Écrit dans le noir

Auteur / Scénariste: 

Le présent ouvrage rassemble de courts essais littéraires écrits par Michel Schneider autour d’une question polymorphe : que fait-on du noir dans l’acte d’écrire ?

L’occasion d’une rencontre féconde entre pages littéraires et parole analytique, ainsi autour du personnage de l’avoué dans une nouvelle de Melville, sur le rapport de Flaubert aux femmes ou encore sur la hantise baudelairienne de rester dans l’ombre sans devenir auteur de sa vie.

Le postulat de départ est que c’est dans la noirceur que les auteurs étudiés ici ont réalisé leurs œuvres. Ils ont sondé le tréfonds de l’âme humaine avec pour tout éclairage une sensibilité à vif, en frottant d’abord leur langue, leur corps, tout leur être à la silice de la lettre. Du noir dont ils partent, qu’ils y trouvent et qu’ils remontent, il s’agit en pointillés selon les chapitres, tel celui consacré au couple Proust-Colette en clair-obscur, ou en larges aplats quand il est question de l’œuvre de Kafka que Michel Schneider nous invite à rencontrer à l’article de la mort ou de celle de Canetti, dans le registre aigu de la cruauté la plus sombre.

Et le blanc dans tout cela, d’habiter en creux tous les écrits, dont il demeure l’horizon inéluctable et patient : on le voit rythmer le voyage sentimental de Fréderic comme de Gustave, où le désir est un éblouissement aveuglant voué à l’amertume, ou couvrir les déserts de neige et de sable où court se reposer Colette de la tâche maudite d’écrire ou encore narguer les pêcheurs de perles à la Henry James que sont tous les écrivains.

Croit-on que la littérature noircisse ce blanc – le recouvrant de rayures insistantes à la façon dont Chateaubriand barbouille le papier clair ou qui rappellent dans leur beauté éclatante celles rayant de rose le pantalon blanc où la Kuchiuk nue de Flaubert se jette « jusqu’au cou » –, elle vient au contraire inonder de lumière les pans les plus obscurs de l’existence. D’accord avec la physique, la littérature confirme que le noir le plus noir s’exténue et s’achève dans l’éclat troublant du blanc.

Mais si c’est toujours un noir outre-tombe qui absorbe, comme les trous stellaires dont la lumière ne peut plus sortir, le spectre de vies entières d’éclaireurs passées à écrire ? Et Michel Schneider d’interroger les promesses et impasses du langage jusqu’à l’onomatopée d’après une lecture du Cratyle. L’alternative au verbe poussé aux limites de sa clairvoyance se profile peut-être à la réfraction de la musique, si intimement liée à la nuit, ainsi celle montant du piano auquel s’assoit un Starobinski qu’il faut imaginer heureux et fatigué des mots.

 

Écrit dans le noir par Michel Schneider, Buchet-Chastel, 2017, 22 €

Type: 

Ajouter un commentaire