Aliss

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Version sadienne de Alice aux pays des merveilles, ce roman excitera la fascination de ses lecteurs pour le gore et le vice. Sa très jeune héroïne fuit un quotidien fade et prévisible chez ses parents, en espérant prendre un aller simple pour le monde exotique des sensations fortes qui s’étend à l’infini « par de là le bien et le mal ». C’est une bouche de métro qui l’y conduit inopinément, à l’instar du terrier de lapin qu’emprunte son ancêtre, Alice, au début de l’œuvre culte de Lewis Carroll. Son aventure prend vite des allures de descente aux enfers, la confrontant, avec une violence exponentielle, aux questions existentielles concernant sa vraie nature et sa place.

L’auteur transpose ici la réflexion et la trame du conte carrollien à notre règne actuel des pulsions avec d’incessants clins d’œil et un casting audacieux où l’on retrouve dans le rôle de la Reine, une patronne de bordel, dans celui de la Chenille un vieillard toxico, ou celui des Siamois, deux psychopathes sanguinaires.

L’occasion pour Patrick Senécal de faire un sort à des idées reçues chez bien de nos contemporains sur la liberté débridée et la morale bien pensante ou de remettre les pendules à l’heure – sinon les montres à gousset – au sujet du surhomme nietzschéen. La plume du talentueux romancier exploite par ailleurs ici le registre anglo-saxon du non-sense, d’où de savoureux moments d’anthologie inscrits dans la droite lignée carrollienne.

Au total un roman initiatique d’une actualité féroce et à la philosophie d’une très pertinente impertinence, tant elle rappelle combien la norme est une ligne qui se déplace. Il est servi par une écriture parfaitement maîtrisée qui ne faiblit pas en intensité à mesure que le nœud de l’intrigue se resserre sur Aliss, et qui couronne le tout avec un dénouement d’une justesse précisément « extraordinaire ».

 

Aliss par Patrick Senécal, Fleuve Noir, 2017, 20,90 euros

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