Enjeux par Daniel Garot

Jason soulevait la fonte devant un grand miroir, observant les veines gonflées de ses biceps. Les cheveux blonds gominés, sourcils soigneusement taillés, quelques gouttes de sueur perlaient sur son front telle de la rosée matinale. Seul le tintement cadencé des haltères cassait le silence qui régnait dans la salle de sport au sous-sol. Perdu dans son reflet, il eut un bref frisson en attardant son regard sur le banc de musculation à ses côtés. Chassant les mauvaises pensées naissantes, il redoubla d’efforts en soulevant les haltères, se focalisant sur le million de virtécus qui l’attendait à sa sortie.

Dans la salle commune, Frédérico, le bellâtre aux origines colombiennes, tentait maladroitement de s’attirer les faveurs de Nadia. Cette dernière était captivée par une scène époustouflante du film San Andréas, projeté sur l’écran démesuré qui équipait la pièce.

— Tu sais qu’on pourrait sans doute bien s’entendre tous les deux, dit-il, mielleux.

La jeune femme resta de marbre et se contenta d’augmenter le volume du home cinema. Dans un fracas assourdissant, une ville très dense était ravagée par des explosions et des tremblements de terre. Les gratte-ciels s’y écroulaient comme des châteaux de cartes. On pouvait presque sentir la poussière et les débris envahir la pièce.

Loin de se décourager, Frédérico s’assit à ses côtés dans le grand canapé d’angle. Il se pencha vers son oreille.

— En fait, tu me plais bien et, je suis sûr que ce n’est pas toi ! Évidemment, comme ce n’est pas moi non plus, j’ai pensé qu’on…

Nadia grogna brièvement et se mit hors de portée par un petit bond gracile. Irritée, elle appuya fermement sur le bouton pause de la télécommande avant de fusiller l’homme du regard.

— Non mais t’es ouf dans ta tête, toi ! répondit-elle. Tu me prends pour une conne ? Je t’ai entendu sortir le même baratin à Aurélie la semaine dernière. T’étais pas sensé la protéger ? Et quoi ? C’est tout ce que ça te fait de perdre ta meuf ?! T’es trop chelou et j’te kiffe pas, tu piges ?! Maintenant, dégage bâtard, tu me pollues l’air, là !

— Non mais attends ! C’est pas…

— Vas-y, bouge je t’ai dit !

Nadia remit le film en fonction, tout en poussant le volume à la limite du supportable. Dans un soupir de défaite, Frédérico quitta la pièce et partit en direction des chambres. Il avait besoin de calme et de solitude pour trouver un moyen de conclure une nouvelle alliance. Jouant tout sur son physique, et prêt à plaire à n’importe qui tant que ça pouvait plaider en sa faveur, il ne s’attendait pas à autant de résistance. Tout en réfléchissant à un nouveau plan, il passa devant la cuisine. Il surprit une conversation animée entre Maxime et Ramila. Saisissant sa chance d’apprendre potins et secrets utiles, il se tint discrètement à côté de la porte entrouverte, tout en tendant l’oreille.

Le couple, assis dans la pièce suréquipée d’électroménagers, s’était lié d’amitié depuis le premier jour ; pourtant ils n’avaient rien en commun. Maxime avait un physique banal et il était plutôt intelligent. Quant à Ramila, son corps possédait plus de silicone que toute autre matière organique, et elle semblait aussi futée qu’une amibe trisomique.

— … Bah ouais, c’est sûr qu’elle l’a mauvaise ! lança cette dernière au cours de la conversation. Tu imagines ? Si Jason ne l’avait pas retenue pour la peloter dans la salle de bain, c’est elle qui serait passée avant Aurélie. Tu imagines ? C’est Nadia qu’est-ce qui aurait été éliminée ! Non mais, NADIA quoi ! C’est juste pas po-ssi-ble ! Moi, je te jure, je n’en ai pas dormi cette nuit, continua-t-elle en reniflant une bouteille de lait sortie du frigo. Tu es là, tranquille et puis « pouf », tu te retrouves éliminé et que t’as pas compris le comment c’est pourquoi arrivé ! Du coup, c’est fou, non ?

L’air grave… et godiche… Ramila se planta devant Maxime, la tête penchée sur le côté. Elle avait les yeux pleins d’interrogation. Sa généreuse poitrine à moitié déballée empêchait tout homme de diriger le regard plus haut que son menton. Elle minauda quelques instants avant de caresser la joue du jeune homme de ses doigts aux ongles fuchsia démesurés. Subitement plus joviale, elle partit chercher un verre dans une armoire en continuant son monologue.

