Chambre nymphale

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Derrière la fresque cruelle et fantastique imaginée par George R.R. Martin et enrichie par les scénaristes, se cachent de multiples références à notre histoire. De l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale, le passé est source d’inspiration inépuisable de la saga.

Véritable vade-mecum de l’univers Game of Thrones, cet ouvrage richement illustré est une invitation à plonger dans les pages les plus tumultueuses de notre histoire.

 

Pour débuter, je dirais qu’il s’agit là d’un roman qui ne suit pas de scénario spécifique, ce que je trouve d’autant plus original. Enfin, si, il y a le synopsis de départ, un commencement, un milieu et une fin. Mais, ce que je veux dire, c’est qu’on se retrouve empêtré dans un perpétuel combat contre les démons d’Otto, à ses côtés, sans pause permettant de souffler. Maude Elyther nous fait entrer dans l’esprit de son personnage, où la frontière entre le rêve et le cauchemar ne tient qu’à un fil. Surtout, on se retrouve tiré dans la douleur mentale du personnage narrateur sans une seule minute de répit. À aucun moment il n’est aisé de débusquer le vrai du faux, de comprendre le traumatisme d’Otto. Tout nous vient au compte-goutte, et on suit les jours qui passent dans la vie du personnage, sans les sentir se dérouler. Tout se ressemble, les heures s’avèrent identiques, le temps figé, les peines englouties et recrachées continuellement.

Selon moi, le roman commence en force, avec un début intense et chargé en émotions. Il nous plonge directement dans l’ambiance du livre, lequel se referme autour du lecteur comme un étau. Bien vite, il étouffe et devient oppressant. Malheureusement, vers le milieu, je l’ai senti se desserrer et j’ai fini par décrocher légèrement de l’histoire. Tout me paraissait répétitif, le livre perdait de son intensité. Mais bien vite, tout a basculé, j’ai retrouvé dans la fin ce que j’ai apprécié au début. Une tension qui monte crescendo, toutefois saupoudrée de révélations et de brèches de réalité. On s’extirpe doucement du monde des rêves et des cauchemars pour comprendre le passé d’Otto, sa vie et tout ce qui l’entoure, non sans perdre l’aspect horrifique et onirique qui ne cesse de nous suivre dès les premières pages.

 

Je vois cette histoire comme le chemin difficile d’une personne en deuil, incapable de se dépêtrer d’une boue toxique. Celle-ci recouvre, consume, coupe la respiration, non sans permettre d’ouvrir les yeux et de prendre conscience de certaines choses. L’autrice a vraiment bien géré l’aspect psychologique de son personnage, s’obligeant ainsi à mettre tous les autres en arrière-plan, mais c’est un choix esthétique appréciable et logique dans un tel récit. Au fil de l’avancée, on se rend compte que l’histoire prend une direction romantique, tout en restant malsaine et tragique. Les bases d’une romance se posent et elles sont très importantes pour la suite, surtout la fin du roman.

 

Là où le texte montre tout son potentiel, l’entièreté de sa qualité suprême, c’est lorsque l’on entre en contact avec la plume de Maude Elyther. Elle est douce et brute, consistante et irréelle, éphémère et éternelle. Sa façon d’écrire est incroyable, je dirais même que j’ai rarement lu une aussi belle plume. Les mots s’entrechoquent, explosent, attaquent avec une force et délicatesse à la fois. C’est un mélange intense de plusieurs extrêmes. L’autrice réussit à véhiculer des émotions, à poser des mots sur la souffrance, l’affliction, la part d’ombre de l’être humain, le monstre que l’on cache en nous – et non pas dans le placard, mais au fond de notre âme. Vraiment, l’autrice a réalisé là une œuvre exceptionnelle du point de vue écriture. Ce n’est pas une plume que je risque d’oublier. J’ai hâte de voir ce que Maude Elyther a encore à écrire, à raconter. Je trouve son écriture hors du temps, de la norme, de tous genres. Un délice original et onctueux.

 

Au niveau des personnages, on se rend compte qu’il n’y a qu’Otto, quasi, mais aussi plusieurs individus gravitant autour de lui comme Ethan, Stéphane, Milo, Félix, Barbara… Tous ces noms qui, de temps en temps, interviennent dans le texte pour rappeler que le protagoniste n’est pas seul face à ses démons. Ils sont fort mis de côté, comme les personnages très secondaires qu’ils sont, mais bizarrement, cela ne m’a pas dérangé. L’histoire concerne Otto, sa sensibilité, ses forces, ses faiblesses, toute l’intensité de son combat contre ses monstres, ses sombres pensées, son apprentissage, sa renaissance et son envol vers l’espoir. À la rigueur, Maude Elyther a décidé de nous en apprendre aussi un peu sur Stéphane, mais encore là, nous ne savons pas tant de choses, ni sur lui, ni sur ses peines. Nous savons juste ce qu’elles lui font et ce qu’il devient à cause d’elles. Dans tous les cas, la psychologie des personnages est très bien gérée, et l’autrice creuse au maximum en eux pour nous révéler leur profondeur.

 

La fin du récit remonte une pente difficile, très rêche et difficile à vivre pour Otto, mais aussi le lecteur, plus perdu que jamais entre rêves et réalité. Un combat final s’effectue, entre le protagoniste et sa part d’ombre, son démon, plus fort qu’avant. Le récit n’a fait que monter crescendo, pour se stabiliser au milieu, et terminer par une bataille violente. Le milieu du livre m’avait malheureusement fait décrocher, mais à un certain moment, la plume de Maude Elyther a su récupérer mon intérêt. La clôture du récit est fidèle au reste de l’histoire, c’est une fin logique et appropriée pour ce type d’histoire. J’ai bien aimé l’ajout des peintures dans le livre, toutes réalisées par l’autrice, représentant son univers et certains de ses personnages. Cela rendait le récit beaucoup plus vivant ! ​

 

Grosso modo, Chambre nymphale n’est pas un roman que je conseillerais à tout le monde. Il s’agit d’une histoire horrifique et onirique, frôlant les frontières entre la folie et la raison, la réalité et le rêve, avec des personnages contrôlés par leurs émotions. Un combat perpétuel face à ses démons, aux démons du protagoniste. Un récit court, mais intense, empli de violence et d’affliction, le tout narré par une conteuse incroyable à la plume extraordinaire.

 

Lien de la chronique : http://papillonvoyageurbloglivresque.weebly.com/chroniques/chambre-nymph...

 

Chambre nymphale, par Maude Elyther, Noir d’Absinthe

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