(Pro)créations

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Voici un ouvrage qui semble surprenant au départ, mêlant naissance physique et création artistique au travers de 22 nouvelles.

Francis Berthelot dans Le cimetière des toucans nous parle d’un artiste qui va se donner littéralement la mort pour le toucambre des toucans. Une nouvelle fascinante et dérangeante, qui vous mange de l’intérieur.

Hélène Calvez nous parle d’Emmanuel et de la nuit de Noël. Comment un poupon de porcelaine dans la crèche devient un véritable enfant. Un vrai compte de Noël, à lire aux enfants, le soir ad hoc, sous un sapin odorant.

Jean-Michel Calvez nous surprend dans A quatre mains. Jusqu’au bout, j’ai cherché et je n’aurais pas trouvé la clé seule. Aussi, vais-je laisser planer le mystère. Juste vous dire que c’est une de mes préférées.

Joëlle Wintrebert et son Arthro m’ont beaucoup bousculée. Cette société insectoïde qui donne la vie en donnant la sienne, ces voyageurs de l’espace définitivement égarés qui en arrivent à forcer les naissances pour assurer la survie de la race. Des textes, des mots qui dénotent de la violence faite aux femmes depuis la nuit des temps. Comme un viol par les mots... Une sensation de souffrance !

Léo Lamarche dans La dormeuse blême traite du viol et de la honte qui plane sur la victime. Aussi des pressions sociales dans certaines cultures, ici dans un milieu immigré, où on ne parle pas de cela et où la fille porte la totale responsabilité “d’avoir provoqué le garçon”. On se révolte mais que faire d’autre que se réjouir de voir évoluer la société vers une conscientisation des abus.

Sylvie Miller nous met le coeur au bord des lèvres. Avec Ventres d’airain, cette société use de femmes esclaves pour souffrir les affres de l’accouchement, tous les 3 jours, pour mettre au monde, sortis de ventres d’airain, des enfants assez combattifs pour survivre. Beurk, et comme on peut comprendre le dernier souhait de cette pauvre femme ! Souffrir pour rien, même pas la compensation du bonheur de donner la vie de sa chair.

Nous avons aussi des extraits de deux romans, de plumes très connues : Martin Winckler, Mort in vitro, et Amin Maalouf, Le premier siècle après Béatrice.

La société comme contrainte sociale sur la femme, comme contrôle des maternités et la stérilité généralisée ont inspiré Jean-Pierre Fontana (Et je lui donnerai pour nom Emmanuel), Patrick Eris (Les enfants du miracle), Antoine Lencou (Je sais, ils m’avaient dit non) et Pierre Bordage (En chair). Nathalie Dau place son Nouveau-né dans un grand jeu de rôle, Alain Le Bussy traite de vampires (Inné !), Le manoir dans le cimetière d’Estelle Valls de Gomis de créativité retrouvée, Pierre-Alexandre Sicart, dans Le sang des fées, des highlands et des légendes celtes, Cycle de Carole Boudebesse du mal-être d’une femme qui n’a été la fille de personne. Jean Millemann met en scène une fantôme dans Hantise. Lionel Davoust signe Regarde vers l’ouest, un road movie où créateur et procréateur ne peuvent coexister.

Lélio, dans All the accidents, évoque le déni de grossesse…

Jess Kaan traîne dans Le couloir d’une maternité où fatigué, son héros voit les fées et Mélanie Fazi avec Le pollen de la nuit nous raconte la version des mêmes fées qui se penchent sur le berceau.

Un ensemble de textes à la fois sur un même thème mais aussi différents que possible. Tous interpellant, même une femme sans maternité comme moi, une femme sans don créatif…

Ils rappellent sans faille que la vie est fragile, le désir impérieux et que seul le but peut justifier les moyens… Enfin parfois à grand-peine par rapport à nos valeurs actuelles, comme avec le concept des esclaves de l’accouchement.

Reste un goût mélangé, entre doux et dur, amer et sucré, l’impression qu’on n’est plus la même après l’avoir lu, la sensation qu’on aurait pu rater un moment précieux et important, une rencontre…

Une critique très difficile à écrire, partagée entre toutes sortes de sentiments, de sensations, de souvenirs, de plaisir et de douleur de lecture et de chair…

C’est là, la toute première anthologie que je lis mais pas la dernière. J’ai apprécié le changement de rythme, la brièveté des textes qui supprime les temps "morts". Je suis initiée à la nouvelle !

Interview ici !

(Pro)création, anthologie dirigée par Lucie Chenu, collection Imaginaires, 312 pages, illustration de Sébastien Bermès, Editions Glyphe, avril 2007

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