— Faut vraiment être aux taquets dans cette baraque, et je suis contente de pouvoir compter sur toi. Au moins, je sais que tu me laisseras pas tomber comme l’autre « pouf », là. C’était comment encore son nom ? … Je sais même plus… Bergamote… Marjolaine… De toute manière, on s’en fiche, non ?

— J’ai envie de partir ! intervint Maxime. Je commence à en avoir marre. Tu comptes beaucoup pour moi mais, les complots, les gamineries et tout ça, ça me prend trop la tête. Franchement, tu crois que ça en vaut la peine ?

— Noonnn ! T’es sérieux ? répondit Ramila tout en se versant un verre de lait.

— Eh, tu fais quoi, là ?

Subitement en alerte, Maxime bondit du tabouret et arrêta le bras de la bimbo avant qu’elle puisse boire.

— Qu’est-ce qui te prend ? J’ai soif !

— C’est une bouteille entamée ou tu l’as ouverte toi-même ?

— Une entamée. Pourquoi ? Il est encore bon, je viens de le sentir, ajouta-t-elle en reniflant de nouveau le contenu par précaution.

— À ta place, je ne prendrais pas le risque. Tu connais les règles, non ? Et je ne suis même pas certain qu’elles soient respectées par tout le monde !

— Quoi ? Tu crois que….

— Moi, je ne crois rien, je ne fais que constater. Tu as déjà oublié Nadège, François, Marjorie et maintenant Aurélie ? Tu crois que ce sont des coïncidences… ou de la malchance ? À ta place, je ne prendrais aucun risque et j’ouvrirais une neuve.

Après une absence de plusieurs secondes, temps nécessaire pour que le système cognitif de la demoiselle fasse les connexions adéquates, elle acquiesça et alla vider son verre dans l’évier.

— Oui, tu as raison, dit-elle en soupirant. Alors donc, tu as envie de partir ? Mais, on ne peut pas partir ! Tu ferais mieux de ne pas dire des trucs pareils, ajouta-t-elle d’une manière presqu’inaudible. On nous écoute…

— Évidemment que je sais qu’on ne peut pas partir, répondit Maxime avec patience. Ça ne m’empêche pas d’en avoir marre.

Un claquement retentit au plafond, entraînant une baisse de luminosité dans la pièce. Une des ampoules-globes venait d’éclater.

— Regarde ! dit-il à Ramila en pointant l’objet du doigt. Encore une ampoule qui éclate. Et, comme par hasard, demain matin, elle fonctionnera. Tu ne trouves pas ça bizarre ?

— Ah ? Je ne sais pas, je n’ai pas fait attention. C’est peut-être des ampoules auto-réparables. Ça existe, non ?

— Moi je te dis qu’on n’est pas seul ici, continua Maxime, en évitant de souligner la nouvelle idiotie débitée par sa copine. Ils se sont bien foutus de nous en disant qu’on serait livrés à nous-mêmes. Il serait peut-être temps de chercher des réponses, à la place d’attendre qu’on se fasse éliminer les uns après les autres…

— Putain, mais qu’est-ce que tu fous là, espèce de fouille-merde ? aboya Nadia au bout du couloir en remarquant la présence de Frédérico.

Celui-ci faillit faire un arrêt cardiaque. Blanc comme un linge, il déguerpit en vitesse vers la cage d’escalier, sans mot dire.

— Ouais, c’est ça, t’as raison ! Cafard ! Je suis sûr que c’est toi ! continua-t-elle avant de rentrer dans la cuisine.

Maxime et Ramila s’étaient tus et attendaient un éclaircissement face à cette poussée de colère.

— Non mais je te jure, tu la crois, celle-là ? expliqua Nadia. Ce bouffon de Frédérico était planqué derrière la porte. Il vous espionnait ! Je n’ai plus aucun doute, c’est certain que c’est lui ! Faut le faire payer, ce bâtard. C’est lui qui élimine les autres, c’est sûr !

— Ouais bhein, je crois que tout le monde devient un peu parano ici, répondit Maxime. De toute manière, même s’il nous espionnait, il n’a pas appris grand-chose. On discutait de tout et de rien. Hein Raminette !

