Family Portraits

Réalisateur: 

Voyage au bout de l’Enfer


Family Portraits est incontestablement une incroyable expérience cinématographique déstabilisante, voire même parfois carrément à la limite du supportable, mais qui fait forcément réfléchir sur la nature humaine.

Contes de la folie ordinaire

Family Portraits regroupe trois histoires différentes (Cutting Moments, Home et Prologue), qui ont pour point commun la détresse humaine, et dresse plusieurs portraits fous, dérangeants et oppressants d’une Amérique qui a sombré dans la violence et le désespoir tout en recherchant obstinément un salut expiatoire.

Dans la 1ère histoire, une femme, qui ne peut supporter que son mari ne la remarque plus au fil des années, en arrive à se mutiler rien que pour attirer l’attention de l’homme qu’elle aime plus que sa propre vie. Dans la 2ème, un père de famille, aliéné par sa vie conformiste, finit par brusquement décimer sa famille au petit-déjeuner. Dans la dernière, une adolescente défigurée, amputée de ses deux bras et clouée dans un fauteuil roulant, tente de régler ses comptes avec l’homme responsable de ses infirmités et du grave traumatisme qu’il lui a fait subir.



État de choc

Tous les principaux protagonistes de ces trois histoires souffrent d’un profond mal-être ressenti par eux en silence, depuis plus ou moins longtemps. Cette intense souffrance, refoulée au plus profond d’eux-mêmes, s’est accumulée jusqu’à ce que la pression soit trop forte. La seule façon alors pour eux de l’exprimer consiste dans le passage à l’acte qui les rend capables et coupables des pires atrocités. Leurs émotions s’expriment ici au travers de non-dits et des expressions des visages qui sont d’ailleurs bien plus éloquents que ne le seraient d’interminables dialogues. Ces trois portraits révèlent les faux-semblants et dévoilent la face cachée de la “normalité” en décrivant une indicible angoisse existentielle poussée à son paroxysme.

Si le scénario livre quelques pistes sur le passé des personnages et sur ce qui a bien pu les pousser à de telles extrémités, il ne fournit toutefois volontairement pas de réelles explications et encore moins de quelconques justifications à de tels actes. Il ne porte pas non plus le moindre jugement sur le comportement de ces êtres à la dérive. C’est là, tout à la fois, ce qui dérange le plus et ce qui fait la force incroyable de ce film hors du commun car le spectateur se retrouve, du coup, dans une situation très inconfortable face à de multiples interrogations.

Sans qu’on lui apporte d’explication “rationnelle”, le spectateur se voit proposer une image de plusieurs “Mr et Mme tout-le-monde” qui, petit à petit, s’enfoncent dans l’horreur absolue alors qu’ils continuent toutefois à montrer à leur entourage leur apparence habituelle. Sans pouvoir justement se raccrocher à une véritable explication (ce que Douglas Buck se refuse, par principe, à donner), le spectateur est alors confronté à la question ultime : si des personnes apparemment “normales” sont capables de déraper à un tel point lorsqu’elles se retrouvent dans un contexte particulier, qu’est-ce qui pourrait alors, dans l’absolu, pouvoir l’empêcher (lui, spectateur, en tant qu’être humain) de commettre de telles atrocités s’il se retrouvait dans un même contexte ? Ce basculement dans la folie est-il le résultat d’un concours de circonstances ou est-il inhérent à la nature humaine ? C’est en cela que le film est réellement terrifiant bien plus que par les séquences sanglantes qu’on voit à l’écran.


En décrivant avec minutie cette souffrance à l’état pur, Family Portraits est une œuvre d’auteur dérangeante, radicale et sans concession dont le spectateur ne peut, en aucun cas, sortir indemne. Si le résultat final est d’une telle force, c’est en grande partie dû à la performance d’acteurs de l’ensemble du casting. On attend donc avec impatience ce que Buck a fait du remake de Sisters de Brian de Palma qui doit sortir prochainement sur nos écrans.

Josèphe Ghenzer

Family Portraits – Une Trilogie Américaine

Réalisation : Douglas Buck

Avec : Gary Betsworth, David Thornton, Larry Fessenden, William Stone Mahoney, Nicca Ray, Sally Conway.

Sortie le 4 octobre

Durée : 1 h 44

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