Dune

Le sablier des rêves, l’épice du temps…

Un grain de sable enraie la logique universelle.

S’il est un livre d’actualité au moment du Grenelle de l’environnement, c’est bien Dune de Frank Herbert, un roman qui se base sur le système écologique d’une planète. Rude leçon de survie à notre intention.

Dune : une bible. Quelques milliers de pages pour s’enrêver loin. Se noyer dans le feu liquide de l’iris des Fremens, le peuple d’Arakis, la planète de sable. Un regard brûlant comme un soleil bleu.

Celui qui lit « Dune » accepte de devenir « Fremen ».

Peu à peu, au fil des pages, on apprend à marcher dans le sable des dunes sans attirer l’attention des vers géants.

La gorge se dessèche. Mais sur Arrakis, l’eau est plus précieuse que l’or … La soif s’étanche avec les eaux de votre propre corps. Votre eau recyclée par le « distille », la combinaison de survie des Fremens. Sur Dune, on ne dit pas « tuer » mais prendre l’eau.

Pour se déplacer, on chevauche les vers géants après avoir été initié en absorbant le mélange : l’Epice.

Seules les révérendes Mères des Fremens connaissent le secret de l’Epice, la drogue la plus convoitée de toute la galaxie. Le mélange, l’Epice, qui donne la préscience, qui aiguise les perceptions, provoque la distorsion de l’espace-temps, allonge la vie et embrume les regards.

Tous les pirates de l’espace, les roitelets de l’Empire veulent s’approprier Dune pour détenir le Pouvoir de l’Epice.

Les femmes, putains royales, nonnes, princesses ou guerrières Fremens sont les égales des hommes même si ceux-ci ne le savent pas.

Le BENE GESSERIT, une société féminine secrète manipule les rois et les planètes comme les pièces d’un échiquier et réinvente la légende tout en attendant la venue du Messie, espérée et redoutée : le Kwisatz Haderach…

Le cycle de Dune, comme la bible, contient tous les savoirs : la théologie, la génétique, la physique, l’écologie, la sociologie, l’art…

Dune, c’est un univers à part entière. Un monde à la mesure des rêves. Et tous ceux qui se sont attachés à transcrire Dune en images, bande dessinée ou cinéma, ont abandonné devant l’ampleur de la tache. Comme Jodorowski (scénariste, cinéaste et écrivain) qui s’est investi pendant près d’une décennie avec Moebius, contactant Dali, les Pink Floyds… Le projet n’aboutira pas mais l’expérience sera enrichissante. Jodorowski et Moebius l’ont vécu comme une initiation. Finalement David Lynch adaptera la première partie de Dune au cinéma. Il échouera dans sa quête –faute d’avoir le « final cut- décevant tous les lecteurs fremens qui n’ont pas reconnu leur univers.

Dune, c’est plus que de la littérature, c’est comme la Pierre philosophale. La lecture de Dune vous transforme. Il y a plusieurs niveaux de lectures, différentes approches mais Dune ne laisse pas indifférent.

Dans le mouvement général des idées, Dune est arrivé au bon moment. Pourtant les éditeurs américains sont réticents. En 1965, la science-fiction était en pleine évolution, cherchant d’autres orbites à parcourir, elle devenait une littérature adulte et révolutionnaire. Les enfants de la Deuxième Guerre mondiale remettaient le monde en question aux quatre coins de la planète terre. Avec Dune, ils découvrent la notion de conscience planétaire, l’écologie, les dangers de l’intégrisme (vous me direz, la leçon n’a pas été retenue par certains).
Les enfants de Dune seront tolérants. On finit par le leur reprocher actuellement.

Dune recevra le Nébula et le Hugo en 1965, les principaux prix de la littérature de science-fiction. Les lecteurs apportent leur contribution à ces prix ce qui leur donnent infiniment plus de valeurs que nos prix littéraires en France.

Mais qui a imaginé cet univers à part entière ?

Frank Herbert, né en 1920 dans l’état de Washington. Universitaire, il exerce plusieurs professions : journaliste, présentateur radio, caméraman, plongeur sous-marin, psychanalyste… Et finalement écrivain.

Frank Herbert n’a commis qu’une erreur de mon point de vue. Après avoir bouclé le cycle de Dune : Dune, Le messie de Dune et Les Enfants de Dune … il écrira une suite à la demande des éditeurs plus enthousiastes qu’au début. Hélas, les suites ne sont que du space-opera sans plus. C’est déjà pas mal, me direz-vous, mais forcément, j’en attendais beaucoup plus. La plume a été reprise par son fils qui écrit la pré-histoire de Dune.

Après le succès de Dune, Frank Herbert se replie sur lui-même, transformant sa maison en un laboratoire écologique où il vécut en autarcie, relié au monde par son ordinateur. Sans doute un effet de l’Epice des Fremens, la conscience que la planète allait surchauffer…

Après Dune, Frank Herbert écrivit d’autres œuvres de science-fiction intéressantes : Destination vide, L’incident Jésus, Dosadi et L’étoile et le fouet.

A travers La mort blanche, il évoque le terrorisme bactériologique, une politique fiction qui donne le frisson et qui est dans notre actualité.
Mais Dune reste son œuvre majeure. Ce roman est l’un des piliers de la science-fiction, l’un des romans qui a modifié la perception de l’univers pour de nombreux lecteurs. Et de nombreux créateurs ont apporté leurs rêves, peintres, musiciens, dessinateurs, cinéastes, écrivains.

Une fois qu’on a goûté la saveur de l’épice, on est différent.

Dune, Franck Herbert, Pocket