Écotopia

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L’utopie est un genre ancien puisque, avant même que Thomas More ne la nomme, La République de Platon était un tel roman. Jusqu’au dix-huitième siècle, les utopies ont été des lieux inconnus. Ce n’est qu’à la fin du dix-huitième siècle que certains auteurs, entre autres Nicolas Restif de la Bretonne et Louis Sébastien Mercier, ont mélangé utopie et anticipation, placé leurs mondes imaginaires dans le futur. Bien que ce ne soient plus des pays sans lieu, le nom utopie est resté et nombre de tels romans sont parus. Les utopies sont, d’ailleurs, souvent des dystopies, c’est-à-dire des futurs sombres, plutôt que des eutopies, supposées montrer des mondes meilleurs. Mais l’idée d’une eutopie n’a pas été abandonnée et revient d’ailleurs sous le nom, stupide, de solarpunk ou de hopepunk.

 

Celle-ci, qui a mis longtemps à être publiée en France, date de 1975, et imagine que les états américains de la côte Pacifique, sauf une partie de la Californie, ont réussi à faire sécession des USA et ont développé un régime écologiste, alors que le reste du monde, en particulier le reste des USA, continuait sur son mode antérieur, capitalisme et communisme soviétique (en fait il n’est pas fait la moindre allusion à l’URSS dans le livre). Et que, vingt-cinq ans plus tard, pour envisager une reprise des relations économiques et politiques, le Président des États-Unis négocie l’envoi d’un journaliste, le héros et narrateur du livre, William Weston qui, sous couvert de son reportage, cherchera comment cette reprise des relations serait possible.

 

Bâti donc sur le modèle ancien de la découverte de l’utopie par un visiteur, ce roman montre l’évolution psychologique du narrateur, et comment sa manière de décrire le pays, d’abord méprisante, puis compréhensive, se modifie. En même temps qu’il rencontre une femme et que ses sentiments vont interférer avec sa recherche.

Bien sûr, cette façon d’écrire le roman permet à l’auteur de présenter, l’une après l’autre, les réformes qu’il entend promouvoir. N’était-ce pas le scénario de L’utopie de Thomas More ? Et plutôt qu’une simple description, chaque présentation est un plaidoyer pour les règles que propose l’auteur.

Alors, on peut trouver naïfs l’histoire de cette sécession et le comment de sa réussite. D’autant plus que le fait que cette sécession ait comporté la séparation de deux moitiés de la Californie accroit la difficulté à suspendre l’incrédulité ; ainsi que l’idée que Washington attendrait deux ans, que les Écotopiens aient eu le temps de préparer une défense, avant de lancer l’assaut... Mais, bien sûr, ce n’est pas, du tout, le sujet du livre, qui est d’imaginer qu’ils aient réussi, et de présenter l’organisation de cette réussite.

 

Plus problématique, mais on pouvait encore en 1975 ne pas l’envisager, le fait que le dérèglement climatique n’est pas évoqué. Et croire que la pollution du reste du monde et la surpopulation ne ruineraient pas l’expérience même si la totalité de l’Écotopia respectait les nouvelles règles...

Là-dessus, lire ces règles, les discuter, nous demander si elles suffiraient... il est peut-être encore temps pour envisager les réformes proposées, adaptées aux techniques nouvelles que ne prévoyait pas Ernest Callenbach...

 

Écotopia d’Ernest Callenbach, Folio SF n° 670, 2021, 322 p., couverture de Sam Van Offen, ISBN 978-2-072-87254-9

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