— Je ne l’aime pas moi, Frédérico, répondit celle-ci. Avec ses grands sourires et sa gentillesse, je l’ai toujours trouvé hyper hypogryphe, quoi. Il est cinglé ce mec et c’est quand même zarbi qu’il ne lui arrive jamais rien. Il a toujours un alibi pour dire qu’est-ce qu’il était occupé à quelque chose quand il y a une élimination. Parfois, j’ai même l’impression qu’il disparait, comme s’il pouvait partir et revenir comme il voudrait. Je suis d’accord avec Nadia en tout cas. Il faudrait s’en débarrasser !

— On va bouffer quoi ce soir, au fait ?

Nadia demanda cela tout en ouvrant une porte qui donnait sur une petite pièce réfrigérée. Elle eut un moment d’hésitation avant de s’aventurer près des étagères de surgelés.

— Pizzas jambon/champignons, ça vous va ? demanda-t-elle.

Les deux autres répondirent « oui » en chœur.

Quelques instants plus tard, Nadia sortit du frigo avec un carton, qu’elle posa sur la table.

— Vous avez remarqué au fait ? continua-t-elle. Jamais il mange avec nous ! Pas une fois on a dîné tous ensemble avec lui. C’est drôle, non ? Je crois franchement qu’il doit être le suivant à être éliminé. Vous êtes d’accord avec moi ? On fait une alliance pour s’en débarrasser ? Et si c’est vraiment lui, bhein… On partagera !

Après quelques instants où chacun se regarda dans les yeux, cherchant une trace de mensonge ou de double complot, ils se serrèrent la main pour sceller leur pacte.

— Alors… reprit Nadia. Je crois que le plus simple serait de…

— Chuuut, coupa Maxime. J’entends Jason qui sifflote. Il a fini sa séance sans doute. On se donne rendez-vous à deux heures du matin dans ta chambre Nadia, on discutera du plan à ce moment-là !

— Pourquoi on lui dit pas qu’est-ce qu’on fait ? demanda Ramila.

— Il faut rester prudent, on est encore sûr de rien… Hey, salut Jason ! Alors, cette séance de sport, c’était chouette ?

Maxime attendit que ses deux comparses hochent discrètement de la tête avant de se détendre un peu.

La soirée se passa dans le calme. Après le repas, ils regardèrent Tomorrowland avec George Clooney. Le débat fut animé, Maxime et Ramila prenant du plaisir à regarder ce film distrayant, alors que Jason et Nadia regrettaient son côté trop « fleur bleue ». Frédérico vint les rejoindre à la moitié, ce qui mit fin aux conversations. Ils allèrent se coucher rapidement à la fin de la séance, se souhaitant de beaux rêves avec une froideur qui laissait penser le contraire.

À la nuit tombée, l’endroit semblait endormi. Les couloirs de la villa étaient tapissés d’une lueur bleuâtre cassant à peine la pénombre. Un étrange manège débuta. Dans le silence, une ombre se faufila le long des murs, gratta délicatement contre une porte avant de rentrer dans la pièce. Quelques instants plus tard, elle en ressortit et revint à son point d’origine. Le calme à peine réinstallé, une porte s’ouvrit de nouveau. Furtivement, une ombre différente se rendit dans la chambre à côté.

Tandis que la maison était subitement animée d’une vie nocturne où chaque locataire avait des projets secrets, le conciliabule anti-Frédérico débuta.

 Après une bonne heure de chuchotis et de palabres, pendant laquelle il y eut d’autres allées et venues dans les couloirs de la villa, plusieurs idées furent données afin de précipiter l’élimination de Frédérico. Malheureusement, la mise en pratique des plans fomentés s’avérait bien plus complexe que la théorie. Aucun des trois complices ne voulait agir seul. Éliminer un des locataires, ça équivalait à un aveu de culpabilité. Chacun pouvait penser qu’en étant capable d’en supprimer un, il pouvait très bien avoir éliminé tous les autres depuis le début. La prise de conscience de cette réalité les amena dans une impasse. Ils se quittèrent en ayant comme objectif de trouver une solution afin de concrétiser ce pacte, sans que la responsabilité éclate à la figure de l’un ou de l’autre.

Maxime était en pleine réflexion sur cet épineux sujet, tout en regagnant sa chambre.

— Tu vas où ? murmura sèchement une voix dans son dos.

Tétanisé par l’effet de surprise, ses jambes se liquéfièrent. Il se tourna pour faire face à Jason. Celui-ci l’observait les bras en croix.

— Heu… Je… J’ai… Bah et toi ? Tu fais quoi dans mon dos à 3h du mat’ ? finit-il par répondre en essayant de gagner du temps.

