Privilège de l'épée (Le)

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Voici un livre, comme À la pointe de l'épée qu'il prolonge en en reprenant cadre et certains personnages, qu'on classe abusivement dans la « fantasy ». Il s'agit en fait d'un roman « historique », même s'il est placé dans un pays imaginaire, une Angleterre du dix-septième siècle qui aurait connu une révolution « bourgeoise » (en fait aristocratique, ce sont les nobles qui contrôlent le Parlement). On y trouve les techniques de l'époque, les superstitions (en fait moins évoquées que dans le premier roman), mais aucun être surnaturel, aucune magie. Le pays (sans nom) fait plus penser à la Ruritanie du Prisonnier de Zenda, à Malacia de The Malacia Tapestry de Brian Aldiss, au Rivage des Syrtes, au Désert des Tartares ou à Malafrena d'Ursula Le Guin qu'aux modes de fantasy.

 

Cette fois c'est une jeune fille, Katherine, qu'Alec Campion, le « Duc Fou » de Tramontane, va choisir comme futur protectrice armée, maintenant que Saint-Vière a quitté les Bords-d'Eaux. Katherine est en fait la nièce d'Alec et sa mère, ruinée par les avocats du Duc, est obligée de la confier à celui-ci, qui va donc l'obliger à apprendre, puis à maîtriser, les arts de l'épée quand elle-même aurait préféré une vie ordinaire d'épouse noble... C'est donc l'évolution de Katherine que nous allons suivre dans ce roman jusqu'à une fin aussi inattendue pour elle que pour le Duc…

 

J'ai eu l'impression en lisant ce roman que les changements d'humeur et de but des différents personnages étaient parfois aléatoires, En particulier la relation entre Katherine et Artemisia, pourtant un nœud essentiel de l'intrigue, aurait demandé qu'elles se revoient entre les deux rencontres importantes ; que Katherine se soit souvenue de sa première rencontre alors qu'elle n'a rencontré personne d'autre entretemps, possible ; qu'Artemisia ait gardé un tel souvenir et un tel besoin de se confier à elle alors qu'elle a vécu des mois sans le moindre contact avec elle est moins vraisemblable (faut-il rappeler que la vraisemblance, c’est-à-dire la crédibilité pour le lecteur, est une nécessité essentielle de tout roman ?).

 

En fin de compte, ce roman n'ajoute à la description de la société et du monde imaginaire décrit dans le précédent que cette part féminine, qui aurait mérité quelques approfondissements : l'évolution de Katherine semble, parfois, inexplicable. Et l'épilogue pose une question : est-elle revenue à un rôle « normal » de femme ou est-elle, toujours, une bretteuse ? Ou le roman raconte-t-il un intermède entre deux périodes ordinaires ?

 

Le privilège de l'épée d'Ellen Kushner, traduit par Patrick Marcel, Actu SF, Perles d'épice, 2022, 607 p., 22€90, couverture de Zariel, ISBN 978-2-37686-462-2