Fille du chaos (La)

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À la fois choquant et noir, subversif et dérangeant, humaniste mais d’une façon paradoxale : voilà un roman qui ne laisse pas indifférent. Sous le qualificatif de « spiritual mystery » employé par l’auteur lui-même se cache un thriller philosophique qui balaye d’un souffle tous les clichés trop lisses d’un Japon politiquement correct.

L’histoire mêle habilement le destin de trois personnages : Naruhiko, un adolescent atteint du syndrome de narcolepsie, héritier d’une tradition chamanique transmise par sa grand-mère paternelle originaire du Hokkaido ; Mariko, une lycéenne tout ce qui a de plus ordinaire qui se retrouve kidnappée, séquestrée et abusée ; et enfin Sanada, professeur de littérature sans éclat qui nourrit une rancune profonde contre la société.

Tandis que nous suivons les tribulations de Naruhiko qui retourne sur la terre de ses ancêtres pour y suivre une éprouvante initiation, Mariko échappe à son tortionnaire et se retrouve happée par la violence des bas-fonds de Tokyo. Le sang coule à flots, avec un petit côté « gore » qui ne déplaira pas aux amateurs du genre. En ce qui me concerne, j’ai eu un peu de mal avec cette première partie où les violences et les perversions sexuelles s’accumulent sans répit. Mais arrive le tournant de l’histoire, et comme le dit si bien le professeur Sanada à la fin, « il faut bien que quelqu’un paye pour ces crimes ».

De victime, Mariko se transforme en machine à tuer, tandis que Naruhiko explore les limites de son pouvoir. Les passages qui racontent son initiation chamanique mêlent le fantastique à des faits qui semblent bien documentés. L’auteur réussit à nous faire entrevoir l’histoire de cette partie reculée du Japon, voisine de l’île Sakhaline, sans nous faire perdre une seconde le fil du récit.

Entre alors en scène le professeur Sanada, dont on ne sait s’il est un ange gardien ou un ange de la mort. À partir de ce moment, on comprend que l’objet du roman n’est pas tant de faire un catalogue des perversions les plus sordides de la société japonaise, mais bel et bien d’utiliser le « trash » pour éveiller le lecteur. Une violence cathartique, en quelque sorte, pour mieux dénoncer la corruption d’une société d’apparence si lisse et ordonnée. Ainsi, on se prend à rêver avec Sanada de vengeance et de justice, même si, comme il le dit lui-même : « Je ne me considère pas comme un héros, ni comme le prophète d’un monde meilleur. Je suis simplement quelqu’un qui prend plaisir à déranger l’ordre établi ».

Naruhiko réussira-t-il donc à sauver Mariko ? Sanada ne va-t-il pas abuser d’elle d’une manière encore plus atroce que celle de tous les criminels qu’elle aura croisés sur son chemin ?

Les réponses vous seront données dans un final explosif.

 

Un roman révolté, ambigu, « antisocial », complètement dans l’air du temps.

 

La fille du chaos par SHIMADA Masahiko, Le Livre de poche/ Wombat

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