Capture (La)

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Morguélen. Un nom funèbre pour une île bretonne giflée par les vents.Un terrain idéal pour la lieutenante Chen, lancée dans une traque sans merci. Dans son viseur : des tueurs à gages insaisissables, les Furies, déesses du châtiment.Mais à l’heure de la rencontre, la partie pourrait bien compter plus de joueurs qu’il n’y paraît. Et quand le prêtre de cette île du bout du monde entre à son tour dans la danse, une seule certitude demeure : quelqu’un va mourir. 

La capture fait suite au roman précédent, Le gibier ; il constitue le deuxième tome de la série des Furies et se déroule six mois après. Je précise que, bien qu’il puisse être lu indépendamment, il serait, à mon sens, dommage de se priver du premier. De même, lire La capture avant Le gibier en gâcherait sérieusement le plaisir, mais surtout en divulguerait l’intrigue et la fin. Je vous conseille donc de les lire dans l’ordre.

Ce n’est pas un secret, je suis addict au style Lebel depuis le début ; ses personnages colorés, ses intrigues riches et sa plume enlevée et très personnelle confèrent à ses romans une richesse et une solidité à toute épreuve. J’ai en ma possession tous les livres de l’auteur – même s’il m’en reste deux ou trois à lire – et j’avoue n’avoir jamais été déçue. Donc pas de surprise de ce côté-là avec son petit dernier. Ou plutôt si ! Un peu quand même. Parce que force m’est de reconnaître que je l’ai encore plus apprécié que le précédent. Bah si, c’est possible ! Le lieu en lui-même, les personnages toujours croustillants, l’intrigue à tiroirs recelant des surprises ainsi que la fin : tout est justement dosé et savamment orchestré, pour notre plus grand plaisir.

Le lieu tout d’abord, Morguélen, petit bout de terre déserté par l’homme en période hivernale. Il permet à Nicolas Lebel d’instaurer une atmosphère tout à fait étrange, pesante et sombre. Bien que l’île soit entourée par l’immensité de l’océan et perpétuellement parcourue par le vent, on est loin de l’image de carte postale qu’elle doit offrir l’été – enfin, si elle existait ! – et on est à la limite du huis clos. On y rencontre une faune bigarrée et assez rude, qui donne à l’auteur l’opportunité de nous peindre une galerie de personnages comme il aime et excelle à le faire. Inutile de préciser à quel point la glaciale et pragmatique lieutenante Yvonne Chen détonne dans cet environnement.

La plume est toujours aussi réjouissante, vive, acérée et riche, travaillée et précise, caustique et drôle, elle est mouvante comme l’océan, tour à  tour désopilante ou très sérieuse ; c’est là une des grandes qualités du style de l’auteur.

 

Dans le classement des villes-fantômes du globe, le bourg de Morguélen devait arriver en troisième position derrière Tchernobyl et Pompéi, quatrième si on comptait Limoges après 22 heures. 

 

L’intrigue de La capture recèle plusieurs niveaux, avec une enquête policière et une histoire de vengeance qui s’imbriquent l’une dans l’autre, intimement mêlées dans cette nouvelle danse des Furies. Peut-être moins classique que celle du Gibier, elle n’est pas dépaysante que par le lieu où elle se déroule mais également par les faits qui y sont contés. Parce qu’on voyage aussi loin de Morguélen et en dehors de notre époque. Une course contre la montre, mais aussi contre la mort, s’engage, et alors que le décompte s’affiche à chaque entame de chapitre, on est pris dans un tourbillon sans trop savoir dans quel sens on va. Nicolas Lebel, lui, le sait très bien. Il maîtrise sa narration à merveille, nous embobine dans un jeu de miroirs pour mieux nous leurrer, nous mène de surprise en rebondissement dans une course étourdissante et ce, jusqu’à l’extrême. Car non content de de nous délivrer une fin inattendue, il nous prend encore à contre-pied avec l’épilogue. Même si je n’ai pas absolument besoin d’un twist ending époustouflant pour apprécier un bouquin, je reconnais aisément que c’est fort agréable d’être surprise à ce point dans les dernières pages. Alors je ne vais pas vous mentir ni bouder mon plaisir : un double coup de théâtre, quoi de plus réjouissant ?

C’est donc une totale réussite que ce polar/thriller/roman noir, aussi distrayant que documenté et enrichissant, et pour la lecture duquel je remercie chaudement les éditions Le Masque via NetGalley.

Parue sur Beltane (lit en) secret

 

La capture, Nicolas Lebel, aux éditions Le Masque, 20,90 €

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