Futu.Re

Parce que je venais de le lire et parce que le scénario annoncé en quatrième de couverture semble s’y limiter, j’ai cru pendant une grosse partie de ma lecture que ce roman reprenait, essentiellement, le thème du Travail du furet, de J-P Andrevon : une Europe surpeuplée (et barricadée comme chez Philippe Curval), des tours géantes manière Monades urbaines (mais entre lesquelles on circule), et la Phalange, police spéciale chargée de débusquer les contrevenants à la loi du Choix, qui impose une mort pour chaque naissance dans un monde où le vieillissement a été vaincu. Et le héros, membre de la dite Phalange, qui tombe amoureux d’une de ses cibles...

Mais, alors même que le début du livre semble développer ces thèmes déjà connus, des indices de thèmes différents s’entremêlent et vont devenir les thèmes réels du roman : d’abord l’histoire personnelle du héros, Jan alias Matricule 717, qui a vécu son enfance dans un orphelinat d’État et qui, en même temps qu’il revit son passé, va découvrir le secret de sa naissance et pourquoi le sénateur Schreyer s’intéresse à lui et lui confie des missions secrètes contre un activiste du Parti de la Vie. Ensuite, par petites touches au début et de manière de plus en plus nette, la réapparition de la religion chrétienne et une conversion progressive du dit héros, qui l’amènera à vivre sa propre Passion, véritable objet de cette lente gradation.

De fait ce roman est plus que la description d’un monde sans doute impossible avec 120 milliards de Terriens, certains étant immortels (en Europe, le traitement est donné à tous, seuls les contrevenants à la Loi du Choix sont condamnés à vieillir et disparaître en dix ans ; dans d’autres pays, seuls les plus riches, ou les gouvernants, en disposent). C’est l’histoire de la quête personnelle de Jan qui, d’une part, lui permettra de comprendre sa propre histoire, d’autre part en fera la figure christique du roman. Lequel est donc, avant tout, une Passion moderne. Il faut, AMA, le lire comme tel et non comme une dystopie caricaturale...

Futu.Re, de Dmitri Glukhovsky, traduit par Denis E. Savine, L’Atalante, coll. La Dentelle du Cygne, 2015, 726 p., couverture de Raphaël Desfossez, 25€, ISBN : 9782841727292