Encyclopédie de la Fantasy (L')

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Tout d’abord, signalons la beauté de l’objet, un véritable livre d’art que Saint-Nicolas, en sa grande bonté et sa sublime sagacité, a eu la judicieuse idée de m’offrir en décembre dernier. L’iconographie est particulièrement soignée, des innombrables gravures et dessins d’époque aux couvertures d’éditions d’ouvrages récents ou non.

Jacques Baudou, critique au ’Monde’ bien connu, se penche sur la littérature de ce que l’on appelle communément « Fantasy », en brossant large, du Merveilleux antique à la Fantasy urbaine actuelle. En lisant la table des matières, le lecteur aura un peu l’impression de perdre pied : le parcours n’est pas strictement historique, les chapitres sur le Roi Arthur ou la tradition britannique intervenant après d’autres plus contemporains.

Baudou entame son périple par Tolkien et son Seigneur des anneaux, alpha et oméga du genre. Comme tout Français soucieux de classification, il tente ensuite de définir la Fantasy et ses sous-genres (low, high, myth, fairy...), en rappelant la distinction de base : « On a souvent comparé la science-fiction et la fantasy en remarquant que le rôle joué par la magie dans cette dernière équivaut à celui joué par la science dans la S-F ». Mais il rapporte aussi cette belle parole de Tolkien qui dit que la fantasy doit provoquer ’effroi et émerveillement’ (awe and wonder). Les sources sont connues : la mythologie, le conte populaire, le conte de fées (même la comtesse de Ségur est suggérée !), la littérature médiévale, Shakespeare et sa Tempest... Repassant par Tolkien, qu’il décortique quelque peu, il évoque ensuite quelque hardis pionniers tels Morris, Eddison ou Lord Dunsany, puis souligne le succès grandissant du genre : éditions en poche, anthologies multiples, création des conventions et ’World Fantasy Award’.

D’autres livres précurseurs aussi sont invoqués tels Alice au pays des merveilles, Peter Pan ou Le Magicien d’Oz. Après un judicieux détour par la fantasque trilogie de Gormenghast de l’inclassable Mervyn Peake, Baudou aborde un pilier majeur, première forme définie : l’Heroic-Fantasy. Conan et ses suites bien sûr, héritier des héros d’E.R.Burroughs et de H.Rider Haggard. Thongor et Kothar, avatars du Cimmérien d’Howard, sont là aussi, tout comme les personnages ’picaresques’ (le terme est parfaitement choisi) de Fritz Leiber ou de Michael Moorcock.

De l’H-F, Baudou glisse tout naturellement vers la ’fantasy épique’, celle des Feist, Jordan, Eddings, Kay ou Martin, qu’il considère comme la littérature prédominante actuellement. A cet instant, l’auteur décide de décrire quelques autres sous-genres. La fantasy urbaine, par exemple, celle de Neil Gaiman et de Neverwhere évidemment, mais aussi de Lindholm (= Robin Hobb), de Lint ou, tiens, un Français, Hervé Jubert (mais il omet l’exemplaire Obsidio de Johan Heliot). Les fantasy humoristique (Anthony, Pratchett, Holt), animalière ou exotique ne sont pas oubliées. Intervient ici brusquement la ’matière de Bretagne’, soit la tradition arthurienne, avec Holdstock, Marion Zimmer Bradley et, au cinéma, John Boorman ou...les Monty Python.

C’est l’occasion ici de remarquer que le cinéma est constamment présent dans cette encyclopédie, tout comme la BD. Baudou revient alors en terre littéraire pour arpenter la France (Gaborit, Colin, Calvo, Pevel), allemande (Ende, Bemman, Meyer), ou anglaise, ici en rappelant ... Mary Poppins, ou ce cher C.S.Lewis, l’auteur de ’Narnia’. Un peu plus avant, il parlera aussi d’excentriques tels Crowley, Holdstock encore, ou Tim Burton. Ce jeu perpétuel de va-et-vient est à la lecture parfois un peu déconcertant, il faut l’avouer.

La fin de l’ouvrage est dédiée à la fantasy ’jeunesse’ qui se développe fort, à l’ineffable Harry Potter (comme l’oublier, celui-là ?), puis aux jeux de rôle et vidéos. Pas de conclusion ni d’index. Ce livre est une belle somme, sans doute un peu disparate, mais l’amateur y trouvera ce qu’il cherche : un tour complet du genre ’fantasy’, ce qui, vu le succès énorme de cette littérature dans les librairies, semble bien nécessaire afin d’éviter l’étourdissement. Un ouvrage salutaire donc.

Jacques BAUDOU, L’Encyclopédie de la Fantasy, ill. de Krystal Camprubi, Editions Fetjaine 2009, 175 p., 24,90 €.

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