Science-fiction en France, théorie et histoire d'une littérature (La)

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Il s’agit d’une présentation et réécriture de la thèse de Simon Bréan à l’intention de lecteurs non universitaires, mais ce livre reflète une étude assez complète et approfondie du sujet. L’auteur a limité son étude dans le temps ; d’une part - et je plussoie ce point de vue - la science-fiction n’apparaît, sous la forme définitive actuelle, qu’à l’arrivée en France du terme et des œuvres américaines, à partir de 1951 ; d’autre part, il arrête l’étude à 1980 afin de disposer d’un recul suffisant sur les œuvres étudiées, même si un chapitre porte sur un rapide survol de l’histoire récente du « genre » en France.

Sur la partie historique du livre, qui va du chapitre 1 (Précurseurs et modèles) au chapitre 4 (1970-1980 et bilan sur la période de 1950 à nos jours), je ne peux qu’apprécier une étude historique qui, bien que l’auteur soit trop jeune pour avoir des souvenirs de la période, correspond assez exactement aux souvenirs que j’ai personnellement accumulés depuis 1964, et à ce que j’ai appris par discussion et lectures sur les années antérieures.

Dans une discussion en ligne, un intervenant a redouté un biais qui serait lié à des références excessives aux critiques de la revue Fiction. Dans la mesure où ces critiques ne sont étudiées qu’en tant que critiques et que les publications sont, elles, étudiées directement et non à travers le filtre de ces critiques et où, pour un lecteur ordinaire comme moi-même à l’époque, quelqu’un qui ne participait alors à aucun groupe de « fans », ces critiques étaient, entre 1964 et 1974, quasiment la seule information disponible sur la réception de la science-fiction par ses afficionados, je crois que ce biais est totalement absent du livre.

Ceux qui ont connu la période traitée devraient retrouver leurs souvenirs, ceux qui ne l’ont pas vécue devraient apprendre un certain nombre de choses.

Dans la partie théorique, les chapitres 5 à 7 étudient en mettant en forme avec un langage d’étude universitaire que, personnellement, je ne maîtrise pas, la place de la science-fiction en général et de la science-fiction française en particulier dans l’ensemble de la fiction. Définissant au début du livre les différents caractères ontologiques possibles, Simon Bréan caractérise la science-fiction comme une fiction « poétique matérialiste spéculative » et essaie de décrire comment se construit un récit de science-fiction, quels mondes sont envisageables et comment, par le jeu de l’intertextualité, caractère fondamental dans le cas de la science-fiction, se construit un « mégatexte » de référence. Il précise en quoi la science-fiction se distingue des autres formes de fiction.

Sous une forme souvent plus rigoureuse et plus construite que ma propre vision assez intuitive, je ne peux qu’y retrouver mes propres convictions confortées, parfois légèrement modifiées. Simon rappelle que, même si, à la base, le monde de référence de la science-fiction n’est pas plus « fictif » que celui de la littérature « générale », le fait de devoir prendre en compte les créations antérieures, l’existence d’une intertextualité plus développée que dans les autres branches romanesques et d’un important métatexte, les attentes du lecteur et ses exigences quant à la plausibilité de la spéculation interdisent l’assimilation pure et simple de la SF au thesaurus général de la littérature.

L’étude de Simon Bréan précise donc les particularités de la SF et celles qui seraient plus spécifiques dans la SF française. Je ne saurais trop recommander la lecture de cet essai à quiconque cherche une vision théorique globale.

La science-fiction en France, théorie et histoire d’une littérature, par Simon Bréan, préface de Gérard Klein, éditions PUPS (Presses Universitaires Paris-Sorbonne), 2012, 501 p., couverture de Stéphane Mercier, 22€, ISBN 978-2-84050-851-9

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