Homme sans horizon (L’)

Auteur / Scénariste: 

Coutumier des itinérances, en arpenteur inspiré qui ajuste sur tel ou tel coin de la planète sa lorgnette poétique, Joël Gayraud explore la carte du monde en quête d’axes ouverts, mais se heurte à ses clôtures géographique, historique et écologique. Le bilan du khâgneux devenu traducteur romaniste se dresse ici en appui sur des références universitaires balisant le chemin parcouru depuis l’annonce hégélienne de la fin de l’histoire – annonce comme on sait déçue. Sous nos regards révoltés ou résignés selon, l’horizon de l’humanité en ce commencement de XXIe siècle se rétrécit de plus en plus.

Dans les faits, cette fermeture opère de façon pléthorique : saturation spectrale dans une civilisation de l’image dénuée d’imagination, alors que cette dernière, notamment par sa qualité transductive, est éminemment créatrice. Etendue du contrôle biométrique dans une société civile largement complaisante qui applaudit au mirage cybernétique, quand ce n’est pas au fantasme transhumaniste entre autres messianismes chimériques glorifiant la techno-structure. Dérive du matérialisme historique, naufrage de l’illusion positiviste, terrorisme des idéologies totalitaires, et néant axiologique de la conscience politique. Anomie de l’individu précipité dans un narcissisme iconique sclérosant et lâché par un Etat-Providence en banqueroute. Disqualification des démocraties soumises à la loi du capital au point que l’auteur ne peut envisager une sortie du capitalisme qui ne soit pas métapolitique…

Si l’état des lieux est bien sombre, il n’apparaît pas sans issue à condition de prendre sans tarder des mesures pour revisiter les utopies anétatiques à la Fourier et évacuer l’imposture capitaliste. Et l’auteur ce faisant de mettre en garde contre les sirènes de l’anarcho-primitivisme et autres leurres d’un greenwashing opportuniste.

Enfin relancer l’horizon, c’est réinventer des possibles, un champ de prédilection pour la poésie. Aussi s’agit-il ici de permettre que se manifeste quelque chose comme, selon la formule du poète Luca, « la réalité incandescente du devenir ».

Une somme érudite sert solidement le propos, dont la densité ravira les lecteurs rompus aux codes de l’éloquence universitaire, tant en termes de trame architecturale que de docte rationalité.

 

L’homme sans horizon, par Joël Gayraud, Libertalia, 18 €

Type: