Débris du chaudron (Les)

Cette citation de la page 135 du nouveau roman de Nathalie Dau la dépeint toute entièrement. C’est l’auteure que j’avais rencontrée dans Les contes myalgiques I – Les terres qui rêvent et qui m’avait si enchanté (voir ma critique. Ce monde de fées est ici au centre de l’ouvrage, développant une novella parue dans l’Anthologie « Royaumes » au Fleuve noir en 2000. Comme le relate joliment la préfacière, Lucie Chenu, Nathalie Dau publie une version complètement réécrite de sa novella, et ce dans sa propre maison d’édition, Argemmios. Cette nouvelle version aboutit à un roman fort, empli de merveilleux, dès la première phrase : « Parvenu au sommet de la pente herbeuse, le cerf géant brama ». On dirait du Leconte de Lisle.

C’est dire le plaisir stylistique que j’ai ressenti à la lecture, moi grand admirateur des poètes parnassiens. Mais il y a chez elle un côté Rosny Aîné aussi, comme dans les furieuses pages initiales des chapitres 6 et 8, toutes bruissantes de nature. L’intrigue – car elle elle là, ô combien palpitante – oscille entre les temps légendaires et le vingtième siècle. De l’aube des temps – ou avant, même – viennent Kerridwen la sorcière et son amant Kernunnos le chaman. Ils s’implantent à Gwynedd, au Pays de Galles, supplantant les grossières superstitions locales. Kerridwen donnera naissance à deux enfants forts et beaux, mais le troisième, Affang, bâtard difforme, violera sa mère après avoir tué son père. Dau est un peu gore, là, mais la fantasy n’est pas toujours douce et merveilleuse. Cet Affang, devenu ver blafard au fond des eaux, poursuivra de sa vengeance tous les héritiers de ses demi-frère et soeur, au travers des siècles. Le roman passe donc successivement de ces événements aux menaces pesant sur le vingtième siècle et nous y rencontrerons de braves contemporains, ignorant totalement leur lourde et tragique ascendance. Ce va-et-vient temporel est à ce point admirablement mené par l’auteure que le lecteur se sent imbriqué dans un tournis vertigineux.

L’affrontement ultime se déroulant dans les Alpes françaises en 1997, et passionnément attendu, me paraît cependant un rien rapide. Le démon des eaux est vaincu et les jeunes impliqués dans ce combat immémorial rentrent tous gentiment chez eux.

Deux beaux poèmes closent le livre, ainsi qu’un glossaire des termes celtiques. Soulignons enfin les très belles illustrations de Magali Villeneuve.

Nathalie Dau a réussi un roman d’un style étincelant, comme en dehors du temps, parvenant à relier les mythes gallois qu’elle adore aux angoisses de notre époque. Toute une gageure.

Nathalie DAU, Les débris du chaudron, ill. Magali Villeneuve, 208 p., Argemmios éditions, Pontoise

Critique de Georges ici