City of Life and Death

Réalisateur: 

Terreur à Nankin



Pas de repos pour les braves

L’action se déroule en 1937, au moment où l’armée impériale japonaise lance une terrible offensive contre Nankin, alors Capitale de la Chine. Tout à la fois désorganisée, mal formée et mal équipée, l’armée chinoise se retrouve rapidement complètement dépassée par l’ampleur et la virulence de l’attaque ennemie. Le 12 décembre, le Général Tang Shong Zhi, chargé de défendre la capitale, préfère s’enfuir, abandonnant ainsi ses hommes à leur triste sort. Les soldats chinois, décimés et se retrouvant désormais sans commandement, n’ont plus d’autre alternative que d’abandonner leurs uniformes et de se cacher au sein de la population civile. Ils sont alors impitoyablement traqués par les soldats japonais qui n’hésitent pas à prendre, si nécessaire, des civils innocents en otage pour obliger les “déserteurs” à se démasquer.
La consigne donnée par le haut commandement japonais à leurs troupes est claire et sans appel : ne pas faire de prisonniers. Dès lors, la chasse à l’homme est ouverte et toute personne de sexe masculin, qui n’est ni un enfant ni un vieillard, est automatiquement considérée comme étant un soldat chinois qui se cache et doit donc systématiquement être abattu.

La chair et le sang

C’est le démarrage des “massacres de Nankin” qui coûtèrent la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes. Désormais, la terreur règne en maître sur la capitale chinoise d’autant plus que personne n’est à l’abri : ni les femmes (qui se coupent les cheveux et ne se maquillent plus pour tenter - souvent en vain - d’éviter d’être victimes de viols), ni les enfants ou les vieillards (qui meurent de faim ou sont abattus pour juste avoir eu la malchance de s’être retrouvés au mauvais moment, au mauvais endroit), ni même les quelques étrangers qui résidaient là. On assiste alors à une véritable surenchère dans le massacre : les exécutions de masse s’enchaînent et il y eut même un concours, dit des “cent têtes coupées” (deux officiers avaient parié pour savoir lequel d’entre eux parviendrait le 1er à décapiter 100 personnes avec son katana), qui fit l’objet d’une campagne de propagande figurant à la une des quotidiens japonais de l’époque.


C’est à l’intérieur d’une “zone de sécurité” internationale d’une superficie d’un peu moins de 4 kilomètres carrés, que plus de 250.000 personnes vont tenter, tant bien que mal, de s’organiser pour survivre dans l’enfer de la guerre, au beau milieu du chaos généralisé, sous l’égide de trois étrangers bien intentionnés qui résidaient en Chine depuis déjà de nombreuses années : John Rabe (un employé allemand de la compagnie Siemens qui était membre du parti Nazi et en avait une vision “idyllique” totalement erronée, du fait de son éloignement avec la mère patrie), Minnie Vautrin (une missionnaire américaine qui dirigeait le département de pédagogie de l’Université normale de Nankin, réservée aux femmes) et John Magee (un pasteur américain qui filma avec sa caméra les exactions commises à l’intérieur de la zone sécurisée). Malgré cela, personne n’est vraiment totalement à l’abri dans la mesure où l’entraide entre amis peut, à tout moment, se transformer en dénonciation quand sa propre vie ou celle d’un proche est mise en jeu par un ennemi impitoyable.

Il faut sauver le soldat Kadokawa

Dans City Of Life And Death, il n’y a pas de “héros” de guerre mais juste de simples troufions de base obéissant, plus ou moins aveuglément, aux ordres de leurs supérieurs hiérarchiques sachant qu’il leur est, de toute façon, impossible de désobéir s’ils veulent sauver leur peau. On suit donc le quotidien de divers soldats des deux camps mais aussi celui d’innocents civils (hommes, femmes et enfants) pris, bien malgré eux, dans la tourmente.

Toute l’originalité du propos vient ici du fait que Lu Chuan (qui a, lui-même, du longuement “batailler” avec le bureau de censure de son pays afin que son film puisse enfin voir le jour) a choisi de nous relater les faits au travers du regard de l’ennemi, en l’occurrence celui de Kadokawa, un jeune soldat japonais qui non seulement participe, contraint et forcé, à l’horreur des combats mais aussi témoigne des diverses exactions auxquelles il assiste, ce qui n’a pas manqué de créer une vive controverse à la sortie en salles du film en Chine.


En choisissant de tourner en noir et blanc pour mieux “mettre en lumière” (au sens propre comme au sens figuré) grâce à une superbe photo l’aspect émotionnel de son propos, Lu Chuan (qui s’est, à la fois, inspiré du journal intime d’un soldat japonais et de divers documents historiques de l’époque pour écrire son scénario) ne nous épargne rien en passant en revue, tout au long du film, les combats sanglants et meurtriers ainsi que les diverses exactions commises en temps de guerre (exécutions sommaires et arbitraires qu’elles soient individuelles ou de masse, tortures gratuites aussi bien physiques que psychologiques à l’encontre aussi bien de soldats appartenant au camp ennemi que de civils innocents, pillages, viols…) tout en nous relatant les terribles conditions de vie au quotidien (froid, faim, humiliations constantes) qu’ont du endurer aussi bien la population civile que les soldats des deux armées en présence pendant les longues années de guerre puis d’occupation.

Les nombreuses scènes choc ne peuvent laisser le spectateur indifférent mais l’extrême violence, tant physique que psychologique, montrée ici sans la moindre complaisance, n’est jamais purement gratuite puisqu’elle n’est malheureusement que le reflet d’une bien sordide réalité historique ce qui ne fait que nous prouver, une fois encore, toute la monstruosité et la bestialité dont l’Homme peut être capable à l’encontre de ses semblables. En outre, on se souviendra longtemps de l’hallucinante scène de la danse rituelle japonaise, de toute beauté et d’une incroyable force tant visuelle qu’émotionnelle, pour laquelle Lu Chuan a fait appel aux deux meilleurs joueurs de Taiko (tambours japonais) car elle est, à sa façon, l’un des moments forts du film.

City Of Life And Death

Réalisation : Lu Chuan

Avec : Hideo Nakaizumi, Wei Fan, Liu Ye, Gao Yuanyuan, Jiang Yiyan, Liu Bin, Ryu Kohata, John Paisley, Qin Lan.

Sortie le 21 juillet 2010

Durée : 2 h 15

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