Clones

Réalisateur: 

Un monde (presque) parfait



Mortel transfert

L’action se déroule au sein d’un monde aseptisé dans lequel les humains vivent désormais par procuration via des substituts robotiques qui sont commandés à distance et effectuent en temps réel tout ce que leurs propriétaires leur demandent sans qu’ils aient besoin de quitter la sécurité et le confort de leur domicile.


C’est dans le plus grand secret qu’un mystérieux inconnu a mis au point une nouvelle arme capable non seulement de tuer n’importe quel substitut mais aussi simultanément l’humain qui lui est connecté, en lui grillant le cerveau. Lorsque que cette arme est utilisée pour commettre un double meurtre pour la 1ère fois depuis que les substituts ont été mis en service, Harvey Greer et Jennifer Peters, deux agents du FBI qui travaillent ensemble depuis peu, sont chargés de l’affaire.

Peu de temps après, au cours d’une course-poursuite échevelée, l’agent Greer voit son substitut détruit. Il n’a alors plus d’autre choix que d’aller lui-même enquêter sur le terrain ce qu’il n’avait plus fait depuis des années et va l’obliger à faire à nouveau l’expérience de la vie réelle. Ses investigations vont mettre à jour une terrible conspiration visant à remettre en question le bien-fondé de la technologie sur laquelle repose désormais tout le fonctionnement de ce monde utopique ainsi que les fondements mêmes de notre “humanité”.

La vie facile

Les apparences sont souvent trompeuses et c’est ici le cas, à commencer par “Clones”, le titre français du film qui est totalement inadéquat et surtout porte à confusion par rapport au titre original “The Surrogates” dont la traduction littérale est “Les Substituts”, ce qui s’avère être nettement plus judicieux dans la mesure où il ne s’agit ici, en effet, nullement de doubles génétiques mais, bel et bien, de substituts robotiques télécommandés à distance à qui leurs propriétaires choisissent de donner l’apparence humaine qu’ils désirent.


Ce changement radical dans le mode de vie des humains est l’œuvre du Dr Lionel Canter, un génie du M.I.T. devenu milliardaire qui vit en reclus et dont les expériences révolutionnaires ont mené à la création d’une technologie de pointe. Très tôt dans sa vie, il a souffert d’une très mauvaise condition physique et de maladie. Condamné à vivre dans un fauteuil roulant, c’est un profond altruisme qui l’a poussé à faire quelque chose pour rendre le monde meilleur. Il a alors d’abord expérimenté des prothèses de jambes puis a développé une nouvelle technologie permettant de décoder les impulsions du cerveau et a ensuite découvert qu’il pouvait les transférer sous forme de signaux. Ses recherches ont abouti à la création de substituts robotiques, conçus à l’origine pour aider les personnes malades ou handicapées physiquement. Par la suite, il a pensé que ces substituts pouvaient également aider les policiers, les pompiers ou encore les soldats en leur permettant de faire leur travail en toute sécurité sans risquer de mourir dans l’exercice de leur fonction. Toutefois, cette technologie révolutionnaire est allée bien au-delà de ce qu’il voulait en faire lorsqu’il l’a initialement conçue et elle a malheureusement été détournée par un puissant conglomérat industriel qui s’en est emparé à des fins purement financières en la rendant disponible pour le grand public.

La grande illusion

Chaque substitut est directement relié au système nerveux d’un être humain qui le contrôle en toute quiétude depuis son domicile, qu’il soit seulement à quelques rues ou à plusieurs milliers de kilomètres de là. Quand ils ne sont pas pilotés par l’esprit d’un être humain
confortablement allongé dans un fauteuil de stimulation, qui leur envoie des impulsions et en reçoit, ces substituts robotiques restent totalement inertes comme déconnectés. Quand on s’achète un substitut, celui-ci est livré dans un container spécifique. Quand on n’en a plus besoin à la fin de la journée, il suffit alors de le mettre dans sa nacelle de rechargement.

Ces substituts se distinguent des humains de chair et de sang par leur perfection physique, tant interne qu’externe. Ils sont dotés d’une force surhumaine, d’une résistance à toute épreuve ou presque ainsi que d’une surprenante vélocité. Quant à leur apparence physique, il est possible de leur donner exactement celle qu’on désire. Si la plupart des humains préfèrent plutôt opter pour un substitut qui soit à leur image mais dans une version nettement plus enjolivée qu’elle ne l’est dans la réalité (ils sont plus beaux, plus jeunes, plus baraqués… que leurs propriétaires) ce qui permet de corriger tous les défauts qu’ils n’aiment pas chez eux mais sans avoir à utiliser la chirurgie esthétique (ce qui résout également, en quelque sorte, leur quête de la jeunesse éternelle), les plus audacieux d’entre eux préfèrent choisir pour leurs substituts une apparence complètement différente de la leur, allant même jusqu’à changer de couleur de peau ou encore de sexe. Toutefois, ceux qui ont moins d’argent doivent malheureusement se contenter de substituts génériques qui n’ont pas un visage aussi fin ni aussi expressif que les modèles plus coûteux.

Ce sont les substituts, parfaits en tout point, qui remplacent les humains à leur travail ou pour effectuer leurs taches quotidiennes comme faire ses courses au supermarché. Ils n’ont donc plus besoin de s’aventurer hors de leur domicile dans le monde réel. Cette révolution technologique offre désormais aux gens la possibilité de vivre par procuration sans avoir à quitter le confort et la sécurité de leur foyer. Il leur suffit juste de se connecter à leur substitut pour vivre dans un monde “parfait” et plus sûr où le crime, la douleur, la peur et les conséquences de leurs actes n’existent pas, du moins en apparence aux yeux des autres.

Nos voisins les hommes


Si la quasi totalité des humains a été enchantée par la commercialisation de cette incroyable avancée technologique, un certain nombre d’autres, complètement réfractaires à cette idée même, n’ont eu, en revanche, qu’un profond mépris pour ce nouveau mode de vie, préférant de loin l’ancien. A la tête de ce groupe de citoyens mécontents se trouve le Prophète, une sorte de gourou représentant toutes les personnes qui refusent catégoriquement d’avoir recours à l’utilisation de substituts, que ce soit pour des raisons religieuses ou économiques. Ces citoyens, qui ont été privés de leurs droits, vivent dans une Zone Démilitarisée appelée “La Réserve”, sorte de ghetto où sont parqués les humains qui rejettent totalement ce mode de vie où les contacts physiques n’existent quasiment plus et où la notion d’amour a perdu tout son sens.

La Zone Démilitarisée est une sorte de bidonville où le Prophète et sa communauté d’adeptes vivent déconnectés de la société dans ce qui ressemble à un quartier en ruines entouré d’une haute barrière. A l’intérieur de l’enceinte, il y a partout de hautes herbes en friche comme si la nature avait repris le dessus. Il y a des panneaux solaires sur les toits et ils récupèrent les eaux de pluie dans de grandes citernes. Ils y mènent une vie simple sans technologie en cultivant la terre dans des jardins potagers pour en tirer leur nourriture et ils fabriquent des objets utilitaires à partir de toutes sortes de matériaux de récupération.

La vie conjugale


L’agent Greer vit depuis longtemps selon le nouveau mode de vie qui repose entièrement sur les substituts et il l’a accepté sans jamais se poser de questions mais, lorsqu’au cours de son enquête, son substitut est détruit et qu’il ne peut s’en procurer un autre, il décide alors de s’aventurer, lui-même, dans le monde réel à ses risques et périls. Après un temps de réadaptation, il redécouvre ce que c’est que d’agir par soi-même et il se (re)met à appréhender le monde complètement différemment. Il réalise alors à quel point il avait perdu son “humanité”.

Des années auparavant, son couple n’avait malheureusement pas résisté à la mort tragique de leur jeune fils, lui et sa femme Maggie ayant tous deux réagi différemment face à la douleur : il s’était réfugié dans son travail tandis que sa femme avait trouvé, via son substitut, l’assurance et la perfection qui lui faisaient jusqu’alors défaut. Depuis lors, elle vit recluse dans sa chambre et ne sort de la pièce que lorsqu’elle se sait seule dans son appartement. Dès que son mari cherche à la voir, elle lui envoie son substitut et cela fait maintenant des années que la seule façon pour eux de se rencontrer se fait par l’intermédiaire de leurs substituts et non plus comme deux vraies personnes partageant le même appartement. Lorsqu’il recommence à sortir dans le monde extérieur, il prend conscience qu’il est toujours épris de sa femme et il tente de rétablir avec elle de vraies relations.