— Je sors des toilettes ! Trop de compléments protéinés sans doute. Alors ? Et toi ? C’est de la chambre de Nadia que tu sortais ?

— Heuu… Non, non. J’ai été boire un verre à la cuisine et quand je suis remonté, j’ai entendu du bruit. Je me suis approché mais tout est silencieux. J’ai sans doute rêvé.

— Mouais… Bon, je vais pieuter.

Jason s’éloigna, non sans lancer un regard noir à son colocataire. Maxime regagna rapidement sa chambre, angoissé à l’idée d’avoir été vu sortant de la chambre de Nadia.

Dans son lit, Jason repensa aux minutes précédentes. Il n’avait pas croisé Maxime au rez-de-chaussée. Et il était presque persuadé d’avoir aperçu un filet de lumière sous la porte de la chambre de Nadia, juste avant que l’obscurité revienne. Imaginer que sa copine pouvait le tromper avec ce tocard le mettait hors de lui. Ça allait chier dans le ventilo dès son réveil pour avoir des explications convaincantes ! Expression très bien choisie car ses intestins gargouillaient de nouveau.

Au petit matin, Maxime se leva en dernier. Tourmenté par les cachoteries en cours, le sommeil s’était fait attendre. Il rentra dans la cuisine et salua distraitement ses colocataires. Ceux-ci faisaient des têtes de déterrés. Nadia, les yeux tout bouffis, semblait même avoir pleuré.

— Vous en faites de ces tronches ! Tout le monde a mal dormi ou quoi ?

Il en profita pour remarquer que l’ampoule avait été remplacée, comme il l’avait prévu la veille. Il allait le mentionner lorsque Ramila prit la parole.

— Jason est éliminé, annonça-t-elle d’une voix lugubre.

— Quoi ? demanda Maxime, constatant l’absence de celui-ci dans la pièce.

— Oh ça va, clama Frédérico. Comme si tu n’étais pas au courant !

— De quoi tu parles, toi ?

— Vous avez tellement fait de boucan pendant la nuit, c’était difficile de ne pas vous entendre ! Je t’ai entendu t’engueuler avec Jason, vous étiez juste devant ma porte. Et comme par hasard, ce matin, c’est lui qui est éliminé !

— Je viens juste de me lever ! J’ai croisé Jason dans le couloir pendant la nuit. Il revenait des toilettes et moi, j’avais été boire un coup. On ne s’est pas du tout engueulé, alors arrête avec tes conneries. Ramila, tu me crois toi au moins ?

La tension était palpable autour de la table. Maxime se sentit pris dans un piège, à la merci d’un nouveau complot qui aurait été organisé dans son dos. Il se mit tout à coup à se méfier de tout le monde, même de son amie.

— Oui, je pense mais, j’en sais rien en fait…

— Oh, et puis c’est bon maintenant ! Il est temps de jouer carte sur table, s’énerva Frédérico en repoussant sa chaise. Tu caches bien ton jeu, Maxou. Je suis sûr que c’est toi ! Et je ne suis pas le seul à le penser ! T’es l’intello du groupe, non ? Tout le monde sait que tu détestes Nadia depuis qu’elle a voulu dormir dans la chambre à côté de Jason, et que tu fais ami-ami avec « miss boobs » rien que pour être proche d’elle. Oh ça va, toi ! Pas la peine de me regarder méchamment. Si tu ne voulais pas qu’on t’appelle comme ça, fallait pas gonfler tes pare-chocs avec de la mousse expansive ! La semaine dernière, c’est toi qui as fait la vaisselle. Tu aurais très bien pu prendre de l’huile. Tu savais qu’elle allait faire du sport avec Jason après sa séance de jeu. Évidemment, ça ne s’est pas passé comme prévu, hein ! Et Nadège ! Qui a été prendre un bain en dernier avant elle ? C’est toi, encore ! Avoue, merde ! J’en ai marre de cette baraque, j’ai envie de me tirer !

— T’es qu’un gros con, Frédérico ! Déjà, tu mélanges tout. J’ai jamais rien eu contre Nadia, tu ne racontes que de la merde ! Tu crois que personne ne sait que tu t’es rabattu sur Aurélie parce que tu avais surpris Nadia en train d’embrasser Jason dans sa chambre, il y a un peu plus d’une semaine ? Tu crois que Nadia n’est pas venue nous dire que tu as essayé de la draguer comme un « beauf » hier ? … Oui, oui, pendant qu’elle regardait son film. Et, en parlant de Nadège, elle avait raconté à François, qui l’avait raconté à Jason que tu avais menacé Marjorie si elle ne t’arrangeait pas le coup avec Aurélie ! J’en déballe encore ou c’est bon ? S’il y en a bien un ici qui a des raisons d’être jaloux, c’est toi ! Alors quand tu dis que tu n’es pas le seul à penser que je suis le coupable, c’est bizarre parce qu’on avait justement conclu hier que c’était sans doute toi, le coupable !

