Bibliothécaire d'Auschwitz (La)

Auteur / Scénariste: 
Traducteur: 

À quatorze ans, Dita est une des nombreuses victimes du régime nazi. Avec ses parents, elle est arrachée au ghetto de Terezín, à Prague, pour être enfermée dans le camp d’Auschwitz. Là, elle tente malgré l’horreur de trouver un semblant de normalité.Quand Fredy Hirsch, un éducateur juif, lui propose de conserver les huit précieux volumes que les prisonniers ont réussi à dissimuler aux gardiens du camp, elle accepte. Au péril de sa vie, Dita cache et protège un trésor. Elle devient la bibliothécaire d’Auschwitz.

 

Les récits "tirés d'une histoire vraie" sur la Seconde Guerre mondiale en général et l'Holocauste en particulier pullulent. Certains sont médiocres, d'autres un peu meilleurs, quelques-uns sont bons. Plus rares toutefois sont ceux qui peuvent réellement être qualifiés de littérature.

La bibliothécaire d'Auschwitz en fait partie. Car au delà de l'aspect documentaire et témoignage, il s'agit d'un roman extrêmement bien écrit, avec certains passages d'une ironie douce ou d'une poésie désespérée. Antonio Iturbe a su trouver le dosage parfait entre retranscription de faits avérés et extrapolation des pensées et émotions des différents protagonistes. Et il le fait avec un véritable talent de conteur. Il nous emporte dans la vie quotidienne de cette anomalie au sein d'Auschwitz, ce bloc 31 où plusieurs centaines d'enfants se sont vu offrir une illusion de normalité des mois durant, dans une école illicite tenue à bout de bras par quelques adultes passionnés et motivés, conscients de la soif d'apprendre des petits. Évidemment, le couperet finit par tomber, les Nazis ne faisant jamais rien sans bonne raison.

Tout au long du roman, l'auteur sème des messages d'espoir, de résilience, grâce aux livres et aux mondes insoupçonnés dans lesquels ils peuvent nous transporter, quelle que soit la situation. Dita, Fredy et les autres tiennent bon plus grâce aux livres que grâce à ce Dieu dont ils considèrent qu'il les a abandonnés, d'autant plus qu'ils savent que le régime nazi interdit les livres et les craint. Aussi révérés que des ouvrages saints, les pauvres huit livres qui composent en tout et pour tout la bibliothèque du bloc 31 deviennent les symboles d'une forme de rebellion secrète et opiniâtre, malgré leur état de délabrement (une demi-douzaine d'autres ouvrages s'y joignent, mais je vous laisse découvrir par vous-mêmes de quoi il s'agit). Ils deviennent le symbole du refus des déportés de se laisser abattre et dépouiller de leur humanité.

Jamais Iturbe ne tombe dans le piège de l'accumulation de pathos ou d'empilement nauséeux de scènes insupportables. Au contraire, il contrebalance systématiquement les passages les plus durs de petites phrases d'une candeur presque enfantine, qui n'adoucissent pas la cruelle réalité mais qui permettent de continuer la lecture. On se surprend même à sourire à plusieurs reprises de cette forme d'humour très spécifique aux déportés.

Même si le propos arrache le coeur et entortille les tripes, la beauté simple de l'écriture bouleverse pour de bonnes raisons. Iturbe nous narre le destin extraordinaire de personnes ordinaires jetées sans ménagement dans la plus incompréhensible des situations. Qu'il s'agisse des juifs déportés ou des SS (les passages sur Viktor ou la gardienne en chef de Bergen-Belsen prêtent à réflexion). Héros malgré eux ou bourreaux par hasard.

De plus, en cette période inédite que nous vivons, où l'accès à la culture est interdit pour des raisons sanitaires, les mots d'Iturbe, son vibrant plaidoyer pour l'importance des livres et de l'éducation prennent une résonance particulière (toutes proportions gardées, évidemment). Son insistance sur la solidarité et le fait de garder son humanité également.

Comme il l'écrit si justement :

Une personne qui vous attend quelque part est comme une allumette que l'on craque dans un bois au coeur de la nuit. Peut-être qu'elle ne pourra pas éclairer toute l'obscurité, mais elle vous montrera tout de même le chemin pour rentrer à la maison.

 

La plus belle revanche de ces millions de morts sur la machine de mort allemande n'est-elle pas qu'aient pu d'abord survivre, puis tout simplement vivre, aimer, se retrouver, certains des déportés ? La moindre parcelle de rire, la moindre étincelle de bonheur ou d'amour étaient précieuses et savourées à leur juste valeur. Pendant leur passage en enfer et depuis.

Avec Si c'est un homme de Primo Levi, La bibliothécaire d'Auschwitz est probablement ce que j'ai lu de meilleur sur la vie au quotidien en camp de concentration.

 

La bibliothécaire d'Auschwitz, d'Antonio Iturbe, Flammarion, ISBN 978-2756429779, prix 19,90 €

Type: