Compléter les blancs
Que se passerait-il si les morts revenaient à la vie ? Quelle place accorderait-on aux « ressuscités », la société les accepterait-elle, et quel statut leur attribuer ? Certaines morts sont-elles plus déshonorantes que d’autres ?
Toutes ces questions, Tetsuo Tsuchiya va se les poser alors qu’il revient à la vie après une absence de trois années. Trois années, où le temps s’est simplement arrêté pour lui alors que ses proches et ses collègues ont dû faire face au deuil de sa mort, une mort d’autant plus honteuse et difficile à accepter qu’il s’agit d’un suicide…
De retour chez lui, Tetsuo comprend vite qu’il ne va pas pouvoir reprendre sa vie là où il l’a laissée. Chika, sa femme, a été traumatisée par ce suicide qu’elle a vécu comme un abandon et une trahison. Son fils Riku, qui n’était âgé que de 1 an au moment des faits, le rejette comme un intrus. L’entreprise qui l’employait refuse de lui redonner sa place et ses collègues ne se montrent pas tous très compréhensifs… Seule sa mère lui pardonne cet acte inadmissible.
Le problème, c’est que Tetsuo est persuadé d’avoir été assassiné. Contre l’avis de tous, il va tenter de le prouver en débusquant son assassin – le trouble Saeki, employé de la sécurité, sorte d’alter ego terrifiant et repoussant et qui l’aurait, selon lui, poussé du toit de son entreprise. Seul, il mène l’enquête.
L’histoire, construite comme un thriller psychologique, nous emmène dans une plongée sans concession dans l’âme d’une société japonaise normative et répressive, bien loin des clichés touristiques. Une société où le devoir prime et où la pression sociale est telle que l’individu, trop souvent, éclate en mille morceaux et en vient à perpétrer des gestes qui vont à l’encontre même de son désir.
Alors, comment recoller les morceaux, comment se reconstruire après un tel traumatisme ? Y a -t-il vraiment eu assassinat ? Et comment éviter que le même mécanisme, de nouveau, nous précipite vers le pire ?
Avec Compléter les blancs, j’ai découvert un auteur d’une grande sensibilité, au regard à la fois acéré et bienveillant. Une belle histoire, émouvante et universelle, qui lève le voile sur un phénomène de société tabou.
Compléter les blancs par Keiichiro Hirano, traduction de Corinne Atlan, Actes Sud
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