Une chape de silence s’abattit dans la cuisine. L’atmosphère s’électrisait et, à présent, chaque participant scrutait son voisin avec méfiance.

 

*

Fondu enchaîné de caméra. Le visuel revient sur le plateau de télévision. Assis sur un trône royal en lévitation grâce à la supraconductivité, le présentateur se lève avec grâce et commence à arpenter lentement le plateau de tournage. Il pianote sur le mini-ordinateur fixé à son avant-bras, sectionnant le décor du plateau en plusieurs écrans. Les moments forts se mettent à tourner en boucle dans de mini-séquences simultanées.

— Et voilà pour le résumé de cette semaine ! Que de rebondissements ! Après l’élimination de Jason, ils ne sont plus que quatre à poursuivre cette aventure. Comment va réagir Nadia après la disparition de Jason ?

Une nouvelle manipulation sur le clavier fait apparaître le visage de Nadia, arborant une mimique haineuse en observant Frédérico.

— L’alliance entre Nadia, Maxime et Ramila restera-t-elle aussi forte, alors qu’à présent des soupçons pèsent aussi sur Maxime ?

Gros plan sur la réunion nocturne de la veille.

— Celui-ci s’est-il trahi en empêchant Ramila de boire un verre de lait ? Frédérico va-t-il tenter de profiter de l’occasion pour briser cette alliance et se liguer contre Maxime ? Quel candidat a été dans la chambre de Ramila la nuit dernière ? Et pour y faire quoi ? Un nouveau complot ?

Gros plan sur des mains qui ouvrent une enveloppe glissée sous une porte. On peut lire sur le billet déplié : « Ne bois pas de lait ! ». Enchaînement sur la vue d’autres lettres anonymes déposées dans divers endroits.

— Vous en apprendrez davantage en suivant l’émission de la semaine prochaine, diffusée en prime time sur TracheTivie. Ne ratez pas cet épisode crucial où un des participants va commettre une erreur impardonnable qui lui coûtera sa place. 

Gros plan sur le visage du présentateur, affichant une expression grave et réjouie tout en se frottant les mains.

— Pour les télévisionneurs qui nous rejoignent, je rappelle les éliminations des semaines précédentes. Nadège ! (fondu enchaîné sur la photo d’une femme nue. Son corps et son visage sont boursouflés), noyée dans son bain ! François ! (fondu enchaîné sur un visage masculin livide), la gorge écrasée sous le banc de musculation. Marjorie ! Électrocutée dans le solarium. Aurélie ! La nuque brisée après une chute sur une flaque d’huile dans les escaliers. Et enfin Jason ! Éliminé cette semaine par empoisonnement en buvant un verre de lait protéiné !

Après avoir fait défiler les clichés sordides des participants morts, la caméra revient sur le présentateur, de nouveau assis sur le trône. Il sirote un verre, exagérant le plaisir de cette dégustation. La caméra fait un gros plan sur sa glotte tandis qu’il vide le contenu restant, d’une traite. Un zoom arrière fait rentrer le titre de l’émission dans le champ. Dans des gerbes lumineuses et des acclamations artificielles, « Mort ou riche », envahit tout le visuel. Une voix de baryton retentit : « Ils étaient neuf au départ, il n’en restera plus qu’un ! ».

Tandis que le générique de fin démarre crescendo, l’image fait défiler en boucle les participants restants dans des poses aguicheuses.

— Avant de nous quitter, n’oubliez pas de voter pour votre favori ! Un tirage au sort sera effectué parmi les bonnes réponses et le grand gagnant repartira avec la somme de cinquante mille virtécus. Si vous pensez que Frédérico a tué Jason, envoyez « Frédérico » par onde au 6666. Si vous pensez que c’est Nadia qui a empoisonné le lait, envoyez « Nadia » au 6666. Si vous pensez que c’est Maxime, envoyez …

 

FIN

 

Ou en PDF ici http://www.phenixweb.info/sites/default/files/Enjeux-daniel-garot.pdf

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