MARTIN Fréderique 01

Vous publiez aussi bien des romans que des nouvelles, ce n’est pas courant… Pourquoi cet amour pour les nouvelles ?

J’adore les nouvelles, avec une prédilection pour les Anglo-saxons qui sont pour moi les maîtres du genre. J’en lis depuis toujours et, tout naturellement, j’ai débuté avec cette forme. J’écris aussi des poèmes, de la prose poétique, des textes jeunesse et même des chansons. Pourquoi se limiter à la seule forme romanesque quand l’écriture offre tant de possibles ?

Ce que j’aime dans la nouvelle, c’est sa musculature, son énergie, sa puissance. C’est une forme dense qui se lit d’une traite et doit procurer une intense satisfaction au lecteur. On n’est pas loin du conte et de la tradition orale des raconteurs d’histoires. Et d’ailleurs, en lecture à voix haute, c’est formidable la nouvelle ! On va jusqu’au bout du texte, le public adore.

 

Dans votre recueil, vous imaginez le monde de demain. Pourquoi avoir voulu parler de notre futur ?

Pour parler de notre présent, des choix que nous avons à faire individuellement et collectivement et de leurs retombées possibles ou probables.

Mais aussi parce que l’anticipation est un redoutable accélérateur de l’imaginaire. Combinée à la nouvelle, elle offre une distanciation très intéressante, ce qui autorise des situations qui fonctionneraient moins bien ou d’une autre manière racontées au présent. Par exemple, vendre sa mère ! Au présent c’est un drame ; avec un léger décalage temporel, l’histoire devient étrange et on peut creuser le rapport mère/fils dans ce qu’il a de moins avouable.

 

L’avenir certes, mais vos personnages sont proches de nous. Comment construisez-vous vos personnages ?

Je les imagine, je les laisse venir. Ils se construisent au fur et à mesure de l’histoire, si j’ai trop d’intentions, ça ne fonctionne pas. Un peu comme dans la vie.

 

Sexe, lutte des classes, logique marchande, pouvoir des médias, marchandisation à outrance, répression du féminisme aboutissant à l’interdiction de l’espace public aux femmes… Ce que vous nous décrivez n’est pas très drôle…

Et encore, je n’ai pas abordé tous les domaines ! À cinq ou dix ans, les sciences, la technologie, la robotique nous promettent des changements de vie radicaux si on ne s’interroge pas sur la dépendance au « progrès » dans laquelle nous vivons d’ores et déjà.

 

Vous parlez du futur, mais on reconnait très bien les travers de notre société. Voyez-vous notre société, notre futur de manière pessimiste ?

Tout dépend où on porte son regard. Je constate, comme tout un chacun, une accélération de la misère, de la violence et des inégalités, une pression constante et de plus en plus forte sur les individus. Nous sommes entrés dans un temps de rage, largement relayé par les médias. Cette réalité me rend pessimiste. Mais il existe un contre-pouvoir, ce sont les initiatives citoyennes qui essaiment un peu partout dans le monde. Elles impliquent un changement radical de cap et travaillent à imaginer de nouvelles formes de sociétés. Leur présence et leur vitalité me donnent de l’espoir.

 

Ecrire des nouvelles, est-ce plus compliqué qu’écrire des romans ?

Les difficultés sont d’un autre ordre. Pour un recueil, il faut viser une véritable cohérence en écrivant des histoires qui doivent, elles, se renouveler à chaque fois. Cela m’a conduit à écarter plusieurs textes qui n’avaient pas leur place dans J’envisage de te vendre. Douze nouvelles, c’est autant d’histoires, de situations, de personnages, d’entames, de chutes et de titres. Et le tout doit absolument se tenir. C’est donc un défi, comme le roman, mais pour des raisons différentes.

Ce qui frappe aussi, c’est votre style. Travaillez-vous beaucoup vos textes ?

Je réécris plus que je n’écris. C’est d’ailleurs assez vertigineux, si on y réfléchit bien. Un texte pourrait être travaillé à l’infini. C’est donc difficile de le voir se figer et de se dire en le relisant : « Ah mais là, j’aurais du mettre ce mot, tourner la phrase dans l’autre sens, changer cette réplique, faire sauter cet adjectif, utiliser un autre temps… ».

 

Quels sont vos projets ?

Je viens de terminer le court-métrage de la première nouvelle du recueil. Une belle aventure avec un jeune réalisateur, Hugo Moreau, dans laquelle je suis partie prenante. On peut le voir là.

J’ai deux projets de créations scéniques en cours, dont un avec un autre réalisateur, Ouahide Dibane. Deux textes jeunesse et un recueil de poésie pour lesquels il me faudrait des éditeurs. Je souhaiterais faire adapter mon roman précédent Sauf quand on les aime. Une création numérique aussi, j’aimerais bien, j’y pense. En juillet, j’animerai mon stage résidentiel d’écriture, Du vécu à la fiction, pour la quatrième année consécutive. Il sera peut-être renouvelé en septembre, il y a beaucoup de demandes. Et puis je réfléchis à un prochain livre…

 

Critique de "J'envisage de te vendre" ici

Le site de l’auteur : www.frederiquemartin.fr

Crédit photo : Emmanuel Grimault

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