,50 €