I, robot

Les effets spéciaux sont ici très nombreux, divers et complexes : le meurtre des deux personnages et de leurs substituts respectifs au début du film, le hall d’entrée de l’ISBC et l’usine de fabrication des robots, l’accident d’hélicoptère, la course-poursuite avec le substitut de Greer auquel il manque un bras, l’assaut aéroporté sur la Réserve, le changement de visage d’un substitut effectué par Maggie dans le salon de beauté où elle travaille, l’effondrement de tous les substituts dans la scène finale, sans compter tous les effacements d’éléments divers et autres nettoyages de substituts…
Au total, le film comporte plus de 800 plans d’effets visuels dont la réalisation a été confiée à plusieurs sociétés.

Plus de la moitié des effets visuels sont consacrés au “rajeunissement” virtuel des acteurs lorsqu’ils interprètent le rôle de leurs substituts. Pour cela, on a utilisé des effets 2D pour gommer scrupuleusement la moindre imperfection de leurs visages. Les équipes de KNB EFX Group ont fabriqué les endosquelettes (entiers ou partiels) des répliques d’acteurs et se sont chargés de la scène de la visite de l’usine (3D) de fabrication des robots ainsi que du look des substituts sous leur forme robotique (avant qu’on ne leur pose leur “peau”). L’aspect synthétique de leur peau a été obtenu grâce à la combinaison d’effets de maquillage spéciaux et de la pose de prothèses. Quant au masque 3D de Bruce Willis, il a été superposé, image par image, sur son visage puis ensuite déformé afin de coller parfaitement à ses expressions et aux mouvements de ses lèvres lorsqu’il parle. Par ailleurs, son visage a volontairement été rendu trop lisse et trop parfait pour bien montrer qu’il s’agit-là du substitut de son personnage et non pas du vrai Greer.

Double Je(u)

Dans “The Surrogates”, le roman graphique de Robert Venditti et de Brett Weldele dont le scénario de Clones est adapté, l’histoire très sombre se déroule dans un monde futuriste tandis que dans le film, elle se déroule dans une sorte de monde parallèle au nôtre. La technologie utilisée pour fabriquer les substituts est extrêmement avancée mais dans le film, ils apparaissent plus comme n’étant que des outils au service de leurs propriétaires qui les manipulent à distance depuis leur domicile. Du coup, bien que l’action se situe dans le futur et dans un monde où tout repose sur une technologie de pointe, l’aspect visuel du film fait vieillot et semble largement dépassé (esthétiquement, on est ici plus proche de Blade Runner et de Total Recall que de Minority Report ou de I, Robot ).

Au final, on a un résultat assez hybride puisque le film mélange le polar, l’action, le drame intimiste, la SF et la satire sociale via la critique acerbe des diverses dérives de notre société actuelle (obsession de l’apparence, quête permanente de jeunesse éternelle liée à la peur de vieillir et donc de mourir, addiction aux jeux vidéo en ligne où les joueurs s’immergent chaque jour de longues heures durant dans des mondes virtuels pour y vivre toutes sortes d’aventures via les avatars qu’ils se sont créés, peur inconsidérée de la violence et apologie du tout sécuritaire).
Le but de ce conte métaphorique est de nous mettre en garde en nous invitant à réfléchir sur notre dépendance de plus en plus croissante vis-à-vis de la technologie ainsi que sur les dangers d’une vie, de plus en plus solitaire et désincarnée, par l’intermédiaire de pseudo-existences que la consommation intensive de divertissements virtuels peut nous faire mener. C’est également une façon détournée d’évoquer le conflit existant entre la perfection, la perception que l’on en a, l’image qu’on s’en fait et la réalité telle qu’elle est véritablement.

L’une des caractéristiques du film réside dans l’interprétation des acteurs qui endossent ici une seule identité mais un double rôle, celui de leur personnage et celui de leur substitut dont l’apparence est nettement plus jeune. C’est ainsi que Bruce Willis nous apparaît avec plusieurs dizaines d’années de moins et affublé d’une perruque blonde lorsqu’il campe le substitut de l’agent Greer mais retrouve son visage marqué par les ans lorsqu’il interprète le vrai Greer.

Clones

Réalisation : Jonathan Mostow

Avec : Bruce Willis, Radha Mitchell, Rosamund Pike, Boris Kodjoe, James Francis Ginty, Michael Cudlitz, James Cromwell, Ving Rhames

Sortie le 28 octobre 2009

Durée : 1 h 25

Sections: 
Type: