Expériences siriennes (Les), Canopus in Argo T3

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Cela fait bien vingt ans que j’attendais que les lecteurs français aient accès à la suite de cette série dont les deux premiers volumes, plus « litt gen », métaphysiques, étaient parus en français sans référence à leur appartenance à la fiction spéculative (SF alias science-fiction) que revendiquait pourtant leur auteur au nom de l’élargissement de la littérature et de sa libération.

Rappelons d’ailleurs encore une fois que, déjà, Shikasta reprenait le thème déjà traité dans les Mémoires d’une survivante publiées comme « litt gen » bien que roman d’anticipation sur l’effondrement de la civilisation occidentale face à ses contradictions internes. Shikasta, qu’il faut sans doute avoir lu avant ce roman qui en est le complément, imaginait que l’âge d’or avait été l’époque où la Terre, alors appelée Rohanda par les Canopéens et les Siriens qui veillaient à son évolution et y avaient amené des colons pour la peupler. Puis des perturbations cosmiques et l’influence négative d’un autre empire stellaire, Shammat, avaient entraîné la disparition de cet âge d’or et l’histoire que nous connaissons, jusqu’à ce vingtième siècle de catastrophes, de massacres et de tyrannies et à un retour au progrès après un monde de tyrannie encore à venir et le retour de l’influence bienfaisante des Canopéens.

 

Ce roman, qui nous présente le point de vue d’observateurs, ou plutôt d’une observatrice sirienne, Ambien II, beaucoup plus rationaliste et matérialiste que le narrateur canopéen du premier roman, ne se départit toutefois pas de cette visions angélique des Canopéens, les Shammatis étant les démons et les Siriens, des rationalistes qui ne comprennent pas la dimension métaphysique et cosmologique de l’histoire et comment ce qui se passe sur Rohanda, car ils ont conservé le nom d’origine donné à cette planète quand les Canopéens l’ont changé en Shikasta, la Blessée, se reflète dans l’évolution des trois empires.

 

À travers les réflexions et l’évolution de la narratrice Ambin II, Doris Lessing nous présente un certain nombre d’idées fortes sur le sens de la vie et les erreurs, voire les crimes, liés à la cupidité, au culte de la domination, en particulier contre les femmes, aux différentes formes de prédation qui détruisent, après les avoir accaparés, tous les progrès créatifs de l’humanité.

Sans doute est-ce une inexactitude de traduction qui fait répéter à la narratrice le qualificatif d’animaux pour les habitants de la planète ou alors c’est parce que ce qualificatif serait moins brutal en anglais qu’en français que je ne l’avais pas remarqué à ma première lecture.

Les réflexions d’Ambien II mériteraient souvent d’être citées et la préface de Catherine Dufour ne s’en prive d’ailleurs pas. Peut-être certains préfèreront-ils la lire après le roman ; moi j’ai été peu gêné, mais ce n’était qu’une relecture...

 

Les expériences siriennes, Canopus in Argo T3, de Doris Lessing, traduction de Sébastien Guillot, préface Catherine Dufour, La Volte, 2018, 362 p., 20€, ISBN 978-2-37049-063-6

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